Unocal choisit sa compatriote Chevron plutôt que la chinoise CNOOC - L'appétit énergétique de la Chine et de l'Inde inquiète Washington

Vienne — La Chine et l'Inde courtisent de plus en plus des pays mis à l'index par les États-Unis, comme l'Iran, le Soudan, le Venezuela et la Syrie, pour tenter d'étendre leurs sources d'approvisionnement en pétrole et leur influence dans le monde. Une situation qui inquiète Washington.
Ainsi la récente offre de rachat d'Unocal, neuvième compagnie pétrolière américaine, par un groupe chinois, a-t-elle suscité des craintes aux États-Unis, au point que des parlementaires américains et l'ancien directeur de la CIA James Woolsey l'ont présentée comme une menace sur la sécurité nationale.Le conseil d'administration d'Unocal a recommandé mardi aux actionnaires d'accepter une offre de rachat de dernière minute de l'américain Chevron revue à la hausse à 17 milliards de dollars (20,7 milliards $CAN), et de rejeter l'offre plus élevée du chinois CNOOC, qui se monte à 18,2 milliards de dollars (22,1 milliards $CAN).
Investissements
D'autres initiatives moins médiatisées de la Chine et de l'Inde préoccupent également Washington. Outre leur implication dans des projets énergétiques dans des pays vus d'un mauvais oeil par Washington, l'Inde et la Chine ont investi dans le secteur du pétrole et du gaz en Russie. Pékin, avec la bénédiction apparente de Moscou, s'intéresse également aux anciennes républiques soviétiques d'Asie centrale où les Américains ont des bases militaires.
La Russie a augmenté ses livraisons de pétrole à la Chine de 28 % au premier semestre, a annoncé hier la société publique russe de chemins de fer. Au début du mois, Pékin a indiqué qu'il espérait accroître les importations d'or noir russe acheminées par train de 50 % l'an prochain.
Cette offensive des deux géants asiatiques sur le front énergétique a fait l'objet d'un rapport du Conseil national du renseignement, un organisme américain qui conseille la CIA et les décideurs politiques américains.
«L'émergence probable de la Chine et de l'Inde» sur la scène mondiale «va transformer le paysage géopolitique», avertit l'étude. «De la même façon que les commentateurs désignent le XXe siècle comme le «siècle américain», le début du XXIe pourrait marquer l'émergence de certains pays en développement, à commencer par l'Inde et la Chine.'
Impacts sur les relations
Le rapport souligne également que la demande énergétique jusqu'en 2020, surtout en Inde et en Chine, «aura des impacts substantiels sur les relations géopolitiques». En Asie centrale, les initiatives des deux géants pourraient nuire aux intérêts américains dans une zone située à la porte de la région de la mer Caspienne riche en pétrole et près de l'Irak ainsi que de l'Afghanistan.
La nécessité d'une présence militaire américaine en Ouzbékistan et au Kirghizstan, qui remonte à l'époque de la guerre en Afghanistan commencée en 2001, est déjà remise en question par les gouvernements des deux pays. L'Organisation de coopération de Shanghai, alliance régionale conduite par la Chine et la Russie, a appelé ce mois-ci les États-Unis à fixer une date pour le retrait de leurs forces des deux ex-républiques soviétiques.
Le général Richard Myers, chef de l'état-major interarmes américain, voit dans cette demande une volonté de «faire pression» sur les deux alliés de Washington, ce que Moscou réfute.
La plus grande partie de la production de pétrole vient des pays de l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), basé à Vienne, et notamment de l'Arabie Saoudite qui reste un allié des États-Unis malgré son mauvais bilan en matière de droits de l'homme.
Et des réserves importantes d'hydrocarbures sont situées dans des pays hostiles aux États-Unis comme l'Iran, deuxième producteur de l'OPEP. D'autres se trouvent dans des États considérés comme peu fiables par Washington. Ces pays «sont un aimant pour les pays consommateurs», souligne Michael Klare, un expert.
La demande chinoise en pétrole est désormais la deuxième au monde derrière les États-Unis, et devrait passer à 21 millions de baril par jour (mbj) d'ici 20 ans, soit l'équivalent de la consommation américaine actuelle. Au cours de la même période, la consommation indienne devrait doubler à 5,3 mbj. Dans les deux cas, l'essentiel de l'or noir utilisé devra être importé.