Plaidoyer pour un programme de report de l’impôt foncier des aînés

Le Québec doit emboîter le pas à d’autres provinces en mettant en place un programme de report de l’impôt foncier accessible aux personnes âgées, réclament plusieurs municipalités. Elles espèrent ainsi contribuer au maintien à domicile des aînés qui subissent une croissance rapide de leurs taxes foncières.
Le maire de Saint-Lin–Laurentides, Mathieu Maisonneuve, a pris le taureau par les cornes cet hiver en mandatant une firme d’avocats, à laquelle la municipalité a remis plusieurs milliers de dollars pour obtenir un avis juridique. L’objectif de cette initiative : déterminer les options dont dispose la municipalité de Lanaudière de plus de 24 000 habitants, en pleine expansion, pour permettre aux aînés de reporter le moment de payer une partie de leurs taxes foncières jusqu’à la vente de leur propriété et ainsi réduire leur fardeau fiscal.
« Le contexte économique fait en sorte que l’inflation est présente, et les personnes à la retraite peinent de plus en plus à maintenir leur pouvoir d’achat », explique M. Maisonneuve. Ce dernier s’inquiète ainsi de constater que les taxes foncières, qui ont augmenté en moyenne de près de 18 % cette année dans la municipalité, représentent un poids financier de plus en plus lourd à porter pour les aînés du secteur, en particulier ceux à faible revenu.
« Si je peux prolonger de quelques années leur capacité de rester à domicile, j’aurai fait mon travail de maire », ajoute M. Maisonneuve. L’élu voudrait ainsi autoriser les personnes de 65 ans et plus de sa municipalité à reporter une partie de leurs taxes foncières annuelles, qui seraient remboursées à la Ville au moment de la vente des propriétés concernées. « On pourrait apporter un changement fondamental dans la vie des gens. »
Maintien à domicile
Actuellement, le cadre légal au Québec ne permet cependant pas aux municipalités d’appliquer une telle initiative sur leur territoire. La province compte d’ailleurs parmi les seules au pays, avec le Manitoba, à ne pas avoir mis en place un programme de report de l’impôt foncier. Une telle mesure pourrait pourtant « faire une différence de 5 à 10 ans » dans le nombre d’années où une personne âgée aux revenus modestes serait en mesure de demeurer dans sa propriété, estime Gilles Thériault, de l’organisme Montréal pour tous, qui a rédigé plusieurs essais à ce sujet.
Au Nouveau-Brunswick, les aînés de 65 ans et plus peuvent reporter — à un faible taux d’intérêt — le paiement du montant d’augmentation annuelle de l’impôt foncier associé à leur résidence principale jusqu’à la vente de celle-ci, tandis que les aînés au Yukon peuvent reporter le paiement de leur impôt foncier jusqu’à concurrence de 75 % de la valeur imposable de leur maison. En Colombie-Britannique, un programme similaire est accessible aux propriétaires de 55 ans et plus.
Si je peux prolonger de quelques années leur capacité de rester à la maison, j'aurai fait mon travail de maire
Le maire de Terrebonne, Mathieu Traversy, avait d’ailleurs acheminé une lettre en septembre 2022 au président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), Daniel Côté, pour l’interpeller sur la pertinence de mettre en place un programme de report de l’impôt foncier dans la province. L’UMQ avait d’ailleurs pris position en faveur d’une telle mesure dès le début des années 2010, sans avoir l’effet espéré auprès du gouvernement du Québec.
Une mesure à l’étude
Or, une décennie plus tard, le contexte inflationniste et la surenchère notée sur le marché immobilier québécois dans les dernières années soulignent l’importance de ramener ce projet à l’avant-plan, estime le maire de Terrebonne. Les valeurs foncières des résidences unifamiliales ont augmenté en moyenne de 50 % dans cette ville de Lanaudière l’an dernier, indique Mathieu Traversy, qui raconte en entrevue avoir reçu plusieurs appels de résidents aînés de sa ville qui craignent de devoir déménager parce qu’ils commencent à manquer de moyens financiers pour payer leurs taxes foncières.
« Malheureusement, ce n’est pas parce qu’on vit dans une maison qui vaut cher aujourd’hui qu’on a des revenus astronomiques, et cette situation affecte particulièrement des aînés, note le maire. Ça commence à peser lourd sur certains d’entre eux. »
Par écrit, le président de l’UMQ confirme que des représentations ont eu lieu auprès de Québec « pour mettre de l’avant cette mesure », qui pourrait empêcher que les aînés ayant une situation financière précaire soient « contraints de quitter leur domicile » en raison de leur fardeau fiscal. Daniel Côté affirme également que « des travaux » sont en cours au sein du gouvernement du Québec pour évaluer la possibilité d’implanter une telle mesure dans la province.
Joint par Le Devoir, le cabinet du ministre des Finances, Eric Girard, n’a pas voulu commenter le dossier, indiquant simplement que les décisions prises pour le prochain budget du Québec seront dévoilées le 21 mars.