Une variation asymétrique de la valeur des propriétés à Montréal

L’attrait grandissant de la résidence unifamiliale et la proximité du transport en commun pourraient avoir contribué à ces écarts.
Photo: Jacques Nadeau Archives Le Devoir L’attrait grandissant de la résidence unifamiliale et la proximité du transport en commun pourraient avoir contribué à ces écarts.

Le nombre de ventes de propriétés a connu une baisse majeure à Montréal dans les derniers mois, mais celle-ci n’a eu qu’un effet limité sur les prix, qui demeurent élevés sur l’île. La facture pour les acheteurs continue même d’augmenter dans certains secteurs, notamment en raison de la popularité grandissante des résidences unifamiliales et de l’arrivée attendue du Réseau express métropolitain (REM), analysent les experts consultés par Le Devoir.

Pendant les trois premiers mois de l’année en cours, 541 propriétés ont été vendues à Montréal, en baisse de 38 % par rapport à la même période l’an dernier, montrent des données colligées par la plateforme Centris. La folie immobilière connue au début de la pandémie de COVID-19, qui a stimulé une surenchère des prix dans plusieurs régions du Québec, semble ainsi s’être estompée.

« En ce moment, il y a très peu de ventes », confirme l’économiste Francis Cortellino, de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). « On a le rythme de fin 2008 en matière de ventes », relève-t-il, en faisant référence à la crise financière qui a alors durement ralenti le marché immobilier.

Or, malgré cette accalmie, le prix de vente médian des copropriétés n’a diminué que de 2,5 % en un an dans la métropole, tandis qu’une baisse de 7 % de la valeur des résidences unifamiliales est notée. La baisse des ventes a donc eu un effet limité sur les prix, qui demeurent élevés dans la métropole.

« La raison pour laquelle les prix se sont maintenus, c’est que l’offre n’est pas encore suffisante », le nombre de propriétés à vendre demeurant bas, malgré une baisse de l’intérêt des acheteurs, affirme Dominic St-Pierre, vice-président et directeur général pour le Québec au sein de la firme immobilière Royal LePage.

Des prix toujours élevés

 

Une analyse plus détaillée de l’évolution des prix dans la métropole montre, d’autre part, plusieurs disparités sur le territoire, a constaté Le Devoir. Les prix ont notamment baissé dans plusieurs villes de l’ouest de l’île de Montréal, tandis qu’ils ont continué d’augmenter dans les arrondissements du Sud-Ouest, de Ville-Marie, de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension et d’Anjou, plus à l’est, entre autres.

Dans les quartiers centraux de la métropole, la reprise des activités culturelles et sociales après une pause forcée, pandémie oblige, pourrait expliquer l’intérêt plus marqué pour l’achat de propriétés dans ces secteurs, indique la courtière immobilière Marjorie Desmarchelier, de l’agence Urbana Immobiliers. « C’est un secteur très central et très vivant et les jeunes professionnels l’aiment encore, même s’ils sont en télétravail », relève-t-elle, en référence à l’arrondissement de Ville-Marie, où le prix de vente moyen a augmenté de 5 % entre le premier trimestre de 2022 et la même période cette année.


Dans ce contexte, la recherche d’une propriété abordable dans la métropole peut s’avérer ardue. Judith Hébert tente depuis deux ans de trouver une propriété de trois chambres à coucher en bon état à Montréal, dans un périmètre d’un kilomètre d’une station de métro, mais son budget de 500 000 $ limite ses options.
Jusqu’à maintenant, les seules propriétés que Mme Hébert et son conjoint ont dénichées qui tiennent compte de leur capacité financière auraient nécessité d’importants travaux de rénovation, une option que le couple tente d’éviter dans le contexte de la hausse importante des coûts de construction au Québec. « C’est un peu décourageant, soupire l’aspirante acheteuse. Je ne pensais pas qu’avec un demi-million [comme budget], on serait dans cette situation-là. »

Or, même si la surenchère est moins présente dans le marché immobilier montréalais, certaines propriétés demeurent très courues. « Pour le moment, une propriété bien entretenue, rénovée, globalement en bonne santé, c’est certain qu’elle se vend toujours aussi bien », affirme la courtière Charlyse Amoussou, de Via Capitale du Mont-Royal.

Le gain de popularité relatif des maisons auprès des acheteurs, par rapport aux copropriétés, semble par ailleurs avoir contribué à la croissance moyenne des prix de vente dans plusieurs arrondissements montréalais, a constaté Le Devoir. À Anjou, par exemple, où la vaste majorité des propriétés vendues en 2023 étaient des copropriétés, ce ratio a chuté à 40 % dans les premiers mois de 2023, au profit des maisons vendues dans ce secteur, pour lesquelles le prix de vente moyen a augmenté en conséquence de 57 %. Cette croissance des prix a quant à elle été de 21 % dans Ahuntsic-Cartierville ainsi que dans l’arrondissement de Saint-Laurent, tandis qu’elle a atteint 20 % à Dorval, où la vente de maisons a la cote.

« Il y a beaucoup de familles qui recherchent des maisons, plus qu’avant », relève Mme Desmarchelier. « Je pense que le télétravail et la reprise à temps partiel du travail au bureau ont fait en sorte que les gens ont besoin d’un chez-eux avec une pièce additionnelle », constate la courtière immobilière. De façon plus générale, le « rêve » d’acquérir une résidence unifamiliale demeure « extrêmement attrayant », en particulier pour les « jeunes couples », indique pour sa part Gérard Beaudet, professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal.

Le rôle du REM

 

Le prix de vente des propriétés a d’ailleurs augmenté en un an dans certains secteurs de Montréal qui seront bientôt traversés par le REM. C’est le cas notamment des arrondissements de Saint-Laurent (+21 %), de Dorval (+20 %) et d’Ahuntsic-Cartierville (+21 %). Il faut toutefois noter qu’il s’agit également d’arrondissements où une part plus importante de résidences unifamiliales a été vendue pendant les trois premiers mois de 2023, par rapport à la même période l’an dernier.

« Ça a un impact pour les gens qui achètent aujourd’hui et qui se disent que le REM va passer à un moment donné », ce qui va donner plus de valeur à leur propriété, souligne Marjorie Desmarchelier. « Ça crée un effet d’entraînement » qui fait gonfler le prix de vente des propriétés, ajoute la courtière immobilière.

Charlyse Amoussou prévoit pour sa part que les prix continueront d’augmenter dans les prochaines années dans l’arrondissement d’Anjou, qui sera desservi par le prolongement de la ligne bleue du métro, dont l’entrée en service est attendue en 2029. « Depuis 2021, j’ai des clients qui me disent qu’ils devraient acheter maintenant [à Anjou], avant que ce ne soit plus abordable, indique-t-elle. Ça contribue à la hausse des prix. »

  

Avec Laurianne Croteau



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