Un répit financier difficile à offrir à ses locataires

Pour un propriétaire d’immeuble, accorder un répit financier à ses locataires n’est pas aussi facile qu’il y paraît en vertu même des règles du Tribunal administratif du logement (TAL).

C’est ce qu’a constaté, à la fin du mois de janvier, Olivier Dulude, propriétaire d’un duplex dans le quartier Rosemont depuis deux ans avec sa conjointe. Le couple occupe l’étage du haut, tandis que des locataires occupent celui du bas. « D’habitude, la hausse du loyer tourne autour de 15 ou 20 $ par année, ça suit l’inflation », explique-t-il en entrevue. Mais en 2022, il a fait faire des travaux, dont les coûts ont « dépassé 50 000 $ » sur les fondations de sa maison.

Lorsqu’il a voulu calculer la hausse prévue du loyer pour 2023 sur le site du TAL (anciennement la Régie du logement), il a constaté avec stupeur qu’elle serait de plus de 200 $ cette année. [Après vérification, la hausse véritable serait plutôt de 90$, voir mise à jour au bas de ce texte, NDLR]

« On trouvait que c’était beaucoup, donc on a voulu l’étaler sur deux ans », raconte M. Dulude, qui espérait ainsi donner un répit financier à ses locataires. En appelant au TAL pour vérifier la faisabilité de son idée, on lui a répondu qu’une telle décision était à ses risques et périls. Si ses locataires décident de contester la hausse suivante, en 2024, M. Dulude perdrait la possibilité d’augmenter le loyer, puisqu’elle ne serait plus conforme à la méthode de calcul.

Le TAL lui a expliqué que la valeur des travaux joue un rôle dans la hausse du loyer, et que des travaux effectués en 2022 ne pourraient pas être tenus en compte pour une hausse en 2024. « Le Tribunal tient compte, conformément au Règlement sur les critères de fixation de loyer, des dépenses [engagées] par le locateur durant l’année de référence concernée » , explique par courriel le responsable des relations avec les médias du TAL, Denis Miron.

Il précise qu’en cas d’impasse avec son locataire, le propriétaire peut « saisir le Tribunal d’une demande de fixation du loyer. » Mais cette fixation sera donc déterminée par « les dépenses [engagées] » par le propriétaire lors de l’année concernée. En somme, les travaux effectués en 2022 ne pourront pas être considérés pour la fixation du loyer en 2024.

« Ce sont de bons montants, que je ne pourrai plus augmenter par la suite », déplore Olivier Dulude. « Je voulais être flexible. Je trouve ça plate. »
 

« Confiance mutuelle »

Après une conversation avec ses locataires et une mûre réflexion, il a décidé d’étaler la hausse du loyer sur deux ans, comme il l’avait initialement prévu.

« En théorie, l’an prochain, notre locataire pourrait refuser l’augmentation et on perdrait notre droit d’augmenter, note-t-il. On a tout expliqué ça aux locataires et on va procéder sur la base de la confiance mutuelle et du bon voisinage. »

Il persiste à croire qu’offrir la possibilité aux propriétaires qui le souhaitent d’étaler la hausse du loyer sur plusieurs années permettrait d’offrir un répit aux locataires, dans un contexte inflationniste. « La réponse que nous a donnée le TAL est dommage et ne bénéficie à personne », croit-il.

Dans la dernière année, les logements dans la région de Montréal ont fait l’objet d’une flambée des prix : le loyer moyen d’un appartement de deux chambres a augmenté de 5,4 % en un an. Il se situe désormais au-dessus de 1000 $. Plusieurs locataires montréalais s’attendent à une hausse importante de leur loyer en 2023, notamment à cause de l’inflation et de la hausse des taxes foncières et scolaires, et des frais d’assurance.

Mise à jour

À la suite de la publication de cet article, le co-porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec, Martin Blanchard, a contacté Le Devoir.

Il souligne que la hausse du loyer des locataires de M. Dulude est en fait d’environ 90$, et non de 200$. Cet écart s’explique parce que M. Dulude n’avait pas inscrit la valeur estimative du logement qu’il occupe lui-même sur l’outil de calcul pour l’augmentation de loyer fourni par le TAL. Cette nouvelle valeur a pour effet de diviser la hausse du loyer par deux, environ. « L’outil de calcul est mal fait et induit tout le monde en erreur parce qu’il permet des manipulations erronées », déplore M. Blanchard.

Il soutient également que M. Dulude pourrait faire signer à ses locataires un bail de deux ans s’il souhaite étaler la hausse. « Si vous avez des questions sur le loyer, contactez directement un comité de logement », conclut M. Blanchard.

M. Dulude souligne pour sa part que cette hausse d’environ 90$ reste nettement plus élevée que celles des années précédentes.



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