Le Québec n'a pas besoin de la centrale du Suroît

Des groupes environnementalistes condamnent le projet d'Hydro-QuébecLa Rive-Sud, championne québécoise de la pollution industrielle, est en voie d'ajouter à son palmarès les centrales thermiques, une filière énergétique polluante mais doublement payante pour Hydro-Québec, qui empoche la moitié des profits de Gaz métropolitain. Les audiences sur le projet du Suroît reprenaient hier soir, quelques jours après qu'Hydro-Québec eut retenu un autre projet thermique, privé cette fois, qui sera situé à Varennes.

Le Regroupement national des Conseils régionaux de l'environnement (RNCRE), le Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE) et l'Union des consommateurs ont demandé hier au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) de rejeter le projet de centrale thermique à cycles combinés du Suroît parce qu'elle s'inscrit à rebours du développement durable, de la politique de contrôle des gaz à effet de serre du Québec et, plus fondamentalement encore, parce que cet équipement polluant ne répond à aucun besoin énergétique du Québec autre que celui de rapporter de l'argent au gouvernement via Hydro-Québec.

Les trois groupes ont déposé hier soir leurs mémoires à l'ouverture de la deuxième phase des audiences sur le projet du Suroît. Cette centrale thermique de 550 millions produira à compter de 2006 quelque 800 MW au profit du marché américain.

Le RNCRE représente des organismes régionaux qui regroupent actuellement quelque 230 organismes environnementaux, 167 gouvernements locaux, 49 organismes parapublics et 250 corporations privées. Le RNCRE est un des quelques organismes environnementaux reconnus devant la Régie de l'énergie.

Pour le RNCRE et le CQDE, la centrale thermique du Suroît imposera de «lourds impacts environnementaux et sociaux» à cette région en augmentant, de plus et de façon significative, les rejets de gaz à effet de serre (GES) du Québec de 2,8 %, soit la moitié de l'effort demandé à la province pour se situer à 6 % sous le niveau de 1990. Par ailleurs, ses rejets polluants, plus intenses localement, s'ajouteront à ceux de la pire région du Québec sous ce rapport.

La MRC de Beauharnois-Salaberry rappelait hier dans son mémoire que les rejets polluants (NOx, CO, MP 2,5, SO2, COV, etc.) produits par la combustion du gaz naturel s'ajouteront à ceux des routes 132 et 236, en plus de ceux des usines d'Alcan, PPG, Nexen et Spexel. Déjà, note la MRC, la région de Beauharnois affiche le pire bilan de santé de la Montérégie, elle-même la région industrielle la plus polluée. Mais, conclut néanmoins la MRC, le projet a sa place dans la région du moment que sa pollution additionnelle respecte les normes.

Pour le RNCRE et le CQDE, il en va autrement et il faut en considérer les impacts cumulatifs d'autant plus que la région n'a pas besoin de cette énergie. À leur avis, le projet générera quatre fois moins d'emplois temporaires que si Hydro obtenait la même électricité avec un programme d'économies d'énergie. De plus, ajoute le mémoire conjoint, Hydro n'a pas démontré la rentabilité financière du projet, dont doutent certains en raison des prix volatils du gaz et de l'instabilité du marché des exportations.

Non seulement la centrale augmentera de façon sensible les rejets de GES du Québec mais, selon le RNCRE et le CQDE dans leur mémoire conjoint, le gouvernement et sa société d'État se comportent comme s'ils cherchaient «à transférer à d'autres les efforts de réduction aux fins strictes de l'accord de Kyoto».

Ce projet, conclut le RNCRE, n'a pu être comparé en audiences à d'autres solutions en raison du cadre trop étroit des examens du BAPE, qu'il faudrait élargir aux programmes gouvernementaux plutôt qu'à un examen cas par cas. Quant à l'Union des consommateurs, elle estime impératif de tenir une audience générique sur le thermique avant d'avaliser quelque projet que ce soit. Quant au RNCRE-CQDE, ils estiment que les projets thermiques n'ont de place au Québec qu'après épuisement des autres filières, y compris celle des économies d'énergie, abandonnée par Hydro-Québec malgré le potentiel qu'elle a elle-même identifié dans le passé.

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