De moins en moins de Québécois payés au salaire minimum

Les Québécois qui gagnent le salaire minimum sont de moins en moins nombreux, et leur situation financière est plus favorable que le reste des Canadiens dans la même situation, constate la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke dans une nouvelle étude publiée vendredi. Portrait de la situation en quelques données clés.
Le 1er mai prochain, le taux général du salaire minimum augmentera d’un dollar pour se situer à 15,25 $ l’heure — l’occasion de tracer les contours de cette réalité que de moins en moins de Québécois côtoient depuis quelques années, selon l’étude, coécrite par Suzie Cerny et Luc Godbout.
En 2018, plus de 300 000 Québécois touchaient le salaire minimum, l’équivalent d’environ 8 % des employés au sein de la province — en excluant les travailleurs autonomes. En 2022, ils n’étaient qu’un peu plus de 160 000, soit 4 %.

« Le marché du travail se transforme », constate le fiscaliste et titulaire de la Chaire, Luc Godbout. « Ça veut dire que même pour des emplois habituellement rémunérés au salaire minimum, ces gens-là se retrouvent rémunérés plus fortement que le salaire minimum, pour pallier une rareté de main-d’oeuvre », explique-t-il.
Cela ne veut toutefois pas pour autant dire qu’ils se retrouvent à gagner un salaire largement supérieur. Si, en 2022, seulement 4 % des employés au Québec travaillaient au salaire minimum de 14,25 $, ce sont 15 % qui gagnaient 17,80 $ ou moins, soit 3,50 $ de plus que le salaire minimum.
Autre constat de l’étude : conformément à la tendance des dernières années, les chercheurs soulignent qu’une « grande part » des personnes qui gagne le salaire minimum au Québec est âgée de moins de 25 ans et travaille à temps partiel.
Comment se compare-t-on aux autres provinces ?
Sur l’ensemble des provinces du Canada, c’est en Colombie-Britannique que l’on trouve le salaire minimum le plus élevé. Il y atteint un taux 16,75 $ l’heure cette année. Avec un taux de 15,25 $ l’heure, le Québec n’arrive quant à lui qu’en troisième position, juste après l’Ontario, à 16,55 $.

Pourtant, c’est tout de même au Québec que les conditions financières des personnes qui gagnent le salaire minimum sont les plus favorables. Pour en arriver à ce constat, il faut tenir compte de deux facteurs : le revenu disponible — qui considère les prélèvements et les redistributions de l’État — ainsi que la mesure du panier de consommation (MPC) — qui calcule le coût d’un panier de biens et de services correspondant à un niveau de vie modeste.
On constate alors que c’est au Québec que le « ratio de couverture » de la MPC est le plus élevé, quel que soit le type de ménage observé. Par exemple, pour une personne seule, il est de 107 % au Québec, et respectivement de 96 % et de 95 % en Ontario et en Colombie-Britannique. En d’autres termes, les Québécois qui gagnent le salaire minimum ont une meilleure couverture de leurs besoins essentiels que leurs voisins des autres provinces, même si celles-ci ont des taux de salaire minimum plus élevés.
Et où se situe-t-on par rapport à l’inflation ?
Depuis les vingt dernières années, le salaire minimum a par ailleurs augmenté beaucoup plus rapidement que l’inflation au Québec, montrent les données. Depuis 2002, l’indice des prix à la consommation — qui mesure l’évolution du coût de la vie — a crû de 52 %, tandis que le salaire minimum a plus que doublé, observant une hausse de 112 %.

Les chercheurs se sont par ailleurs penchés sur la récente poussée de l’inflation afin de vérifier ses répercussions sur les personnes qui touchent le salaire minimum. « Est-ce que, compte tenu des turbulences qu’on a constatées depuis la pandémie, les gens arrivent à maintenir leur pouvoir d’achat ou leur couverture des besoins essentiels ? Quand on se compare à 2021, parce qu’il y a eu des aides ponctuelles en 2022, on constate que de manière générale, ça se maintient », souligne M. Godbout, notamment grâce à la récente baisse d’impôt et à l’indexation importante des régimes fiscaux en 2023.