La financiarisation des logements plus importante que l’on croyait à Montréal

Les logements locatifs se sont concentrés en un nombre restreint de mains dans les dernières années à Montréal, contribuant à l’émergence de grandes tours dans les quartiers centraux, mais aussi à une pression accrue sur les loyers, selon trois chercheurs universitaires.
Ces derniers, qui oeuvrent au sein de l’Université McGill et de l’Université de Waterloo, ont publié une étude récemment dans le Journal of the American Planning Association. Le document d’une quinzaine de pages se penche sur la financiarisation des logements locatifs à Montréal, soit lorsque ceux-ci sont détenus par des promoteurs immobiliers qui collaborent généralement avec des fonds d’investissement pour réaliser leurs projets. À Montréal, il s’agit notamment du Fonds immobilier de solidarité FTQ, de Claridge et de Fiera Capital.
En analysant les données sur la propriété foncière de la Ville de Montréal, le registre des entreprises du Québec et les annonces du marché locatif privé diffusées en ligne sur les sites Craigslist et Kijiji, les chercheurs ont constaté que 0,46 % des 129 960 propriétaires de la métropole possédaient en 2020 près de 32 % des quelque 566 600 logements locatifs de Montréal.
« La propriété à Montréal est très concentrée », résume ainsi en entrevue au Devoir la chercheuse à l’Université de Waterloo Cloé St-Hilaire, une des auteures de cette étude.
Les 600 plus grands propriétaires possédaient en moyenne 300 logements locatifs, montre l’étude, celui en haut de la liste en comptant 5680 à son actif. Parmi ces importants propriétaires fonciers, plusieurs sont financiarisés, ces derniers ayant tendance à construire de grandes tours comprenant un maximum de logements – souvent de petite taille – pour maximiser leurs profits.
La financiarisation du logement locatif a été liée aux augmentations de loyer, aux déplacements, aux réductions de services et à l’intimidation des propriétaires.
Ainsi, en 2020, seulement 1,4 % des bâtiments locatifs détenus par des propriétaires financiarisés, mais ceux-ci totalisaient 11,7 % de tous les appartements sur le marché montréalais. La seule analyse comparable, réalisée en 2020, évaluait à 3 % l’accaparement des locatifs par ce type de propriétaires, note l’étude, qui appelle les municipalités à un meilleur partage de leurs données foncières.
« Les municipalités publient régulièrement des informations sur les propriétaires de licences commerciales municipales, mais elles ont tendance à ne pas publier d’informations sur les propriétaires de logements locatifs. Cette disparité ne devrait pas exister », écrivent les chercheurs.
Car, soulignent-ils, ce phénomène de concentration croissante des logements locatifs entre les mains d’un nombre restreint d’investisseurs immobiliers a des impacts tangibles sur les locataires, estiment les trois chercheurs.
« La financiarisation du logement locatif a été liée aux augmentations de loyer, aux déplacements, aux réductions de services et à l’intimidation des propriétaires », souligne l’étude, en citant plusieurs recherches menées sur le sujet entre 2018 et 2020. L’étude rappelle d’ailleurs que Montréal était historiquement reconnu comme le « paradis » des locataires, avant que l’abordabilité du marché locatif de la métropole ne commence à se dégrader à partir des années 2010, « malgré une augmentation de la construction de logements locatifs construits ».
Une situation qui pourrait être attribuable au fait que les logements détenus par des propriétaires financiarisés sont généralement offerts à un loyer au-dessus de la moyenne du marché. « On voit une corrélation entre les propriétaires financiarisés et le stress au logement », qui survient lorsqu’un locataire débourse plus de 30 % de son revenu pour se loger, relève Mme St-Hilaire.
Les quartiers centraux visés
Cette étude montre d’ailleurs que les propriétaires financiarisés – dont les logements sont généralement offerts à un loyer au-dessus de la moyenne – sont particulièrement présents dans les quartiers centraux de la métropole. Ils possèdent ainsi 31,8 % des logements locatifs dans l’arrondissement de Ville-Marie, de même que 17,9 % de ceux-ci dans le Plateau-Mont-Royal.
Or, « le plus qu’il y a de propriétés locatives dans le marché locatif, le plus qu’il y a de stress relié au coût du logement » dans le secteur concerné, rappelle Mme St-Hilaire.