Plaidoyer pour une «vraie inclusion» de la diversité

Habi Gerba boucle sa première année à la présidence de la Jeune Chambre de commerce de Montréal (JCCM).
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Habi Gerba boucle sa première année à la présidence de la Jeune Chambre de commerce de Montréal (JCCM).

La diversité dans les organisations ne peut pas rester que cosmétique, défend Habi Gerba, qui boucle sa première année à la présidence de la Jeune Chambre de commerce de Montréal (JCCM). Parmi plusieurs dossiers qu’elle mène de front, l’entrepreneure milite pour une meilleure inclusion des personnes issues de groupes « sous-représentés » dans le milieu des affaires.

Pour résumer la différence entre la diversité et l’inclusion, une citation de l’activiste américaine Vernā Myers, aujourd’hui vice-présidente chargée de la stratégie d’inclusion chez Netflix, est devenue célèbre. « La diversité, c’est d’être invité à la soirée. L’inclusion, c’est d’être invité à danser », illustre Mme Myers.

« La première fois, quand j’ai entendu ça, j’ai trouvé ça beau », souligne Mme Gerba. « Après, je me suis rendu compte que je n’étais pas d’accord. »

Pourquoi ? « Parce qu’être invité à danser, ça sous-entend : fais comme nous et souris ! La vraie inclusion, c’est d’être consulté dans le format de l’événement, l’heure, la musique, le lieu… C’est ça, la vraie inclusion. »

Celle qui a aussi fondé la ligne de vêtements haut de gamme Gazelles veut faire changer les mentalités au sein de la relève d’affaires montréalaise pour que la diversité ne reste pas que « cosmétique ».

« C’est là souvent où ça bloque dans le milieu des affaires. Tout le monde aujourd’hui parle de diversité. Mais est-ce qu’il y a de la vraie inclusion ? C’est-à-dire de s’assurer d’une bonne intégration à tous les niveaux, de s’assurer que les gens se sentent accueillis, chez eux, dans un espace sécuritaire ? Je pense qu’une réflexion s’impose à ce niveau-là », estime-t-elle.

Prêcher par l’exemple

Au-delà de susciter la réflexion, l’organisme dont elle est à la tête prêche aussi par l’exemple. Depuis l’entrée en poste de Mme Gerba, la JCCM a vu la part de ses membres issus de groupes sous-représentés doubler, passant de 30 % à 62 %.

« Quand on parle de groupes sous-représentés, ça ne se limite pas juste à la diversité ethnoculturelle. Ça regroupe tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans le milieu des affaires présentement. Par exemple, les gens sur le spectre de l’autisme, les gens qui ont un handicap, ou encore les gens de communautés autochtones… », précise Habi Gerba.

La récente vague de changement au sein du « membership » n’est pas arrivée par « magie », explique-t-elle. « C’est le fruit d’actions précises. Parfois, ce sont de petites choses. Par exemple, pour certains, il y avait une barrière financière pour accéder au réseau. Donc, on a lancé une campagne de sociofinancement pour offrir, à 100 membres, un membership et l’accès à nos formations gratuitement. »

Une façon d’ouvrir plus grand la porte à des jeunes qui ne l’auraient peut-être pas franchie autrement.

Et pour faire rayonner la relève d’affaires montréalaise, la Jeune Chambre de commerce ne veut pas se limiter à accompagner les entrepreneurs. « On célèbre beaucoup l’entrepreneuriat, mais les gens qui travaillent à l’intérieur des organisations ont aussi beaucoup de pouvoir pour faire changer les choses. »

C’est pourquoi la JCCM a mis en place un programme intitulé « Génération d’impact », lancé en collaboration avec Fondaction. « Il s’agit d’une première cohorte “d’intrapreneurs”, donc des gens à l’intérieur d’organisations. On veut dire à ces jeunes : ils n’ont pas besoin d’attendre la fin de leur carrière ou d’être à la tête d’une entreprise pour changer le monde. On leur propose des rencontres de coaching, des séances de travail pour les pousser à choisir un combat et générer un changement au sein de leur organisation », explique Mme Gerba.

Le droit à la déconnexion et sa nécessité

Un autre enjeu qui lui est cher est celui du droit à la déconnexion. La jeune entrepreneure a elle-même goûté au surmenage et a appris à connaître ses limites avant d’accepter le rôle bénévole de présidente de la JCCM, tout en devant gérer son entreprise.

« Je ne pense pas que j’aurais été capable de le faire de manière aussi saine avant la pandémie. Probablement comme beaucoup de gens, j’ai eu des réflexions sur l’importance de tracer des lignes… Quand on est entrepreneur, il y a une culture de ne pas compter ses heures. C’est bien beau de dire ça… Mais ce n’est pas toujours sain », dit Habi Gerba.

Si le gouvernement du Québec ne compte pour le moment pas aller de l’avant avec un cadre réglementaire concernant le droit à la déconnexion, Mme Gerba estime que la sensibilisation doit se faire au niveau du secteur privé, peu importe si le gouvernement décide de légiférer ou non.

« J’ai rencontré beaucoup d’employeurs qui sont très sensibles à cet enjeu, d’autres pas du tout. Ce qu’on essaie de faire avec cette réflexion sur le droit à la déconnexion, c’est de faire en sorte que ce droit-là ne dépende pas du bon vouloir d’un gestionnaire. »

« D’autant plus que le droit à la déconnexion est particulièrement important quand on est jeune, en début de carrière, et que l’on veut faire ses preuves », croit-elle.

À voir en vidéo