La «liste noire» de Montréal sera contestée en justice

La « liste noire » des personnes inadmissibles aux contrats de Montréal devrait être contestée prochainement devant les tribunaux.
Photo: Olivier Zuida Le Devoir La « liste noire » des personnes inadmissibles aux contrats de Montréal devrait être contestée prochainement devant les tribunaux.

La « liste noire » des personnes inadmissibles aux contrats de Montréal devrait être contestée devant les tribunaux dans les prochains jours. Le fondateur d’une importante entreprise de déneigement de la province, Entreprises K.L. Mainville (EKLM), que le comité exécutif envisage d’inscrire à ce registre, compte attaquer la décision en alléguant que la Ville ne peut établir un tel index.

En juin dernier, le Bureau de l’inspectrice générale de Montréal (BIG) publiait un rapport d’enquête qui démontrait qu’EKLM et son dirigeant de l’époque, Serge Mainville, avaient permis à Louis-Victor Michon de travailler dans l’exécution de contrats municipaux. Or, M. Michon était un entrepreneur inadmissible aux contrats de la Ville pour des faits relatifs à de la collusion.

Il a fallu que je me retire [de la compagnie] pour la survie de l'entreprise

 

L’inspectrice générale avançait alors qu’EKLM avait sous-traité pendant plusieurs années ses contrats de déneigement à Excavation Bromont, entreprise dont Daniel Girard était propriétaire sur papier, mais qui était contrôlée dans les faits par Louis-Victor Michon grâce à un système de prête-noms.

Soutenant que Serge Mainville « était pleinement conscient du statut d’inadmissibilité de Louis-Victor Michon », l’inspectrice générale avait alors résilié les deux contrats octroyés à EKLM et recommandait d’inscrire M. Mainville au registre des personnes inadmissibles à l’obtention de contrats sur le territoire de la métropole.

« Mon client nie avoir eu connaissance que M. Michon contrôlait de facto la compagnie Excavation Bromont. C’est quelque chose qui n’a jamais été porté à sa connaissance par les gens qui avait monté ce stratagème-là », soutient Me Alain Chevrier, qui représente M. Mainville.

Du coup, si le comité exécutif inscrit le fondateur d’EKLM au registre des personnes inadmissibles aux contrats de la Ville mercredi, comme l’anticipe Me Chevrier, « nous, on va directement attaquer cette décision ». Il précise que, dans cette éventualité, des procédures légales seront entamées d’ici la fin de la semaine.

Le fondateur d’EKLM compte tout d’abord réfuter les faits qui lui sont reprochés par le BIG. Mais surtout, il compte soutenir que le registre des personnes inadmissibles tenu par la Ville n’est pas de compétence municipale : « C’est un pouvoir qui, en vertu de la loi, est uniquement conféré à l’Autorité des marchés publics. »

Il compte donc demander au juge que ce « pouvoir discrétionnaire » de la métropole soit déclaré nul.

« Si nous obtenons gain de cause là-dessus — et j’ai bon espoir que ce sera le cas — , les dispositions du règlement de gestion contractuelle de la Ville de Montréal qui lui confère le pouvoir d’établir une liste d’entreprises ou de personnes inadmissibles, ça va tomber comme un château de cartes », déclare-t-il.

Un cadre en règle selon la Ville

Par courriel, la Ville de Montréal refuse de commenter le dossier, se contentant de déclarer avoir confiance en « la légalité du cadre réglementaire et de tous les gestes posés à ce jour par la Ville pour la protection des meilleurs intérêts de la population ».

Dans le rapport du BIG concernant cette affaire, l’inspectrice générale soutient que la légitimité d’une « liste noire » repose tout d’abord sur le fait qu’elle soit intégrée au règlement qui encadre l’octroi des contrats de la métropole. Affiché sur le portail public d’appels d’offres, le registre d’inadmissibilité est accessible aussi bien aux contractants qu’au grand public.

Mais surtout, l’inspectrice évoque la nécessité d’une telle mesure pour empêcher une entreprise qui aurait perdu un contrat en contrevenant à la réglementation municipale de rester admissible : « En l’absence d’un tel registre d’inadmissibilité, le contrevenant pourrait être candidat à sa propre succession en déposant une nouvelle soumission, et s’il s’avère le plus bas soumissionnaire, la municipalité n’aurait d’autre choix que de lui octroyer un nouveau contrat. »

Contacté par Le Devoir, Serge Mainville soutient pour sa part avoir déjà subi l’impact de la décision du BIG. Il a vendu EKLM et s’est retiré aussi bien de l’administration que de la gestion de l’entreprise. EKLM a d’ailleurs changé de nom, devenant Valosphère Environnement cet automne.

« Il n’y a pas de cachette. Il a fallu que je me retire [de la compagnie] pour la survie de l’entreprise, raconte M. Mainville. J’ai eu un sacrifice à faire : soit je me retirais pour assurer la survie de l’entreprise et garder les emplois, soit j’envoyais tout à l’encan et on fermait une entreprise qui fait travailler entre 200 et 300 personnes. »

À voir en vidéo