Coup d’accélérateur pour la philanthropie privée
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Philanthropie
Avec le vieillissement des boomers, les capitaux disponibles pour soutenir la communauté augmentent.
À côté des oeuvres de bienfaisance (qui incluent les organismes communautaires) et des fondations publiques, les fondations privées — dont l’actif peut être donné par une entreprise ou une famille — prennent de l’ampleur au pays. L’organisme Philanthropic Foundations Canada comptait 970 fondations privées pour 1083 fondations publiques au Québec en septembre 2022. Dans l’ensemble du Canada, le nombre de fondations privées n’a pas cessé d’augmenter depuis 2005, tandis que celui des fondations publiques a peu évolué.
L’augmentation des fortunes
Si Daniel Asselin est aujourd’hui le directeur principal du développement philanthropique à la Fondation de l’Université de Sherbrooke, il navigue dans le milieu de la bienfaisance depuis plusieurs décennies et il connaît bien le portrait du Québec. Ainsi, depuis les années 2000, il observe une accélération de la culture philanthropique privée. « Les donateurs individuels et les grandes familles se sont enrichis pendant les 25 dernières années, dit-il. Cela leur a permis de prendre, d’une certaine manière, le relais des dons d’entreprises qui, s’ils ont été exceptionnels pendant la pandémie, ont plutôt plafonné depuis une vingtaine d’années. » L’expert en générosité estime même que l’assiette philanthropique globale est en train de « briser les plafonds de verre » au Québec. « Certaines petites organisations, qui vivent de deux ou trois événements par année, éprouvent certes des difficultés, mais la majorité des grands organismes sont très actifs en ce moment et atteignent leurs objectifs », note-t-il.

Pour Lili-Ana Pereša, présidente-directrice générale de la Fondation McConnell (716 millions de dollars d’actifs) et qui travaille dans le milieu philanthropique depuis plus de 20 ans, la croissance importante des fondations privées est également palpable. « Il y a clairement, en ce moment, un transfert de richesse d’une génération à l’autre », dit-elle.
Lorsqu’elles passent de la première à la deuxième ou troisième génération, les fondations sont souvent reprises par des personnes qui ont moins de 50 ou même 40 ans. « Elles ont une philosophie différente de la philanthropie, plus axée sur l’impact et beaucoup plus ouverte aux enjeux environnementaux et aux questions de diversité et d’inclusion », observe Karel Mayrand, président-directeur général de la Fondation du Grand Montréal.



Éric St-Pierre, qui dirige depuis 2016 la Fondation Familiale Trottier (240 millions de dollars d’actifs) créée en 2000, peut en témoigner. « Notre fondateur, Lorne Trottier, avait une passion pour la science et l’éducation. Mais lorsque la Fondation a décidé d’impliquer la génération suivante (ses enfants) dans les années 2015, cela a changé la dynamique », raconte-t-il. Les défis climatiques sont alors devenus l’une des priorités de la fondation familiale, aux côtés de la santé.
« Les changements climatiques sont une grande préoccupation pour les nouvelles générations, mais cet enjeu ne reçoit que 2 % de l’argent philanthropique, selon le groupe américain Climate Works », pointe M. St-Pierre. Pour lui, la première urgence est de s’assurer de garder une planète viable. « Si nous ne pouvons pas régler cet enjeu, nous aurons des problèmes tellement plus importants que tout le travail que nous faisons pour soutenir les jeunes avec les sciences et l’éducation. Ce sera malheureusement compromis », souligne-t-il.
La Fondation Trottier vient d’ailleurs d’annoncer, dans le cadre du deuxième Sommet Climat Montréal qui avait lieu plus tôt cette semaine, qu’elle investira 10 millions de dollars sur cinq ans pour décarboner les hôpitaux et les établissements de santé et améliorer leur résilience quant aux changements climatiques.
Le boom des dons planifiés
« Nous n’avons jamais vu autant de dons planifiés », lance Daniel Asselin, pour qui cette avancée récompense 30 ans d’efforts. Ces dons peuvent être immédiats ou différés, afin de permettre au donateur de réaliser ses rêves philanthropiques tout en tenant compte de son contexte personnel, familial et fiscal. Souvent, les donateurs choisissent des causes liées à des raisons personnelles, comme un hôpital dans lequel ils (ou leurs proches) ont été bien soignés, une université qui leur a permis de mener une belle carrière ou des organismes pour lesquels ils ont déjà fait du bénévolat.
« Cela fait des décennies que nous essayons de convaincre les personnes fortunées qu’elles peuvent ainsi léguer un certain montant par testament sans hypothéquer leur patrimoine familial », se réjouit Daniel Asselin. Les grandes universités et hôpitaux bénéficient beaucoup de l’afflux de ces dons planifiés sous forme de transfert de police d’assurance ou de legs testamentaire, qui leur assurent une pérennité. « Cette accélération va permettre à l’économie philanthropique de ne pas connaître de récession au moins pendant les cinq prochaines années », estime l’expert.
François Bernier, directeur de la planification fiscale et successorale pour l’est du Canada chez Placements mondiaux Sun Life, confirme cette recrudescence d’intérêt porté par une population vieillissante enrichie. « À 40 ans, on a encore une maison à payer et des enfants à éduquer, on ne pense pas à la philanthropie, à part quelques dons par-ci par-là », observe-t-il. Mais à la soixantaine et au-delà, on fait son testament et on pense à sa planification successorale. « Parfois, les gens se rendent compte qu’ils ont amassé suffisamment d’argent pour vivre jusqu’à leur décès. Ils ne veulent pas déshériter leurs enfants, mais lorsque ces derniers sont dans une bonne position, pourquoi ne pas donner un peu d’argent à une cause qui leur est chère ? » encourage celui qui prévoit un maintien de cet essor. « Nous sommes dans un marché haussier en matière de planification successorale. Cette vague de donations philanthropiques va continuer », estime-t-il.
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