Québec devra «cibler de manière chirurgicale» les investissements convoités

Dans un contexte de rareté de main-d’oeuvre et de fin des surplus énergétiques, Investissement Québec devra « cibler de manière chirurgicale » les investissements étrangers qu’elle poursuit, affirme le président d’Investissement Québec International, Hubert Bolduc.
Le bras financier du gouvernement québécois a accompagné 6 milliards $ de nouveaux investissements étrangers directs pour l’exercice 2022-2023 clos le 31 mars, comparativement à 4,6 milliards $ à la même période l’an dernier. Ce chiffre est trois fois plus élevé qu’en 2018-2019.
« Je pense qu’on arrive au haut d’une courbe, prévient M. Bolduc, en entrevue, dans le cadre du dévoilement des résultats d’Investissement Québec International, vendredi. Définitivement, il va falloir non pas ralentir les efforts, mais les cibler de manière chirurgicale. »
Dans un contexte de rareté de main-d’oeuvre et de fin de l’abondance de l’électricité, le Québec devra se montrer plus sélectif dans ses efforts de séduction. M. Bolduc a donné en exemple l’aéronautique, l’aérospatiale, les sciences de la vie, l’informatique quantique et la photonique comme des secteurs stratégiques.
« Il faut vraiment aller chercher, chasser les entreprises qui manquent dans les écosystèmes. Je pense que c’est le signal qu’on envoie aux équipes pour la prochaine, voire les deux prochaines années : en faire moins en termes de volume, mais faire plus stratégique en termes de qualité de projet. »
Ces commentaires font écho à ceux du ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, qui a déjà prévenu que le Québec devrait faire des choix dans l’allocation des blocs d’énergie pour d’éventuels projets industriels, car la demande excède la capacité énergétique d’Hydro-Québec. Cette situation est inusitée dans l’histoire économique du Québec.
« C’est sûr qu’aujourd’hui, avec les messages qui sont véhiculés publiquement par le gouvernement, on a davantage de questions, commente M. Bolduc. […] Le gouvernement devra faire des choix et prioriser. Je pense que c’est bien compris de la part des entreprises qui frappent à notre porte. »
Même s’il semble avoir l’embarras du choix, le Québec reste en concurrence avec d’autres pays pour attirer les projets les plus porteurs. « Dans le domaine de la batterie, c’est incroyable la compétition qu’on a », souligne M. Bolduc.
Des 78 projets de réinvestissement de filiales de sociétés étrangères déjà implantées au Québec, dans 41 % des cas le Québec était en concurrence avec d’autres filiales du même groupe à l’étranger. Pour les 45 projets qui sont de nouvelles implantations, ce seuil est de 44 %.
Plus « difficile » en Chine
Au moment où les relations diplomatiques entre la Chine et le Canada sont tendues, M. Bolduc reconnaît que la situation est plus « difficile » en Chine.
« Surtout du côté exportations, on a moins l’ambition d’aller en Chine. Je pense que ce qui est arrivé d’un point de vue diplomatique a marqué les esprits des entreprises québécoises. »
« En revanche, on s’est quand même relativement bien déployés dans le reste de l’Asie : Japon, Corée du Sud, Asie du Sud-Est, Singapour, ajoute-t-il. Donc, on s’est adapté parce qu’il y a quand même beaucoup d’intérêt pour les pays asiatiques. »
Investissement Québec estime que son soutien a permis de générer l’équivalent de 3,1 milliards $ en exportations pour les entreprises québécoises, toujours pour l’exercice terminé le 31 mars. Cette estimation était de 1,95 milliard $ pour l’exercice précédent. Les États-Unis restent le principal marché d’exportation pour ces nouvelles ventes dans une proportion de 59 %.
Avec l’incertitude économique, M. Bolduc sent que l’humeur des entreprises étrangères est à la prudence, mais il n’en voit pas encore l’effet sur l’attraction d’investissements étrangers. « C’est sûr qu’il y a des projets que normalement on réalise plus vite, mais là il y a un peu plus de temps d’attente. Cela dit, quand je regarde les chiffres, je ne peux que constater que l’on continue d’en attirer davantage. »