Des rabais de plus en plus exclusifs chez les épiciers
Ce texte est tiré du Courrier de l'économie. Pour vous abonner, cliquez ici.
Chez IGA, jusqu’au 28 juin, le casseau de 750 ml de fraises du Québec est 2,44 $ pour les détenteurs de la carte Scène+. Par contre, si par malheur vous n’en possédez pas, vous devrez débourser 3,99 $, soit environ 60 % de plus. Sur les réseaux sociaux, certaines personnes se sont indignées de voir apparaître, dans plusieurs bannières d’alimentation, des prix membres et des prix non membres sur des fruits, des légumes, des condiments et d’autres aliments très prisés.
En parallèle, plusieurs bannières d’alimentation ont annoncé en grande pompe dans les derniers mois des changements à leur programme de fidélisation. Voici nos réponses à quelques questions à ce sujet.
Qu’est-ce qui a changé ?
Le programme Moi, promu par Metro, inclut depuis la fin mai plusieurs autres bannières appartenant à la même entreprise, soit Super C, Jean Coutu, Brunet et Première Moisson. Chaque dollar d’achat donne droit à un point, et chaque tranche de 500 points est échangeable contre un rabais de 4 $. La carte Scène+, quant à elle, fait son entrée dans les établissements liés à Sobeys — soit IGA, les Marchés Tradition et Rachelle-Béry —, qui abandonnent Air Miles. Ces programmes permettent notamment d’accumuler des points à l’achat de certains produits. Dans les deux cas, des offres personnalisées sont aussi envoyées aux utilisateurs.
Les chaînes détenues par Loblaw, notamment Provigo et Pharmaprix, ont pour leur part un programme similaire, qui passe par la carte PC Optimum. Le site Milesopedia fait d’ailleurs une comparaison détaillée des différentes formules.
Puis-je encore avoir accès à des rabais si je ne suis pas membre des programmes de fidélisation ?
Dans les épiceries, la majorité des rabais sont encore accessibles à tous. Mais la quantité de rabais importants qui sont réservés aux membres est en augmentation, observe Jean-François Gagné-Bérubé, fondateur et développeur de glouton.app. Son outil analyse les soldes de plusieurs grandes bannières pour aider les utilisateurs à planifier les repas, notamment en donnant des notes aux promotions et en proposant des recettes contenant des produits au rabais.
Les commerces ne sont pas là pour nous offrir des cadeaux. Il n’y a rien de complètement gratuit.
« Déjà, depuis l’année dernière, ça arrivait de temps en temps qu’il y ait des produits en rabais seulement pour les membres adhérents. Mais maintenant, il y en a plus, et ce sont de plus gros rabais », explique M. Gagné-Bérubé.
Les fraises du Québec à 1,50 $ de moins, chez IGA, en sont un bon exemple. « C’est une grosse différence. D’autant plus que, quand c’est de saison, c’est un produit prisé », explique-t-il. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne peut pas trouver de bons prix ailleurs. Par exemple, les fraises du Québec étaient 2,99 $ chez Maxi, pour tout le monde et pour 250 ml de plus.
M. Gagné-Bérubé constate que les épiceries n’offrent globalement pas davantage de rabais que lors des années précédentes, mais qu’une plus grande proportion d’entre eux sont « verrouillés ».
Pourquoi les épiceries mettent-elles ces stratégies en place ?
L’un de leurs objectifs est de vous inciter à retourner dans leur établissement et à consommer beaucoup pour accumuler des points.
« Les commerces ne sont pas là pour nous offrir des cadeaux. Il n’y a rien de complètement gratuit, avertit Sylvie de Bellefeuille, conseillère budgétaire et juridique de l’association à but non lucratif Option consommateurs. Ils ont avantage à ce qu’on participe à leur programme de fidélisation. Ce qu’on leur donne, ce sont des renseignements. »
Lorsqu’on s’inscrit et qu’on paye avec notre compte personnalisé, on donne accès à notre historique d’achat. Cela permet aux entreprises d’analyser les habitudes de leurs clients, de déceler certaines tendances et d’adapter leurs tactiques de vente.
« Je comprends que ça puisse choquer certaines personnes, qui sentent que leurs renseignements personnels sont pris en otage, indique Mme de Bellefeuille. Il y a aussi toujours la fameuse peur que des renseignements puissent être volés. »
Simon-Pierre Beaudet est particulièrement révolté de devoir s’inscrire à un programme pour avoir accès aux meilleurs prix pour des aliments essentiels comme des légumes. « Je réclame le droit de ne pas y adhérer », a-t-il déclaré au téléphone.
Questionné à ce sujet, Metro assure que les données sont anonymisées et uniquement utilisées par l’entreprise pour personnaliser ses offres. Professeure à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval, Maryse Côté-Hamel souligne que certaines bases de données colligées par des commerçants peuvent être vendues à des tiers, mais qu’il doit être impossible de retrouver l’identité et les coordonnées personnelles des clients.
Comment ne pas me faire avoir ?
Anath Barwane, chargée de projet à l’Association coopérative d’économie familiale de l’Est de Montréal, recommande aux consommateurs, pour éviter d’être tentés par des offres de produits dont ils n’ont pas réellement besoin, de s’en tenir aux articles de leur liste d’épicerie et d’aller directement aux allées correspondantes.
Elle constate que beaucoup de citoyens sont perplexes devant les nombreuses tactiques marketing des épiceries quand vient le temps de déterminer si telle ou telle offre est avantageuse. Elle est donc en train de préparer une formation sur le sujet, destinée aux femmes, qu’elle compte offrir à l’automne. Elle signale également que l’application Flipp permet la consultation, en quelques coups d’oeil, des circulaires de plusieurs commerces.
Pour en savoir plus sur ce qui est fait avec vos données d’achats, lisez les politiques de confidentialité lors de l’inscription à un programme de fidélisation.