Toujours pas de recul pour l’économie canadienne

Le marché du logement a été le premier à ressentir l’impact des hausses de taux d’intérêt, les secteurs liés au logement ayant rapidement connu un ralentissement.
Marie-France Coallier Archives Le Devoir Le marché du logement a été le premier à ressentir l’impact des hausses de taux d’intérêt, les secteurs liés au logement ayant rapidement connu un ralentissement.

L’économie continue de ralentir au Canada, mais n’a toujours pas commencé à reculer, aux dernières nouvelles.

L’impact de l’inflation et de l’augmentation des taux d’intérêt sur la construction et le chiffre d’affaires des commerçants et des restaurateurs n’a pas suffi pour réduire le produit intérieur brut (PIB) canadien au cours des deux derniers mois de 2022, a rapporté mardi Statistique Canada. En novembre, la croissance réelle du PIB a tout juste été de 0,1 %, alors que les données préliminaires sur le mois de décembre indiquent que la taille de l’économie est restée « essentiellement inchangée ».

Cela signifierait que l’économie canadienne affichait un rythme de croissance annualisé de 1,6 % au quatrième et dernier trimestre. Ce serait la moitié de la moyenne des trois trimestres précédents (3 %), mais un peu mieux que ce qu’attendait encore la semaine dernière la Banque du Canada dans ses plus récentes prévisions économiques (1,3 %), et la preuve d’une certaine résilience d’une économie que certains experts, l’automne dernier, voyaient en récession avant la fin de 2022.

En fait, 14 des 20 grands secteurs d’activité analysés ont affiché une hausse en novembre. Les administrations publiques (+0,5 %) et les services publics (+0,7 %), comme l’électricité, les télécommunications ou le transport, comptent parmi ceux qui ont le plus contribué à la croissance de l’économie.

1,5 %
C’est le tauxde croissance attendu pour le Canada en 2023, selon les prévisions économiques du FMI.

Certains secteurs durement frappés durant la pandémie de COVID-19 ont aussi poursuivi leur remontée. C’est le cas entre autres du transport aérien (+4,6 %), qui profite depuis quelques mois de la levée des restrictions frontalières liées à la pandémie, et de l’hébergement (+2,5 %), qui a aussi vu augmenter le nombre de voyageurs, note Statistique Canada. Mais c’est le cas aussi du grand secteur des arts et du divertissement (+0,6 %).

Le choc des prix et des taux d’intérêt

À l’inverse, la construction résidentielle (-1,8 %) a subi en novembre une septième diminution en huit mois. C’est sa plus importante baisse depuis mai dernier.

La situation n’a pas été plus facile dans le commerce de détail (-0,6 %), dont 8 des 12 sous-secteurs étaient en repli. Cela a été particulièrement difficile dans les magasins d’alimentation (-1,8 %), qui sont tombés à leur plus bas niveau depuis avril 2018, même si l’on tient compte des facteurs liés au moment de l’année où les mesures ont été prises.

Le ralentissement de l’activité économique n’est pas étonnant compte tenu de la forte augmentation du coût de la vie, qui plombe le pouvoir d’achat des consommateurs, et du relèvement accéléré des taux d’intérêt par la Banque du Canada ces derniers mois, qui vise à casser l’élan de cette inflation, a observé lundi l’économiste à la Banque Royale Nathan Janzen dans une brève analyse. Cette perte de vigueur économique n’est pas terminée parce qu’il faut, généralement, de 18 à 24 mois avant qu’une hausse des taux d’intérêt ne produise tout son effet.

Le fait que l’économie canadienne tienne malgré tout assez bien le coup confortera la banque centrale canadienne dans sa volonté de maintenir ses taux d’intérêt inchangés pendant un certain temps, estime James Orlando, de la Banque TD.

« Dans un contexte de politique monétaire extrêmement restrictive, nous continuons de nous attendre à une quasi-stagnation [économique] pendant la majeure partie de 2023 », disent Matthieu Arseneau et Alexandra Ducharme, de la Banque Nationale.

Il y a quand même fort à craindre que la croissance économique « entre en territoire négatif durant la première moitié de l’année », prédit quant à lui Nathan Janzen.

Flirter avec la récession

La semaine dernière, la Banque du Canada parlait d’une économie qui passerait d’une croissance moyenne de 3,6 % l’an dernier à seulement 1 % cette année et à 1,8 % en 2024, en raison d’une « stagnation jusqu’autour du milieu de 2023 ». Son gouverneur, Tiff Macklem, n’a pas exclu qu’on tombe en récession, « mais alors, une bien modeste récession ».

Le Fonds monétaire international s’est montré un peu plus optimiste dans la mise à jour de ses propres prévisions économiques dévoilée lundi. Elle prédit au Canada une croissance annuelle de 1,5 % cette année ainsi que l’année prochaine, ce qui serait quand même mieux qu’aux États-Unis (+1,4 % et +1 %), que dans la zone euro (+0,7 % et +1,6 %) et qu’au Royaume-Uni (-0,6 % et +0,9 %).

En octobre, l’institution pensait qu’avec la hausse des taux d’intérêt des banques centrales, les difficultés de la Chine et les répercussions de la guerre en Ukraine, les pays représentant le tiers de l’économie mondiale allait traverser prochainement au moins deux trimestres négatifs consécutifs. Mais l’économie mondiale fait preuve « d’une résilience plus forte qu’attendu », a-t-elle expliqué lundi, grâce à la vigueur du marché du travail, à la bonne tenue de la consommation des ménages et des investissements des entreprises et à une adaptation plus solide que prévu à la crise énergétique en Europe.

La Chine (+5,2 % et +4,5 %) et l’Inde (+6,1 % et +6,8 %) devraient toutefois, à elles seules, compter pour la moitié de la croissance mondiale cette année (+2,9 %), « contre seulement un dixième pour les États-Unis et la zone euro réunis ».

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