L’utilité pour Québec d’encourager l’achat d’un vélo électrique

Les chiffres ne mentent pas : l’aide à l’achat gouvernementale stimule le marché encore émergent des véhicules électriques. Et si le Québec est généreux envers les acheteurs d’automobiles, il peut être plus payant pour l’État d’inclure dans son aide des vélos électriques.
C’est en tout cas ce qu’avancent ces jours-ci des fabricants québécois de vélos, dont la marque beauceronne Rocky Mountain. Raymond Dutil, le président du conseil de la société autrefois connue sous le nom de Procycle, avait d’ailleurs prévu la semaine dernière en parler au premier ministre François Legault. Rocky Mountain venait d’annoncer le rachat de BikeAction, son principal distributeur en Allemagne et dans les pays du Benelux, pour une somme non spécifiée, quand cette information a été transmise au Devoir.
L’acquisition permettra à Rocky Mountain de renforcer sa présence en Europe, où des vélos de montagne relativement haut de gamme comme les siens ont bonne réputation.
En parallèle, l’entreprise de 150 employés pense que le marché nord-américain du vélo électrique pourrait rattraper le marché européen si les gouvernements d’ici imitaient leurs contreparties d’outre-Atlantique et incluaient ce moyen de transport actif et peu énergivore dans leur cocktail de solutions pour décarboner l’économie continentale.
Avec une assistance électrique dont l’autonomie atteint parfois la centaine de kilomètres par charge et un prix de détail dix fois moins élevé que celui de la voiture électrique la plus abordable actuellement sur le marché, un vélo électrique peut convenir dans plusieurs environnements : la ville, la banlieue, la campagne… et la montagne, bien sûr.
« L’incitatif à l’achat d’un vélo électrique serait super utile, confie au Devoir la p.-d.g. de Rocky Mountain, Katy Bond. Ça fait la promotion du vélo non seulement comme une activité sportive, mais également comme moyen de transport. Le vélo électrique est capable de couvrir une grande distance. On sent l’intérêt. Il manque seulement un soutien plus formel du gouvernement. »
La dirigeante de Rocky Mountain croit que François Legault ne serait pas contre cette mesure. Son ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, s’est aussi déjà dit ouvert à stimuler fiscalement l’achat d’un vélo électrique, surtout si cette mesure encourage la production au Québec de vélos et de technologies de propulsion électrique.
Production québécoise
Rocky Mountain est loin d’être le seul fabricant qui rêve de voir des gouvernements au Canada ou aux États-Unis faire plus de place aux vélos dans leurs stratégies de mobilité. Mais c’est un des rares qui ont mis au point à l’interne leur propre technologie de batteries et qui produisent le tout dans leurs propres usines.
« Nous développons nos propres moteurs, indique Katy Bond. Nous avons dû former une équipe pour tout faire ça ici, une équipe à part de celles qui développent nos cadres et nos autres composants. Notre expertise porte sur tous les cellules, les connecteurs, les logiciels. Ça a été un apprentissage qui se fait depuis plus de 10 ans. »
Vu les origines de ce qui est désormais sa seule marque, le fabricant beauceron ne prévoit pas se spécialiser dans la mobilité urbaine. Créée en Colombie-Britannique au pied des Rocheuses, Rocky Mountain est indissociable de la montagne et du plein air. C’était certainement la plus active des marques que possédait jusqu’à il y a cinq ans Procycle, qui a tout regroupé sous un seul nom pour simplifier son catalogue.
Il manque seulement un soutien plus formel du gouvernement
Rocky Mountain indique tout de même que deux vélos sur trois qu’elle écoule en Europe à l’heure actuelle sont munis d’une assistance électrique. Cette proportion croît de 5 % à 10 % chaque année et devrait continuer de le faire dans les prochaines années.
Le virage électrique est plus timide au Canada et aux États-Unis, où le tiers des ventes de Rocky Mountain sont électrifiées. C’est une proportion qui est à peu près à l’image du marché plus général du vélo, toutes marques confondues.
Des Rocheuses jusqu’à Francfort
Ce n’est pas leur technologie électrique qui distingue les vélos Rocky Mountain en Allemagne. C’est la feuille d’érable qu’ils arborent sur leur cadre. Les Allemands ont une affection toute particulière pour les Rocheuses canadiennes, perçues là-bas comme le summum du plein air.
L’acquisition par l’entreprise de Beauce du distributeur BikeAction, dont le siège social est à Francfort, lui permettra de mieux profiter de cet a priori favorable à l’égard des montures canadiennes dans le pays de Goethe et ses voisins. Son chiffre d’affaires vient tout juste de surpasser le seuil symbolique des 100 millions de dollars, avec des ventes annuelles mondiales d’environ 50 000 vélos.
L’objectif est de prolonger une croissance fortement stimulée dans les deux dernières années par une pandémie qui a fait redécouvrir à plus d’un consommateur les vertus de la bicyclette.
La direction de Rocky Mountain espère surtout un retour à la prévisibilité, notamment du côté de l’approvisionnement, mais aussi du côté des commandes. Acheter un vélo un an ou deux en avance en raison d’une rupture des stocks, « ça a donné des maux de tête à bien des gens durant la pandémie », dit Katy Bond. « Maintenant, nous espérons revenir à des délais plus courts, plus normaux. »
À moins que le gouvernement Legault réserve au marché du vélo électrique une petite surprise fiscale…