2,4 milliards pour changer les turbines de quatre centrales

La centrale de Carillon, sur la rivière des Outaouais
Olivier Zuida Le Devoir La centrale de Carillon, sur la rivière des Outaouais

Les chantiers de réfection de centrales hydroélectriques vieillissantes destinés à augmenter leur capacité de production contraignent Hydro-Québec à délier les cordons de sa bourse. Le remplacement des groupes turbine-alternateur de quatre centrales pousse la société d’État à injecter 2,4 milliards de dollars, a constaté Le Devoir.

Les travaux effectués sur quatre centrales — Carillon, en Outaouais, Rapide-Blanc et Trenche, en Mauricie, ainsi qu’Outardes-2, sur la Côte-Nord — permettront d’ici cinq ans d’augmenter de 10 % leur capacité de production, ajoutant 178 MW à une capacité actuelle de 1789 MW.

Ces investissements, estimés à 2,4 milliards de dollars, ne sont qu’un avant-goût d’une facture plus salée que devra inévitablement payer Hydro-Québec pour mettre à niveau plusieurs de ses 62 centrales. Dans son plus récent plan stratégique, la société estime pouvoir augmenter la puissance des centrales existantes de 2000 MW, soit 5 % de leur capacité actuelle (37 000 MW).

Hydro-Québec entre donc dans une période de grande réfection. Toujours dans son plan stratégique, elle souligne l’importance d’investir des « sommes substantielles » pour redonner du lustre à un réseau et à des infrastructures « exploités à la limite de leur capacité ». Certains ouvrages « approchent de la fin de leur vie utile », est-il écrit.

Pour ce faire, la société d’État estime devoir investir annuellement cinq milliards de dollars. « Et, oui, ces travaux font partie de cette enveloppe », dit Francis Labbé, porte-parole d’Hydro-Québec, ajoutant que le remplacement des turbines des quatre centrales devrait « être terminé en 2027 ou 2028 ». Du coup, l’augmentation de la production coïncidera avec l’année où la production québécoise ne pourra suffire à la demande en période de pointe, soit 2027, selon les prévisions d’Hydro-Québec.

Étude pour Manic-3

Dans le cas d’Outardes-2, il est prévu de remplacer trois groupes turbine-alternateur. Le débit d’eau du bassin permettra d’optimiser les technologies des nouvelles turbines, ce qui engendrera une hausse de près de 94 MW de la capacité de production de cette centrale, qui fait partie du vaste projet Manic-Outardes. Pour des raisons similaires, un gain de 50 MW est projeté pour la centrale de la Trenche.

Pour leur part, les chantiers aux centrales de Rapide-Blanc et de Carillon visent essentiellement à remplacer des groupes turbine-alternateur en fin de vie utile.Les travaux, dont les coûts atteindront 1,25 milliard de dollars, généreront des gains respectifs en productivité de 17 MW.

Il est aussi envisagé d’effectuer des travaux à Manic-3, aussi connue sous le nom de centrale René-Lévesque. Hydro-Québec a par ailleurs refusé de nommer d’autres projets de réfection. « On ne peut pas ventiler ces projets actuellement parce qu’il faut voir, tout d’abord, si ça a un impact sur l’environnement, par exemple. Et, si oui, il faut en discuter avec le milieu d’accueil », explique Francis Labbé.

Est-ce qu’Hydro-Québec songe à élargir certains bassins pour obtenir plus de puissance ? L’avenue n’est pas envisagée pour le moment, répond M. Labbé : « C’est pas infaisable ou impossible, mais ça demande les autorisations environnementales. Ça pourrait peut-être même donner lieu à des BAPE. Pour l’instant, ce qu’on recherche, ce sont des solutions rapides, efficaces et qui ont le moins d’impacts possible sur l’environnement. »

Jusqu’à 70 M$ par groupe turbine

« Hydro-Québec n’en parle pas plus qu’il faut, mais on entre dans une période où il va falloir énormément d’entretien sur les ouvrages qui, sans être en fin de vie, ont besoin d’entretien après, dans certains cas, 40 ou 50 ans de vie utile », dit Pierre-Olivier Pineau, directeur de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, précisant que ces réfections coûteront nécessairement cher.

Le prix d’un groupe turbine-alternateur oscille généralement entre 20 millions et 70 millions, selon les informations transmises au Devoir par Hydro-Québec. À cela s’ajoutent non seulement les coûts des travaux de remplacement, mais aussi ceux liés à l’adaptation des infrastructures qui assurent la liaison jusqu’au réseau de transport. Dans des documents récemment déposés à la Régie de l’énergie du Québec, Hydro-Québec évalue à 92 M$ les travaux qui devront être effectués aux postes de Manicouagan et d’Outardes-2 afin de les préparer à la hausse prochaine de la production.

Voués à augmenter la capacité de production, ces chantiers doivent être perçus comme des « opportunités », selon M. Pineau. Ce qui est non négligeable alors que la demande d’électricité croît en raison de projets visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Rappelons que dans son plus récent plan stratégique, publié en mars dernier, Hydro-Québec soutenait devoir ajouter 100 térawattheures — plus de la moitié de sa capacité actuelle — pour répondre à la demande croissante en électricité.

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