Côte-Nord - L'industrie forestière s'en prend aux Innus

Québec — La guérilla judiciaire entreprise par les Innus de Pessamit soulève l'ire du Conseil de l'industrie forestière, qui accuse le chef Raphaël Picard de mettre en péril la fragile économie de la Côte-Nord en plus de tenir en otage les travailleurs de la forêt.

De son côté, le gouvernement du Québec prévient les Innus qu'il défendra coûte que coûte ses intérêts devant les tribunaux.

En signifiant des mises en demeure à une cinquantaine d'entreprises forestières actives sur l'immense territoire du Nitassinan, le chef Picard plonge «des milliers de travailleurs dans l'incertitude», a fait valoir le porte-parole du Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ), Jacques Gauvin, lors d'une entrevue accordée à la Presse canadienne.

Les Innus de Pessamit (Betsiamites) s'apprêtent en effet à demander à la Cour d'appel de faire cesser les opérations forestières de la compagnie Kruger sur 15 000 km2, et menacent d'en faire autant pour une cinquantaine d'autres entreprises réparties sur le Nitassinan-innu, un territoire d'une superficie supérieure à la Grande-Bretagne.

Le chef Picard a indiqué, lundi, qu'il mettra sa menace à exécution si les entreprises forestières refusent de soumettre leurs plans d'aménagement à l'examen des Innus avant d'entreprendre toute exploitation de la ressource.

L'attitude belliqueuse des autochtones est extrêmement inquiétante pour l'industrie forestière, mais aussi pour l'exploitation minière et le développement hydroélectrique, a soutenu M. Gauvin. «De la même façon que les Innus ont obtenu une ordonnance de sauvegarde pour l'île René-Levasseur, ils pourraient éventuellement en obtenir une à l'encontre des autres entreprises (ailleurs sur le territoire). C'est très préoccupant», a-t-il mentionné.

Le CIFQ juge par ailleurs «inconcevable et déplorable» la décision du chef Picard de demander à la Cour suprême du Canada d'interdire à Kruger de récupérer, sur l'île René-Levasseur, le bois brûlé par les incendies de juin dernier.

Les Innus de Pessamit, estime le CIFQ, sont prêts à priver de travail une population entière à la seule fin d'augmenter leur rapport de force avec le gouvernement.

Cette nouvelle croisade des Innus contre l'exploitation forestière n'a rien pour améliorer le climat social sur la Côte-Nord et ailleurs au Québec, convient pour sa part le ministre des Ressources naturelles, Pierre Corbeil.

«Je suis inquiet, admet-il. Ça envoie un bien mauvais message aux travailleurs de la Côte-Nord. Ils [les Innus] ont choisi la judiciarisation plutôt que le dialogue et cela peut laisser des séquelles qui vont être longues à guérir.»

M. Corbeil regrette la démarche judiciaire enclenchée par les autochtones mais ajoute que le gouvernement défendra âprement ses intérêts devant les tribunaux.

Du reste, le ministre souligne que Kruger a obtenu la permission de la Cour d'appel pour récupérer le bois brûlé sur l'île René-Levasseur et que les opérations débuteront sous peu, n'en déplaise à M. Picard.

Les feux de forêt, qui avaient retardé le début des travaux, sont en voie d'être maîtrisés, a-t-il dit.

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