Le géant allemand Deutsche Bank crée le malaise sur les marchés financiers

La peur a ressurgi sur les marchés financiers, où le secteur bancaire a continué à perdre des plumes vendredi, malgré les déclarations rassurantes de responsables politiques concernant la stabilité du système financier.
En Europe, les places ont chuté de 1,7 % à Paris et à Francfort et de 1,3 % à Londres, après une première partie de semaine dans le vert consécutivement au rachat en catastrophe de Credit Suisse par sa rivale UBS.
« L’incertitude qui se propage sur les marchés » a conduit « le secteur bancaire à abandonner tous ses gains depuis le début de l’année en l’espace de trois semaines », indique Michael Hewson, analyste de CMC Markets. L’expert ne perçoit « pas de catalyseur clair » pour expliquer le mouvement baissier du jour « autre que les incertitudes concernant la perspective de futures hausses de taux et les effets que cela pourrait avoir sur la stabilité financière » et sur le reste de l’économie.
L’impact de la remontée des taux d’intérêt risque de pénaliser les banques les plus fragiles et fait redouter de nouvelles faillites, après celles de la Silicon Valley Bank aux États-Unis, puis de deux autres banques régionales américaines ce mois-ci. « Ces inquiétudes semblent avoir atteint un point de bascule avant le week-end », souligne l’analyste.
Le secteur bancaire de l’indice élargi Stoxx Europe 600 a reflué pour sa part de 3,5 %, après une nette augmentation du coût de l’assurance contre le risque de défaut de plusieurs banques européennes, la Deutsche Bank en tête.
Rudoyée, la première banque allemande a dévissé de l’ordre de 8,5 % après s’être enfoncée de plus de 13 %. Commerzbank a lâché 5,45 % à Francfort. À Paris, l’action Société générale a cédé 6,1 %, la plus forte baisse de l’indice CAC 40, BNP Paribas a perdu 5,3 %. À Londres, Standard Chartered a perdu 6,4 %, mais aussi Barclays (-4,21 %) et Natwest (-3,6 %).
Et ce, malgré les récentes mesures des banques centrales pour améliorer l’accès aux liquidités et les efforts pour rétablir la confiance dans le système bancaire. Les déclarations de Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne, réaffirmant la résilience du système bancaire, qui « dispose de solides positions en termes de capital et de liquidités », et celles rassurantes d’Olaf Scholz ou d’Emmanuel Macron n’ont pas su calmer les esprits.
« La zone euro est la zone où les banques sont les plus solides », a affirmé le président français, tandis que le chancelier allemand a jugé qu’il « n’y a pas lieu de s’inquiéter » pour la Deutsche Bank.
À Zurich, Credit Suisse a chuté de 5,2 % et UBS de 3,56 %. D’après Bloomberg, ces banques sont parmi celles soupçonnées par la justice américaine d’avoir aidé des oligarques russes à contourner les sanctions occidentales. Contactés par l’AFP, Credit Suisse n’a pas souhaité commenter l’information et UBS n’a pas répondu.
Wall Street se calme
De son côté, la Bourse de New York a terminé en petite hausse vendredi, plutôt satisfaite de finir la semaine sans nouveau développement majeur sur le front des banques, même si le marché reste prudent et attentiste. Le Dow Jones a gagné 0,4 %, l’indice Nasdaq a pris 0,3 % et l’indice élargi S&P 500 a glané 0,6 %.
La place new-yorkaise avait démarré dans le rouge, gênée par le regain de tension lié au décrochage boursier de la Deutsche Bank, traitée comme le nouveau maillon faible du secteur bancaire. Mais à Francfort, le titre du plus grand établissement allemand par la taille des actifs s’est redressé en fin de séance, ce qui a quelque peu apaisé les nerfs des opérateurs.
« Le marché digère une semaine très volatile », a affirmé Adam Sarhan, de 50 Park Investments. Dans ce contexte, « l’absence de mauvaise nouvelle est considérée comme un point positif. Le fait qu’aucune banque majeure ne soit tombée cette semaine est, en soi, favorable ».
De fait, l’indice VIX, qui mesure la volatilité du marché, a fini en repli de 3 %, après avoir bondi de 11 % en début de journée.
Le secteur reste néanmoins sous pression, et quelques grands noms de la place, tels Morgan Stanley (-2,2 %) et JPMorgan Chase (-1,5 %) ont été malmenés. « De nombreuses questions sont encore en suspens concernant le système bancaire », a ajouté Adam Sarhan.
Le président de l’antenne de St. Louis (Missouri) de la banque centrale américaine, James Bullard, a estimé à 80 % « la probabilité que les tensions sur le système financier diminuent », lors d’une intervention, jeudi.
Imitant les actions, le marché obligataire a retrouvé ses esprits en cours de séance, et après avoir plongé, les taux des bons du Trésor ont rebondi. Descendu initialement jusqu’à 3,55 %, le rendement des emprunts d’État américains à 2 ans, plus volatil en ce moment que son équivalent à 10 ans, est remonté à 3,77 %, contre 3,83 % la veille en clôture.