Le taux de chômage est resté stable en février au Canada

L’emploi au Canada a affiché une modeste croissance en février, après des mois de forte création d’emplois, et ce dynamisme fait craindre à certains observateurs de nouvelles hausses des taux d’intérêt.
Dans son enquête sur la population active publiée vendredi, Statistique Canada a indiqué que l’économie avait créé 22 000 emplois en février, soutenue par une hausse de l’emploi dans le secteur privé.
L’agence fédérale a ajouté que le taux de chômage du pays s’était maintenu à 5 %, restant près de niveaux record.
Croissance plus modeste de l’emploi
La majeure partie des gains d’emplois ont été réalisés dans les soins de santé et l’assistance sociale, les administrations publiques et les services publics. Pendant ce temps, des emplois ont été perdus dans les services aux entreprises, les services relatifs aux bâtiments et les autres services de soutien.
En janvier, l’économie avait accueilli 150 000 nouveaux travailleurs, surpassant considérablement les attentes.
Bien que les conditions sur le marché du travail demeurent assez bonnes – avec un chômage juste au-dessus de son creux historique de 4,9 % –, le dernier rapport de Statistique Canada a montré un retour à une croissance de l’emploi plus modeste.
Pourtant, la vigueur soutenue du marché du travail rend de nombreux économistes nerveux quant à la possibilité de nouvelles hausses de taux.
Et l’inflation ?
Même si les gains d’emplois de février étaient inférieurs à ceux des mois précédents, le directeur des études économiques de la Banque TD, James Orlando, a estimé qu’ils étaient toujours « trop élevés ».
« C’est préoccupant, car cela se traduit par des salaires plus élevés, ce qui peut entraîner une accélération de l’inflation, et cela pourrait faire dérailler les efforts de la Banque du Canada pour réduire l’inflation », a expliqué M. Orlando.
Le chômage devrait augmenter au cours des prochains mois, car les taux d’intérêt élevés ralentissent les dépenses, ce qui ralentit l’économie.
Les signes de ce ralentissement sont déjà apparents. Au quatrième trimestre, l’économie canadienne faisait du surplace, affichant une croissance de 0 %.
Mais M. Orlando prévient qu’il ne faut pas se concentrer uniquement sur le taux de croissance global. Dans l’ombre de ce chiffre se cache une légère augmentation des dépenses de consommation, qui suggère que les taux d’intérêt élevés ne nuisent pas tant aux consommateurs.
L’économiste ne s’inquiète pas seulement du fait que les taux d’intérêt mettent longtemps à affecter l’économie.
« Il semble qu’il y ait une résurgence de certaines de ces données, en particulier sur le marché du travail et chez le consommateur canadien, a-t-il expliqué. La Banque du Canada a besoin de voir un tournant dans l’économie. Nous ne pouvons pas continuer à obtenir une croissance de l’emploi. »
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Salaires et productivité sous la loupe
Alors que l’abordabilité est une priorité pour de nombreux Canadiens, le dernier rapport sur l’emploi montre que l’écart entre la croissance des salaires et l’inflation se rétrécit. Le salaire horaire moyen a augmenté de 5,4 % en février par rapport au même mois l’an dernier, tandis que l’inflation annuelle était de 5,9 % en janvier.
La Banque du Canada, qui s’efforce de réduire la forte inflation du pays, s’est dite préoccupée par le fait qu’une croissance des salaires soutenue de 4 % à 5 % compliquerait le retour à son objectif d’inflation de 2 %.
Dans un discours prononcé jeudi, la première sous-gouverneure de la banque centrale, Carolyn Rogers, a répété ce point, notant que la productivité du travail devrait augmenter pour que la croissance des salaires n’alimente pas l’inflation.
« Les données de la semaine dernière montrent que la productivité de la main-d’oeuvre au Canada a reculé pour un troisième trimestre d’affilée. Elle ne va donc pas encore dans la bonne direction », a affirmé Mme Rogers.
La productivité du travail fait référence à la quantité de production d’un travailleur. Mais l’augmentation de la productivité du travail ne signifie pas que les gens travaillent plus fort, a nuancé Mikal Skuterud, professeur d’économie à l’Université de Waterloo. Il est plutôt question de la possibilité de les doter de la technologie et des compétences qui leur permettraient de mieux travailler.
« La difficulté pour la banque est d’essayer de déterminer quelle part de la croissance des salaires est véritablement liée à la productivité et quelle part correspond simplement à une sorte d’inflation salariale », a-t-il expliqué.
Les inquiétudes de la Banque du Canada concernant le resserrement du marché du travail ont été accueillies avec des reproches par les syndicats, qui estiment que la banque centrale travaille contre les intérêts des travailleurs.
