Qu’est-ce que le plafond de la dette aux États-Unis et quelles sont ses répercussions?

Ce texte est tiré du Courrier de l’économie. Pour vous abonner, cliquez ici.
Est-ce que le plafond de la dette aux États-Unis est la dette actuelle de l’État ? Est-ce que ce pays rembourse au moins en partie sa dette ? Pourquoi ce plafond a-t-il un impact sur le paiement du salaire des fonctionnaires et sur les quelques programmes sociaux américains ?
Notre lectrice Andrée Bérubé nous a posé ces questions il y a quelques mois déjà. Depuis, le drame politique et économique entourant le niveau de la dette du gouvernement fédéral américain n’a fait que prendre de l’ampleur, et approche à grands pas le moment de son dénouement… ou pas. Et seulement jusqu’à la prochaine fois.
Dans les autres pays, ce genre de débat se tient au moment de l’adoption du budget, après quoi le gouvernement emprunte simplement l’argent nécessaire pour le financer. Mais ce serait trop simple. Aux États-Unis, le Congrès fixe un plafond au niveau de la dette. Lorsque ce plafond est atteint, le gouvernement n’a plus les moyens de payer ses dépenses, même si elles ont déjà été approuvées. Du moins jusqu’à ce que ce plafond soit de nouveau relevé, qu’il soit suspendu ou que sa définition soit modifiée.
Le 16 décembre 2021, le Congrès a fixé le plafond à 31 381 milliards de dollars américains. En janvier dernier, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a avisé le chef de la majorité républicaine à la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, que le plafond avait été atteint.
Ce genre d’affaires a longtemps été une simple formalité. Depuis 1960, le plafond de la dette a été révisé à 78 reprises, 49 fois sous des présidents républicains et 29 fois sous des présidents démocrates. Mais depuis quelques années, la formalité s’est transformée en occasion pour le Congrès de prendre en otage les politiques du gouvernement lorsque le président appartient au camp adverse pour le forcer à faire des concessions.
Des hauts et des bas
En proportion de la taille de l’économie, la dette du gouvernement fédéral américain a eu des hauts et des bas depuis la fin des années 1960, mais elle a essentiellement augmenté à partir des années 2000, passant d’environ 54 % du PIB à un sommet de 135 % durant la pandémie, avant de revenir à 120 % à la fin de l’année dernière.
Cette fois-ci, les élus républicains disent qu’on a perdu le contrôle de la dette, alors qu’ils ont accepté de relever trois fois son plafond durant la présidence Trump pour financer, notamment, ses importantes baisses d’impôt. Ils réclameraient, entre autres, à son successeur démocrate, Joe Biden, des coupes dans ses dépenses discrétionnaires et un resserrement des règles de ses nouvelles mesures de lutte contre la pauvreté.
L’affaire a forcé, dimanche, le président américain à effectuer un retour précipité du G7 en Asie pour reprendre les négociations avec le camp républicain. Joe Biden et Kevin McCarthy ont dit avoir eu une rencontre « productive » lundi, sans toutefois parvenir à surmonter leurs « différences philosophiques ».
Depuis le mois de janvier, Janet Yellen déplace, repousse et retarde toutes les dépenses qui peuvent l’être pour continuer de faire fonctionner le gouvernement avec ses revenus disponibles. Ce petit jeu risque fort d’avoir atteint sa limite le 1er juin, a-t-elle prévenu. Même ses fonctionnaires et les experts admettent que si l’on est chanceux, on pourra peut-être prolonger cela un mois de plus. Après quoi, l’État américain devra choisir entre verser les salaires de ses employés, envoyer les chèques de retraite et d’aide sociale aux Américains ou payer ce qu’il doit à ses créanciers.
Comme les dernières fois que les États-Unis sont venus très près de ce précipice, en 2011 et en 2013, des experts proposent toutes sortes de solutions inorthodoxes. Il est notamment question de s’en remettre à un obscur passage de la Constitution américaine où il est dit que les élus ont le devoir d’honorer les dettes de la nation, d’émettre une nouvelle sorte de créance, ou encore d’utiliser le pouvoir du gouvernement de frapper des pièces de monnaie commémoratives pour en émettre une à laquelle on attribuerait la valeur, disons, de 1000 milliards de dollars et qu’on déposerait à la Réserve fédérale américaine en échange d’espèces sonnantes et trébuchantes.
Tout cela n’est que des « combines » qui ne parviendraient pas à cacher la réalité, c’est-à-dire que la première économie du monde serait arrivée au point de ne plus être en mesure d’honorer ses obligations financières, a répondu Janet Yellen. Or, un défaut des États-Unis sur sa dette « déclencherait un effondrement mondial », a-t-elle dit au Japon à ses homologues du G7 il y a deux semaines.
Mais ces derniers n’avaient pas besoin de se le faire rappeler. Dans le monde de la finance, la dette émise par le Trésor américain est vue comme la chose la plus sûre qui soit, aussi se retrouve-t-elle dans toutes les banques, associée à toutes les grandes transactions et considérée partout comme la meilleure police d’assurance.
Alors tout le monde regarde ce qui se passe à Washington, croise les doigts et retient son souffle.