La catastrophe du golfe du Mexique, un an plus tard - La soif de pétrole plus forte que les leçons

Il y a un an, une explosion ravageait la plateforme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique, tuant 11 personnes et déclenchant une marée noire de 4,9 millions de barils de pétrole, qu'on a combattue avec 7 millions de litres de dispersants chimiques, une expérimentation à une échelle inédite dont on ignore les impacts à long terme. Un premier nouveau forage vient d'être autorisé sur les lieux de la pire catastrophe environnementale survenue sur notre continent, logique du pétrole oblige.
Dans les heures qui ont suivi la poussée de méthane qui a provoqué la destruction de la plateforme Deepwater Horizon au puits Macondo 252 au large de la Louisiane, l'administration Obama rassurait tout le monde: pas de marée noire en vue. Deux jours plus tard, ravagée par un incendie incontrôlable, la plateforme coulait, rompant le cordon ombilical qui la reliait à la valve de sécurité censée sceller le puits aux prises avec une pression dépassant toutes les prévisions.On connaît la suite: la pire marée noire de l'histoire nord-américaine polluait les fonds marins, encrassait les zones humides, engluait des milliers d'oiseaux, intoxiquait les mammifères marins par centaines et frappait au coeur les économies riveraines basées sur la pêche, le tourisme et... l'exploration pétrolière, qui allait se retrouver au point mort avec le moratoire décrété par le président Obama.
Une résilience surprenante
Les experts sont étonnés aujourd'hui de constater à quel point l'écosystème du golfe du Mexique, une mer sensiblement plus chaude que celle de l'Alaska où s'est déroulé le drame de l'Exxon Valdez, en 1989, semble avoir tenu le coup. Sans pour autant minimiser les impacts de la catastrophe, connus ou à venir, plusieurs études ont démontré une baisse fulgurante des concentrations de pétrole en suspens dans l'eau du golfe. Certaines ont même constaté une disparition presque totale. Des bactéries particulièrement actives et bien omniprésentes dans cette région où les petits déversements se comptent par centaines chaque année semblent avoir pris le relais des pétrolières et de leurs dispersants chimiques. Ces derniers, par contre, continuent d'inquiéter les chercheurs plus que le pétrole, car ils semblent s'être déposés sur le fond marin sans qu'on puisse déterminer leurs impacts à long terme.
Par contre, si plusieurs pêcheries ont redémarré et que le moratoire sur certaines d'entre elles, comme pour les maquereaux, a permis à certaines populations de récupérer, l'état des marais côtiers demeure lamentable et le pétrole continue de s'y agglutiner. La stratégie utilisée l'été dernier d'augmenter le débit du Mississippi a aidé à sauver une bonne partie des marais côtiers de ce secteur.
Néanmoins, la zone immédiate de la catastrophe, qui couvre environ 2600 km carrés, demeure pleine d'incertitudes quant au retour des poissons et de sa recolonisation par les premiers maillons de la chaîne alimentaire. Par ailleurs, plusieurs craignent des effets à plus long terme, comme les récentes morts de dauphins qui seraient nés au moment de la catastrophe et progressivement intoxiqués par la suite. Plusieurs études demeurent pour l'instant confidentielles, car elles serviront dans les milliers de poursuites judiciaires pendantes ou à venir.
Facture salée
Jusqu'à présent, la pétrolière BP doit faire face à une facture qui pourrait dépasser les 40 milliards. Ses actions ont baissé de 30 % après un an. Des 20 milliards déposés dans le fonds d'indemnisation exigé par le président Obama, le Gulf Coast Claim Facility n'a versé que 3,8 milliards pour 201 261 réclamations sur les 857 000 reçues. À ces 20 milliards s'ajoutent les 10,7 milliards dépensés en interventions d'urgence pendant les 150 jours de la marée noire. Et BP fait face à une facture potentielle de 20 milliards d'amendes si elle est reconnue coupable de grossière négligence, mais de seulement 5,4 milliards si ce n'est pas le cas.
Des réformes limitées
L'enquête déclenchée par l'administration Obama a produit un rapport déposé à la mi-janvier qui va dans le sens de certaines mesures adoptées par Washington immédiatement après la catastrophe.
Par exemple, le Mineral Management Services (MMS) a été scindé en deux organismes. L'enquête a établi que le MMS visait deux objectifs contradictoires: la sécurité des travailleurs et de l'environnement et le développement de l'industrie. Le nouveau Bureau of Ocean Energy Management vient tout juste de délivrer un premier permis de forage dans le golfe, tandis qu'une trentaine de projets sont en attente. Son nouveau directeur, Michael R. Bromwich, est le premier à reconnaître qu'il n'a pas encore de personnel qualifié, de budgets et d'expertise suffisante pour ramener le niveau de risque des opérations aux États-Unis à ceux de l'Australie, de la Norvège ou de la Grande-Bretagne, des pays qui ont tous entrepris après l'accident de Deepwater Horizon la révision de l'ensemble de leurs procédures...
Au Canada, une commission sénatoriale sur la question a conclu après 26 témoignages d'experts gouvernementaux et de l'industrie qu'il n'y avait aucun problème ici, que nos normes étaient suffisantes, même dans l'Arctique. Curieusement, la commission d'enquête étasunienne a dit exactement le contraire pour l'Arctique, recommandant un renforcement majeur des règles dans cette région à cause des glaces qui empêcheraient toute intervention d'urgence pendant la saison des glaces.
Environ huit mois avant la catastrophe du golfe, le gouvernement Harper avait cessé d'imposer des exigences techniques précises aux forages en mer. On se contente désormais de recevoir pour examen les plans et mesures d'urgence choisis par les pétrolières.
Aux États-Unis, les nouvelles règles exigent désormais deux obturateurs d'urgence sur les têtes de puits. En Europe, on considère la possibilité d'exiger le forage simultané de deux puits afin que l'un soit immédiatement fonctionnel pour bloquer latéralement une fuite. Au Canada, l'idée a été écartée même si c'est la seule façon de s'assurer qu'une fuite puisse être immédiatement obstruée avant que l'hiver ne ferme la porte aux équipes d'urgence.