Loi sur l'indépendance et la sécurité énergétique des États-Unis - L'industrie pétrolière canadienne refuse de céder à la panique

L'industrie pétrolière canadienne ne prévoit pas, du moins pour le moment, utiliser les dispositions de l'ALENA pour neutraliser la nouvelle Loi sur l'indépendance et la sécurité énergétique des États-Unis parce qu'elle ne devrait pas avoir beaucoup d'impact sur les exportations de pétrole en provenance des sables bitumineux.

C'est ce qu'a déclaré hier au Devoir Greg Stringham, le porte-parole de l'Association canadienne des producteurs pétroliers en réaction à la lettre adressée, le 22 février, par l'ambassadeur du Canada, Michael Wilson, au Secrétaire d'État américain à la Défense, Robert Gates.

Selon le porte-parole des pétrolières, qui visiblement veut éviter tout signe de confrontation avec Washington, la loi adoptée par le Congrès américain et sanctionnée par le président George Bush en décembre doit donner lieu au cours des prochains mois à la mise au point d'une série de définitions administratives. Et ces définitions, dit-il rassurant, pourraient tenir compte notamment des efforts du Canada pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES), autant sur le plan national que dans les provinces exportatrices de l'Ouest canadien.

«Il n'y a donc pas de raison de s'inquiéter véritablement à ce stade-ci. Dans ce contexte, le recours à l'ALENA est vraiment une hypothèse de dernier recours», a précisé Greg Stringham.

La chaîne Southam publiait en fin de semaine la lettre que l'ambassadeur Wilson a fait parvenir au Département américain de la Défense pour traduire l'inquiétude bien réelle du Canada à l'endroit des dispositions de la nouvelle loi.

Cette dernière, comme l'explique l'ambassadeur canadien, stipule que le gouvernement fédéral américain n'a pas le droit d'acheter des combustibles, pétrole ou éthanol, quels qu'ils soient, si ces produits affichent un taux d'émissions de GES supérieur à la moyenne internationale.

Contrairement à la plupart des études sur la question, l'ambassadeur Wilson soutient que «la production des sables bitumineux n'affiche pas un taux d'émissions supérieur à la moyenne si on la compare au brut léger». Néanmoins, sa lettre indique qu'Ottawa, et sans doute l'Ouest canadien, sont inquiets de l'interprétation que les autorités américaines pourraient faire de la nouvelle loi.

Selon les études citées récemment par l'Institut Pembina, l'extraction et le raffinage des sables bitumineux dépasserait de deux à cinq fois, selon les technologies en cause, les taux d'émission du pétrole extrait sous forme liquide. Si l'essentiel des édifices du gouvernement fédéral américain sont chauffés au gaz naturel, explique Greg Stringham, par contre les achats de combustible des militaires américains et des Postes sont importants. Mais, dit-il, les militaires achètent des raffineurs et les Postes des stations-services à travers le pays, et il est impossible de dire d'où provient ce pétrole tout comme l'électricité sur un réseau.

L'ambassadeur Wilson, qui semble appréhender davantage les impacts de cette loi, rappelle au chef du Pentagone que «les firmes américaines sont parmi les plus grands investisseurs, producteurs et fournisseurs de technologie des sables bitumineux» et que les réserves pétrolières canadiennes ont même été officiellement inscrites comme partie intégrante de la réserve nationale des États-Unis pour au moins 174 millions de barils.

Le Canada, plaide-t-il, a fourni en 2006 pas moins de 2,3 millions de barils de pétrole par jour aux États-Unis, déclassant l'Arabie saoudite comme principal fournisseur. «La moitié de ce pétrole brut provenait des sables bitumineux», dit-il en laissant entendre que ce sont les États-Unis qui auront un problème s'ils appliquent leur loi à la lettre, maintenant et plus tard, car la production provenant des sables bitumineux passera, précise-t-il, de 1,4 million de barils par jour à 3 millions en 2015, «l'essentiel de cette production étant destiné au marché américain».

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