Énergir veut plus de «latitude» pour fixer le tarif de son GNR

La société Énergir participait la semaine dernière à la première étape des consultations sur l’avenir des énergies propres au Québec. En photo, un camion Énergir, à Montréal.
Photo: Olivier Zuida Le Devoir La société Énergir participait la semaine dernière à la première étape des consultations sur l’avenir des énergies propres au Québec. En photo, un camion Énergir, à Montréal.

Le distributeur gazier Énergir veut plus de « latitude » dans le cadre réglementaire qui s’applique à certaines de ses activités. Cette marge de manoeuvre supplémentaire est nécessaire pour intégrer rapidement le gaz naturel renouvelable (GNR) dans son réseau, avance l’entreprise.

« Ça fait 27 ans qu’on a le même cadre réglementaire. La société a évolué, le secteur de l’énergie a évolué, mais ce cadre-là a tardé à le faire », explique Frédéric Krikorian, vice-président au développement durable et aux affaires publiques et gouvernementales chez Énergir, en entrevue au Devoir.

La semaine dernière, M. Krikorian participait, aux côtés de dizaines d’experts, à une première journée de consultations sur l’avenir des énergies propres au Québec. Il y était notamment question de la modernisation de la Loi sur la Régie de l’énergie, établie en 1996. Des consultations publiques suivront cet été.

Selon la loi actuelle, les distributeurs doivent vendre leur gaz naturel — fossile ou renouvelable — au prix où ils l’achètent. (Ils génèrent un profit uniquement grâce aux frais de distribution.) Cette disposition fait en sorte qu’ils ne peuvent pas facilement mettre en place des « offres commerciales » pour accélérer l’adoption d’un produit en particulier, comme le GNR.

« Donnez-nous des balises au niveau des tarifs [moyens], donnez-nous un objectif pour la quantité de GNR […] et puis on va y arriver, dit M. Krikorian. Je vais peut-être vendre moins cher à une certaine clientèle, plus cher à une autre, et finalement aller chercher les mêmes revenus totaux. »

La société Énergir est tenue par règlement de hausser la quantité de gaz renouvelable dans ses tuyaux à 5 % en 2025. L’an dernier, elle avait du mal à trouver des acheteurs pour cette molécule moins dommageable pour le climat, même si elle n’en distribuait encore que très peu.

La question des tarifs est donc centrale. Énergir travaille à réduire le prix du GNR, pour l’instant considérablement supérieur au prix du gaz conventionnel (une différence de plus de 500 $ par année pour les clients résidentiels). Rappelons qu’elle fait des démarches pour vendre les « attributs environnementaux » de son GNR à des pétrolières canadiennes dans une formule rappelant les crédits carbone. Elle voudrait soustraire ces recettes au tarif payé par ses clients.

Plus largement, Énergir espère que la Régie de l’énergie — qui a le mandat d’encadrer et de surveiller les monopoles énergétiques dans la province — mettra, en vertu de la mise à jour législative à venir, la question des gaz à effet de serre (GES) au coeur de ses analyses. Il s’agit pour l’instant d’une entité « essentiellement économique », indique M. Krikorian.

« Si décarboner coûte cher et qu’on regarde juste l’impact sur les tarifs, à un moment donné, on va juger que chaque solution ne passe pas. Donc, il faut voir au-delà de ça », dit-il.

Subventions « astronomiques »

Est-ce que le coût du GNR devrait être porté par une plus large part de la clientèle d’Énergir pour favoriser une intégration rapide au réseau ? « J’avoue que ça m’est un peu égal », répond Normand Mousseau, le directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechnique Montréal.

M. Mousseau veut surtout éviter de voir le Québec dilapider sa précieuse bioénergie dans des utilisations qui, selon lui, ne contribuent pas efficacement à la décarbonation, comme le chauffage. De telles utilisations décentralisées rendront aussi plus difficile, à terme, de récupérer le CO2 issu de la combustion des bioénergies dans le but de créer des « émissions négatives », comme les modèles le prescrivent pour arriver à la carboneutralité en 2050.

Le professeur de physique fait aussi remarquer que l’État subventionne « à coups de centaines de millions de dollars » la production de GNR. « Et même une fois qu’on a mis ces subventions astronomiques, le coût du GNR est encore élevé. » Si le consommateur n’est pas en mesure de payer ce prix, « il faut arrêter de se conter des histoires », juge-t-il.

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