L’aide de Québec au jeu vidéo est «rentable», affirme la Guilde

Les professionnels du jeu vidéo ne sont pas tous prêts à sortir de leur patelin pour aller travailler. Cela a mené depuis quelques années l'industrie à régionaliser ses activités. Résultat : historiquement concentré à Montréal et à Québec, l'impact économique du secteur commence à se répandre dans des régions.
Photo: Hubert Hayaud archives Le Devoir Les professionnels du jeu vidéo ne sont pas tous prêts à sortir de leur patelin pour aller travailler. Cela a mené depuis quelques années l'industrie à régionaliser ses activités. Résultat : historiquement concentré à Montréal et à Québec, l'impact économique du secteur commence à se répandre dans des régions.

Critiqué par ceux qui trouvent qu’il coûte trop cher ou qu’il profite principalement à des multinationales étrangères, le crédit d’impôt québécois sur les titres multimédias est rentable. Il vient également en aide aux entreprises québécoises, y compris celles qui sont situées à l’extérieur de Montréal, confirme la première étude en presque dix ans à s’intéresser à l’impact économique du jeu vidéo québécois.

À l’aube de la publication par le ministre québécois des Finances, Eric Girard, du budget provincial pour l’exercice fiscal 2023, le rapport sur les retombées économiques du secteur du jeu vidéo au Québec réalisé par la firme Aviseo au profit de la Guilde du jeu vidéo du Québec se fait rassurant. Il renforce l’idée que le gouvernement n’a pas à revoir la formule fiscale qui a aidé depuis 25 ans le Québec à se positionner comme un des leaders mondiaux de la production de jeux vidéo et des effets visuels.

À partir de données économiques portant sur l’année 2021, le rapport — le premier en son genre depuis 2014 — conclut que le jeu vidéo a un impact de 1,3 milliard de dollars sur le PIB québécois. Un impact qui, à 55 %, prend la forme de salaires versés aux employés des quelque 291 entreprises qui composaient ce secteur en 2021.

Un crédit « rentable », mais qui dérange

L’impôt récupéré par le Trésor québécois sur ces salaires et sur les revenus des entreprises du secteur s’élevait durant cet exercice à 370 millions de dollars. Le gouvernement fédéral a de son côté perçu 186 millions en recettes fiscales. À titre comparatif, le crédit d’impôt versé par Québec sur la même période lui a coûté 311 millions.

« Est-ce que le crédit d’impôt sur les titres multimédias est rentable ? Notre réponse est oui », conclut le directeur général de la Guilde du jeu vidéo du Québec, Jean-Jacques Hermans. « Le système fonctionne. Nous entendons les autres industries qui demandent de l’aide, qui trouvent que le jeu vidéo n’a plus autant besoin d’aide du gouvernement. »

« Ce qu’on voit, nous, c’est un démarrage de nombreux nouveaux studios chaque année. Des nouveaux studios qui innovent et qui voient le jour grâce à cette aide. »

Ces derniers mois, des gens d’affaires québécois issus de secteurs technologiques connexes à celui du jeu vidéo ont invité le gouvernement Legault à revoir sa stratégie fiscale. Le crédit d’impôt provincial sur les titres multimédias couvre jusqu’à 37,5 % des dépenses en salaires des éditeurs de jeux vidéo, jusqu’à un maximum de 100 000 $ par travailleur. Il ne comporte aucune obligation en matière de réinvestissement au Québec des sommes obtenues ni en matière de création de propriétés intellectuelles durables dans la province.

Les plus importants bénéficiaires de ce crédit sont des sociétés qui déclarent leurs bénéfices à l’extérieur du pays, déplorent les critiques. Ils ajoutent qu’en pleine pénurie de main-d’œuvre, ce crédit prive de travailleurs spécialisés des entreprises logicielles qui ne sont pas admissibles et qui, faute d’une aide gouvernementale importante, ne peuvent être aussi généreuses dans leur rémunération que des concurrents étrangers.

Un point de vue que ne partage pas la Guilde du jeu vidéo, principal porte-parole de l’industrie vidéoludique de la province. « Ce n’est pas si vrai que les professionnels du jeu vidéo se déplacent facilement d’un secteur à l’autre, dit Jean-Jacques Hermans. Ce sont des gens passionnés qui ont étudié spécifiquement pour travailler dans cette industrie et qui ne veulent pas faire autre chose. »

Une régionalisation encore timide

Ces professionnels ne sont pas tous prêts à sortir de leur patelin pour aller travailler dans le jeu vidéo. Cela a mené depuis quelques années l’industrie à régionaliser ses activités. Résultat : historiquement concentré à Montréal et à Québec, l’impact économique du secteur commence à se répandre dans des régions, comme au Saguenay et à Sherbrooke.

Cela dit, cette régionalisation est encore plutôt timide. Dans son rapport, la Guilde calcule que 6 % des retombées économiques du jeu vidéo en 2021 avaient lieu à l’extérieur des régions métropolitaines de Montréal et de Québec. Dans la grande région de Montréal, 63 % de la valeur économique est créée sur l’île. Les couronnes sud et nord (y compris Lanaudière et les Laurentides) comptent pour 17 % des retombées totales de l’industrie.

Au moins, cette régionalisation entraîne une plus grande création d’entreprises locales. Le Québec comptait toujours en 2021 environ le tiers de toutes les entreprises canadiennes établies dans le jeu (291 sur 937), une proportion qui a peu changé depuis 2013, même s’il s’est créé à l’échelle nationale 600 nouvelles entreprises. Au Québec, la moitié (51 %) sont de très petites entreprises. Elles ont moins de 4 employés.

La taille relativement modeste d’une grande majorité d’entreprises est ce qui fait le plus tiquer la Guilde du jeu vidéo. Celle-ci veut désormais améliorer l’aide à la commercialisation et à l’exportation pour les entreprises indépendantes. « C’est facile pour les filiales de sociétés étrangères, mais pour les centaines de studios indépendants, c’est plus difficile », dit Jean-Jacques Hermans. « C’est maintenant notre cheval de bataille numéro un devant le gouvernement. »

On saura mardi en fin de journée si Eric Girard a reçu le message.

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