Delta Air Lines se débat pour éviter la faillite
New York — Delta Air Lines, la troisième compagnie aérienne des États-Unis, brûle ses dernières cartouches pour échapper à la faillite, alors que plusieurs concurrentes américaines ont choisi cette option pour se sortir d'affaire.
Le partenaire commercial d'Air France a été très clair lundi soir: «notre préférence a toujours été d'éviter de se placer sous la protection du chapitre 11», la loi américaine sur les faillites, a écrit la compagnie dans un rapport au régulateur boursier américain (SEC).Delta s'est au passage plainte de ses concurrentes qui bénéficient de ce régime: «le déclin de nos revenus par passager reflète également le fait que nous devons concourir avec des compagnies qui opèrent sous le régime des faillites», a-t-elle fait valoir.
En effet ce régime n'a pas que des inconvénients. «La faillite présente l'avantage significatif de gagner du temps, en continuant l'activité tout en restructurant l'endettement et en renégociant les coûts sociaux, voire en les transférant», reconnaît Barbara Beyer, directrice du cabinet d'études Avmark spécialisé dans le secteur aérien.
«C'est ce qu'ont choisi les deux gros transporteurs United Airlines (UAL), en décembre 2002, et Us Airways, qui a pris cette option par deux fois, en août 2002 et en septembre 2004», renchérit Phil Baggaley, analyste suivant Delta chez l'agence de notation Standard and Poor's. Des transporteurs régionaux ont fait le même choix, rappelle-t-il, notamment la compagnie à bas prix American Trans Air.
US Airways vient d'obtenir le feu vert du tribunal des faillites pour son plan de réorganisation et s'apprête à fusionner avec America West, sous une participatoion financière d'Air Canada. UAL a pour sa part repoussé sa sortie de faillite, devant renégocier les modalités de sa restructuration, mais enregistre de petits bénéfices en dépit du contexte de carburant cher et de la guerre tarifaire entre transporteurs.
Néanmoins, les désavantages d'une faillite sont beaucoup plus nombreux que les bienfaits, à commencer par le coût faramineux du crédit. «Sur le plan stratégique, la direction est focalisée sur la mise en oeuvre de sa restructuration, et ne peut plus se concentrer sur la manière de développer son activité», fait valoir M. Baggaley.
«Les clients s'écartent de ces compagnies, et le transfert de gestion des charges sociales, comme les retraites, à un organisme tiers signifie souvent des révisions à la baisse, avec pour conséquences des personnels frustrés ou en colère», résume Mme. Beyer. «Les créanciers et partenaires commerciaux sont aussi plus réticents à nouer des accords avec la compagnie».
«Mais je ne pense pas que Delta ait beaucoup de marges de manoeuvre», insiste-t-elle, tandis que l'analyste de Standard and Poor's donne «un mois» à la compagnie avant qu'elle se mette en faillite.
Selon lui, «ils ne peuvent le faire actuellement car il leur faut encore négocier avec leurs principaux créanciers, General Electric et American Express, des conditions financières qui pourraient faire partie d'un plan de restructuration».
Contacté par l'AFP hier, Delta ne voulait commenter cet élément, qualifié de «spéculation».
Le groupe a reconnu lundi disposer d'un «niveau de liquidités inacceptable», avec 1,7 milliard de dollars à fin juin, alors que «nous allons devoir faire face à des obligations courantes d'ici le 31 décembre 2005 que nous évaluons à environ deux milliards de dollars».
«Le fonds de retraites manque d'un financement de six milliards de dollars, et les négociations inachevées avec l'actuel et le nouveau prestataire de paiement par carte bancaire mettent en péril le chiffre d'affaires même de Delta», relève M. Baggaley.
La compagnie «a peu de temps, car des modifications rendant le chapitre 11 plus contraignant entrent en application le 17 octobre prochain», fait-il aussi remarquer.