Mikal Skuterud a souligné qu’il y avait « une très bonne raison » pour expliquer que la Banque du Canada accorde la priorité à la réduction de l’inflation. Mais ses politiques ont également des implications sur le bien-être, a-t-il poursuivi.
Et alors que les travailleurs continuent de voir leurs salaires accuser un retard sur l’inflation, M. Skuterud a estimé que les travailleurs étaient perdants. « Il y a toutes les raisons d’être contrarié. Sans aucun doute. »
L’effet des hausses de taux d’intérêt sur le marché du travail devrait se faire sentir au cours des prochains mois, alors que la Banque du Canada a maintenu cette semaine son taux directeur à 4,5 %, son niveau le plus élevé depuis 2007.
Bien que les taux d’intérêt élevés aient déjà fait des ravages, leur plein effet est encore à venir, car les économistes estiment qu’il peut falloir jusqu’à deux ans pour que les hausses de taux soient digérées par l’économie.
Emplois stables au Québec
Du côté des provinces, Statistique Canada a observé que l’emploi était resté stable au Québec le mois dernier. Quelque 15 500 emplois y sont disparus et le taux de chômage a grimpé de 0,2 point de pourcentage, à 4,1 %.
L’agence a précisé que le taux de chômage dans la région métropolitaine de Québec s’était établi à 1,9 %, soit le taux le plus faible de toutes les régions métropolitaines de recensement au Canada.
Au Nouveau-Brunswick, l’emploi a augmenté de 1,3 %, soit 5100 postes, et le taux de chômage a reculé de 1,2 point de pourcentage pour s’établir à 6,3 %. À l’Île-du-Prince-Édouard, l’emploi a progressé de 2,0 %, ou de 1700 postes, et le taux de chômage a été de 7,3 %.
La Nouvelle-Écosse a été la seule province à afficher une baisse de l’emploi en février, de 4700 postes, soit 0,9 %. Son taux de chômage a augmenté de 0,7 point de pourcentage pour s’établir à 5,7 %.
Timide ralentissement aux États-Unis
Plus au sud le marché de l’emploi aux États-Unis est resté solide en février tout en semblant afficher les premiers signes d’un ralentissement très attendu dans la lutte contre l’inflation. Le taux de chômage demeure bas même s’il a grimpé à 3,6 %, après être tombé en janvier à 3,4 %, son plus bas niveau depuis 1969, a annoncé vendredi le département du Travail. Quelque 311 000 emplois ont été créés, contre 504 000 en janvier, quand 205 000 seulement étaient attendus, selon le consensus de Briefing.com.
À l’occasion d’un point presse à la Maison-Blanche, le président américain, Joe Biden, s’est déclaré « heureux » des données publiées, estimant qu’elles démontraient que « notre économie va dans la bonne direction ». « Au total, nous avons créé plus d’emplois en deux ans que n’importe quelle administration précédente en quatre. Ce n’est pas un accident, c’est la démonstration que notre programme économique fonctionne », s’est félicité M. Biden, soulignant par ailleurs que « le taux d’activité n’a jamais été aussi élevé depuis 2008 ».
« Les données montrent que le marché du travail reste solide », a commenté Rubeela Farooqi, cheffe économiste de HFE. « Mais une hausse du taux de chômage et une croissance plus faible des salaires suggèrent un ajustement », a-t-elle ajouté.
Ces données vont peser dans la balance de la banque centrale américaine (Fed), qui se réunit les 21 et 22 mars, et s’inquiète de l’inflation toujours très forte. Les employeurs américains font face depuis environ deux ans à une pénurie de main-d’oeuvre qui a contribué à la hausse des prix. Cependant, le taux de participation a continué à augmenter en février, contribuant à faire monter le taux de chômage, mais signalant le retour de travailleurs sur le marché de l’emploi. « Les taux de participation au marché du travail des hommes et des femmes adultes ont dépassé leurs sommets d’avant la pandémie », a précisé la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, vendredi. « Lorsqu’un nombre plus important de personnes entre sur le marché du travail, cela assouplit les conditions » et contribue à « remédier au déséquilibre de l’offre et de la demande sur [ce] marché », a ajouté la secrétaire à l’Économie de Joe Biden.
Les employeurs américains ont toutefois supprimé 77 770 emplois en février, leur plus grand nombre pour ce mois depuis 2009, alors en pleine crise des subprimes, selon une étude du cabinet de consultants Challenger, Gray&Christmas. Le secteur de la tech, notamment, a multiplié les annonces de licenciements. Mais cela ne représente qu’une petite proportion de la masse salariale américaine. La vente au détail et la finance sont également concernés.