Le moteur diesel: plus d'un siècle et toujours vert

Avant que nous ne puissions conduire des voitures à la combustion parfaitement propre, fonctionnant à l'hydrogène, l'automobile devra passer par des phases de transition. La propulsion hybride et le moteur diesel s'affrontent déjà pour remplir ce créneau.

En investissant massivement pour concevoir des voitures hybrides, Honda et Toyota ont soigné leur image de précurseurs et de constructeurs verts, ce qui leur a beaucoup rapporté sur le plan médiatique. Mais des questions subsistent quant à la viabilité commerciale et écologique d'un tel choix de technologie. D'autres constructeurs, européens pour la plupart, fondent de grands espoirs sur le moteur diesel.

Le diesel en Amérique: une nouvelle réglementation en 2006

Quand on parle de voitures vertes, il faut faire la distinction entre deux enjeux majeurs que l'on a tendance à confondre: la pollution atmosphérique et l'économie d'énergie pour préserver les réserves pétrolières. Si le moteur diesel a la propriété de faire un usage très frugal du carburant, sa propension à émettre une fumée noire contenant des suies, résidu de carburant mal brûlé, vient jouer en sa défaveur.

D'ailleurs, l'Amérique du Nord n'a jamais été un terrain favorable pour le diesel, car nos normes environnementales, adoptées durant les années 1970, bien avant qu'il soit question de trou dans la couche d'ozone et d'effet de serre, ont pour objectif de contrôler l'aspect visible de la pollution — la poussière, les suies et les gaz favorisant le smog.

En Europe, les normes sont plus permissives à ce chapitre, mais plus strictes par rapport aux gaz à effet de serre et aux émissions toxiques de monoxyde de carbone, ce qui a favorisé le développement continu du moteur diesel là-bas. Mais pour que cette technologie puisse s'implanter ici, il faudra attendre 2006, lorsqu'entrera en vigueur la nouvelle réglementation sur la teneur en souffre du carburant diesel. En effet, pour «verdir» un moteur diesel, il faut lui fournir un carburant propre, pratiquement exempt de soufre, ce qui est loin d'être le cas actuellement en Amérique du Nord.

Pas simple, l'hybride

Bien que le principe de la propulsion hybride soit simple en théorie, son application fait appel à une technologie complexe utilisant des composants onéreux. Les gains d'efficacité de la propulsion hybride sont fondés sur la récupération d'énergie lors des freinages et sur la possibilité d'interrompre le fonctionnement du moteur lorsque le véhicule s'immobilise. Ces gains se limitent donc à la conduite urbaine. En plus, pour obtenir les résultats escomptés, le conducteur d'une voiture hybride devra revoir en profondeur ses habitudes de conduite.

On peut aussi s'interroger sur l'impact environnemental des batteries des voitures hybrides, qui devront être remplacées avant la fin de la vie utile du véhicule et qui seront un déchet difficile à recycler. Une voiture à moteur diesel procurera les mêmes économies de carburant qu'une hybride, mais offrira un agrément de conduite très supérieur ainsi qu'une meilleure fiabilité à long terme.

Les fabricants de moteurs diesel de nouvelle génération tentent de convaincre les plus sceptiques que les défauts qui entachaient leur réputation appartiennent maintenant au passé. Disparus, donc, les claquements de valves sonores, les effluves désagréables et les accélérations anémiques. Ces moteurs sont désormais d'une efficacité redoutable, fournissant un couple impressionnant et des reprises vigoureuses.

Le diesel, une spécialité allemande

Si les Japonais sont les champions de la propulsion hybride, il n'est pas surprenant de constater que ce sont les constructeurs automobiles allemands qui font la promotion du diesel — une technologie vieille de plus d'un siècle, mais qui est loin d'avoir fini de nous étonner.

À l'aube de la Première Guerre mondiale, le moteur diesel était un secret militaire que les Allemands n'avaient surtout pas l'intention de partager. Rudolph Diesel, son inventeur, disparut en mer en 1913 alors qu'il effectuait une traversée vers l'Angleterre à bord d'un paquebot. Il se rendait rencontrer des investisseurs et vendre sa technologie là-bas, mais il n'arriva jamais à destination. Bien que l'enquête ait retenu la thèse du suicide, on a toujours soupçonné les services secrets allemands d'être responsables de cette disparition mystérieuse.

Neuf décennies plus tard, les progrès du diesel nous viennent encore d'Allemagne. DaimlerChrysler, qui fabrique les voitures Mercedes-Benz, présentait en juin dernier son prototype de voiture «Bionic» mue par un moteur diesel de 2 litres, qui produit 140 chevaux pour un couple maximum de 221 lb-pi. À une vitesse de 90 km/h, ce prototype ne consomme que 2,8 litres aux 100 km et une solution d'urée est atomisée à l'intérieur du pot d'échappement, ce qui réduit les émissions polluantes de près de 80 %.

L'exemple de l'Europe

Sans être aussi sophistiqués que le Bionic, les véhicules diesels récents, dotés de la suralimentation par turbocompresseur et de l'injection directe — par système de «rampe commune» ou par injecteurs-pompes — offrent un rendement en carburant qui est près de 40 % plus efficace que celui des moteurs à essence. Certains sont maintenant équipés de filtres à particules qui débarrassent l'échappement des suies noires, polluantes et salissantes.

Sur le continent européen, il s'agit désormais de la motorisation de choix pour une grande routière et en France, le diesel représente maintenant 60 % du marché des voitures neuves. Puisque le moteur diesel consomme 30 % de moins de carburant qu'un moteur à essence et que ses émissions de CO2 sont de 20 % inférieures, on estime que si le diesel était aussi populaire en Amérique du Nord qu'en Europe, plus de 21 millions de barils de pétrole seraient économisés annuellement et nos émissions de CO2 seraient réduites de neuf millions de tonnes.

Par ailleurs, le prix du carburant diesel est sensiblement inférieur à celui de l'essence dans plusieurs pays d'Europe, car il a toujours été traditionnellement réservé aux agriculteurs, aux camionneurs et aux chauffeurs de taxi. De ce fait, le diesel y est proportionnellement moins taxé. Puisqu'une voiture diesel coûte, habituellement, de 1000 à 2000 $ de plus qu'une voiture à essence comparable, l'automobiliste européen peut rentabiliser son investissement en moins de deux ans. Sur notre continent, il faudra compter de trois à cinq ans, mais cela est beaucoup mieux que ce qu'offrent les voitures hybrides, qui vous facturent de 5000 à 9000 $ de supplément à l'achat sans laisser entrevoir la moindre perspective d'amortissement de cette somme.

Vivement 2006

Si l'impact environnemental de votre véhicule est votre priorité, la propulsion hybride peut paraître un choix judicieux si vous roulez principalement en ville. Le diesel, quant à lui, est beaucoup mieux adapté pour ceux qui parcourent de grandes distances, et sa combustion sera d'autant plus propre que les compagnies pétrolières seront capables de vendre des carburants répondant aux nouvelles normes. L'arrivée de carburant diesel propre en 2006 permettra aussi aux constructeurs automobiles d'importer chez nous des moteurs diesel utilisant les technologies plus raffinées, qui roulent déjà en Europe.

Collaborateur du Devoir

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