La Caisse de dépôt quitte la Chine

La Caisse de dépôt et placement du Québec a confirmé que ses activités à Shangai seront relocalisées à Singapour, où se coordonne sa stratégie pour l'ensemble de la région Asie-Pacifique.
Photo: Hector Retamal Agence France-Presse La Caisse de dépôt et placement du Québec a confirmé que ses activités à Shangai seront relocalisées à Singapour, où se coordonne sa stratégie pour l'ensemble de la région Asie-Pacifique.

La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) fermera dans quelques mois son dernier bureau en Chine, où la taille de son portefeuille d’investissements a diminué depuis deux ans, a appris Le Devoir

L’institution a confirmé que ses activités à Shanghai seront relocalisées à Singapour, où se coordonne sa stratégie pour l’ensemble de la région Asie-Pacifique.

Une porte-parole de la CDPQ, Kate Monfette, a expliqué que les employés de ce bureau se consacraient principalement à la gestion des investissements de la filiale immobilière de la Caisse de dépôt. « Le bureau de Shanghai, présentement occupé par une douzaine d’employés, dont la majorité travaillait à la gestion d’actifs d’Ivanhoé Cambridge, fermera à la fin de l’année », a-t-elle précisé dans une déclaration écrite.

Un premier bureau chinois de la CDPQ, ouvert en 2009 à Pékin, avait déjà été fermé en 2016. Ses activités dans l’empire du Milieu étaient depuis centralisées à Shanghai. Créé en 2014, le pôle de Singapour, cité-État voisine de la Malaisie, regroupe déjà une cinquantaine d’employés.

Je pense que nos fonds de pension ont compris que faire des affaires en Chine, ça devenait peut-être plus compliqué avec les politiques poursuivies par le président Xi Jinping

 

Même si elle n’aura plus d’ancrage en sol chinois, la CDPQ détient toujours le statut d’Investisseur institutionnel étranger qualifié, qui lui permet un accès direct aux titres qui se négocient en devises chinoises, a confirmé l’institution.

La place qu’occupent les investissements chinois dans le portefeuille de la CDPQ a diminué au cours des deux dernières années. Ils comptaient pour 4 % de son actif total de 365 milliards en 2020, soit près de 15 milliards. Au 31 décembre 2022, ils s’établissaient à 3 % de son actif total de 402 milliards, soit 12 milliards.

L’institution n’a pas pu préciser si la fermeture du bureau de Shanghai est liée à un réalignement stratégique ou aux tensions géopolitiques avec la Chine, qui se sont accentuées ces dernières années.

Il y a un peu plus d’un mois, l’agence de presse Bloomberg rapportait que Teachers, le régime de retraite des enseignants de l’Ontario, avait suspendu ses opérations d’investissement dans le secteur privé en Chine en raison des risques géopolitiques. Plus récemment, des allégations d’ingérence chinoise dans le processus électoral fédéral ont suscité la controverse au Canada.

Les relations entre le Canada et la Chine ont été particulièrement tendues ces dernières années, notamment en raison de la détention arbitraire de deux Canadiens, Michael Spavor et Michael Kovrig, libérés en septembre 2021.

« C’est une réaction normale »

Ambassadeur du Canada en Chine de 2012 à 2016, Guy Saint-Jacques fait le lien entre la décision de Teachers et celle de la CDPQ, qui investit notamment les fonds provenant des régimes de retraite du secteur public québécois. « Je pense que nos fonds de pension ont compris que faire des affaires en Chine, ça devenait peut-être plus compliqué avec les politiques poursuivies par le président Xi Jinping », a-t-il déclaré en entrevue.

L’ex-ambassadeur estime que le niveau de risque a augmenté au cours des dernières années en Chine, ce qui entraîne un repli. « C’est une réaction normale, en raison de la belligérance de la Chine et de son non-respect des règles internationales, que de revoir ses positions pour réduire les vulnérabilités », a-t-il noté.

Des décisions arbitraires de l’État chinois, qui a notamment sanctionné des entreprises comme Alibaba, dans laquelle la CDPQ détient toujours des investissements, ont créé de l’instabilité sur les marchés. « Il faut que la Chine soit consciente que le marché est influencé par la situation politique, par ses décisions et les stratégies qu’elle poursuit », a déclaré M. Saint-Jacques.

Favorisant les entreprises d’État, M. Xi a également resserré la gouvernance des entreprises en imposant la présence d’un représentant du Parti communiste chinois au sein du conseil d’administration des grandes sociétés privées chinoises.

Les risques d’attaque de Taïwan par la Chine incitent également les investisseurs étrangers à réduire leurs vulnérabilités dans la région. « Si jamais la Chine envahissait Taïwan et que des sanctions étaient appliquées, la Chine va mettre des bâtons dans les roues à quiconque va vouloir sortir son argent de Chine », a-t-il expliqué.

L’an dernier, la CDPQ a rapidement liquidé ses positions russes à la suite de l’invasion de l’Ukraine. Selon les estimations du Devoir, l’institution québécoise aurait perdu des centaines de millions de dollars dans cette aventure.

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