Les hôtels évitent la grève générale

La menace d'une grève générale illimitée qui devait frapper hier le cinquième des 15 000 chambres de la grande hôtellerie montréalaise aura eu l'effet voulu: la majorité des 13 établissements concernés ont réussi à s'entendre avec leurs syndicats sur le renouvellement des contrats de travail. Seul l'Omni Mont-Royal, où loge la délégation officielle des Championnats de sports aquatiques, a vu ses employés débrayer et rejoindre ceux du Crowne Plaza Métro-Centre, qui occupent le trottoir depuis le week-end dernier.
Les syndicats, négociant chacun de leur côté à partir d'une plateforme de demandes communes, n'avaient pas précisé l'heure du déclenchement de la grève. Mais des ententes de principe nocturnes au Ritz-Carlton, au Hyatt Regency et au Hilton Bonaventure ont vite incité la Confédération des syndicats nationaux (CSN) à lever le mot d'ordre en matinée pour ceux qui discutaient toujours. En milieu de journée, c'était au tour du Gouverneurs Place Dupuis, du Maritime Plaza, du Ruby Foo's et du Nouvel Hôtel de toucher le but.Onze sur dix-huit
Sur les 18 hôtels de Montréal et de Laval devant renouveler les contrats de travail, échus depuis le 30 juin, 11 ont jusqu'à maintenant convenu d'une entente de principe. Quatre établissements, petits ou de taille intermédiaire, étaient en pourparlers hier et la CSN entrevoyait des règlements imminents. Chez un cinquième, au Radisson Laval, la grève a carrément été reportée à vendredi prochain en raison des récents progrès. «La dynamique change», a dit en entrevue le président de la Fédération du commerce de la CSN, Jean Lortie. «L'opération des grands hôtels est terminée.»
La CSN se disait satisfaite des développements, mais M. Lortie a évoqué un possible changement de stratégie pour la prochaine ronde de négociations coordonnées, prévue en 2008. «Il faudra travailler différemment car les hôteliers étaient très concertés [comparativement à 2002]. En 2008, on aura cinq hôtels de plus et on risque de voir des négociations à Montréal et Québec en même temps à cause des célébrations du 400e de la capitale et de la visite de Benoît XVI.»
Seuls deux hôtels fonctionnaient sous respirateur artificiel hier: le Crowne Plaza Métro-Centre, où les employés ont déclenché la grève dimanche dernier après avoir encaissé un lock-out la veille, et l'Omni Mont-Royal, où le syndicat local se disait insatisfait des récents pourparlers. Le premier avait hier une séance de conciliation alors que le second en aura une mardi.
«Le fait qu'on soit en grève alors que des règlements surviennent ailleurs montre que l'employeur est plus têtu que les autres», a dit le président du syndicat de l'Omni Mont-Royal, Grégoire Konan, accusant la direction d'avoir recruté une quinzaine de briseurs de grève pour agir comme préposés aux chambres. «Dans notre cas, ce n'est pas la plateforme de demandes communes qui bloque, mais les demandes locales [notamment au sujet des horaires]», a précisé M. Konan. La direction de l'hôtel de 299 chambres, qui compte environ 200 employés, n'a pas rappelé Le Devoir.
Le «modèle»
Cette plateforme commune demandait au départ une augmentation salariale de 15 % sur trois ans. Les premières ententes au Centre Sheraton et au Hilton Laval, devenues le «modèle» à exporter ailleurs, portent notamment sur des hausses de 11 %, de même que sur un régime de retraite simplifié avec contribution de 5 % du salaire de la part de l'employeur, une amélioration des vacances et congés de maladie, une assurance collective payée à 55 % par l'employeur et des primes de manutention de bagages.
Précédent
La CSN a indiqué que jamais ses syndicats affiliés n'ont fait une grève générale illimitée dans le secteur hôtelier. L'adoption de cette mesure par quelque 1500 travailleurs réunis en assemblée mardi a donc constitué un précédent. La menace était toujours en vigueur pour les hôtels sans entente mais en pourparlers — soit le Royal Versailles, le Quality Inn du Parc, le Quality Suites Pointe-Claire et le Holiday Inn Sélect Sinomonde — mais la CSN n'entendait pas s'en servir tant que les négociations se poursuivaient.
Ailleurs sur l'île de Montréal et au Québec, 26 établissements devront s'asseoir avec leurs syndicats cette année. La ronde de pourparlers prendra fin cet hiver à Mont-Tremblant, la saison des pentes y représentant le meilleur rapport de force aux yeux des syndicats CSN. La Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) a elle aussi entamé une ronde de négociations dans certains hôtels de la province.