Autos électriques et copropriétés: une solution québécoise en quête de financement

De 6 à 10 millions de dollars. C’est la somme que la société RVE de Laval aimerait récolter au cours des prochains mois pour prendre de l’expansion aux États-Unis et développer sa technologie ; une solution au casse-tête énergétique des propriétaires d’une auto électrique qui vivent en ville, dans un logement ou en copropriété.
Garer et recharger une voiture électrique devant l’entrée d’une maison unifamiliale n’est pas compliqué. En ville, dans des quartiers composés essentiellement d’immeubles multilogements, c’est au contraire un sacré défi. Or, la solution existe déjà en partie. Et elle est québécoise.
Ce que RVE a créé ces huit dernières années est à la fois hypersimple et extrêmement complexe. L’entreprise de Laval a créé un module électrique qui permet, dans le stationnement intérieur ou extérieur d’un immeuble multilogement, d’associer une borne de recharge à un logement et, donc, à la bonne facture d’électricité. Si nécessaire, l’appareil de RVE s’occupe aussi d’alterner le courant entre la borne et un autre circuit électrique utilisé de façon sporadique, comme une sécheuse à linge. Cela évite d’avoir à remplacer le panneau électrique entier d’un immeuble.
La prochaine étape est de rendre ce système compatible avec les « défis » proposés par Hydro-Québec à ses clients résidentiels ayant adopté la tarification dynamique. Ces défis leur promettent d’économiser sur leur facture en déplaçant occasionnellement leur consommation de pointe à des moments où la demande globale est moins élevée, un peu comme le fait le programme Hilo.
Déjà, plus de 80 % des recharges se font à domicile, mais encore faut-il toujours avoir une borne disponible au bon endroit et au bon moment...
RVE veut donc conformer sa technologie à ce que le gouvernement québécois appelle la sobriété énergétique, pour que ses clients n’aient pas à le faire. Puis, elle aimerait exporter le tout aux États-Unis. Et pour y arriver, l’entreprise, qui jusqu’ici s’est autofinancée, cherche un coup de pouce financier venant de l’extérieur.
« Le type d’investisseur que nous recherchons pour la suite est quelqu’un qui a une bonne connaissance du secteur immobilier et de la construction, pour garder le rythme », explique au Devoir le fondateur et grand patron de RVE, David Corbeil.
« Nous avons doublé de taille chaque année depuis 2019 et nous avons multiplié par dix nos revenus en quatre ans. À ce jour, nous avons pu croître grâce à nos propres efforts. Nous sommes rendus à 30 employés et 20 000 unités de recharge en service au Canada et aux États-Unis », dit-il.
L’inévitable percée de l’auto électrique en ville
Un rapide coup d’oeil aux statistiques régionalisées des ventes de véhicules électriques suffit pour voir que la demande, tant au Québec qu’ailleurs en Amérique du Nord, se trouve concentrée dans la banlieue des grandes villes. Plus de 80 % des propriétaires d’un tel véhicule se branchent la nuit à la maison et dans leur entrée de garage.
Ce n’est pas si facile pour les copropriétaires et les locataires qui doivent se garer dans un stationnement commun. Encore moins pour ceux qui doivent se garer dans la rue. Pour ces derniers, les autorités municipales songent à convertir certains espaces publics en éventuelles zones de recharge.
Pour les immeubles multilogements, électrifier le stationnement est une dépense qui peut devenir un investissement, croit David Corbeil. « Avoir son propre stationnement dans une ville comme Montréal, ça vaut des dizaines de milliers de dollars, dit-il. Comment transformer ça en un actif qui prend de la valeur ? Dans les prochaines années, ce sera en offrant la possibilité de brancher un véhicule. »
En ce moment, l’attention des gouvernements et des réseaux électriques porte principalement sur la recharge publique interurbaine située en bordure d’autoroute et dans les rues. Ça élimine un frein à l’adoption des véhicules électriques.
« Mais qui va acheter une voiture électrique dans les dix prochaines années ? demande David Corbeil. Des gens qui vivent en ville, en bonne partie. Déjà, plus de 80 % des recharges se font à domicile, mais encore faut-il toujours avoir une borne disponible au bon endroit et au bon moment… »
Le défi du siècle
La présence de RVE dans 30 États américains n’est pas une mince affaire. Les réseaux électriques à l’extérieur du Québec sont un énorme fouillis. Les technologies, les normes, les caractéristiques varient d’un État à l’autre, et parfois d’un coin à l’autre d’un même État. RVE a dû faire homologuer sa technologie un État à la fois.
« Le réseau électrique nord-américain est très décentralisé. Notre plan est de développer une solution connectée globale pour mieux optimiser la demande de recharge en fonction de la pointe de demande électrique par région. À terme, les demandes des fournisseurs finiront par être centralisées par des géants comme Google. À ce moment-là, nous pourrons le faire à partir d’un seul point de contact. »
La prochaine étape est donc plus axée sur la commercialisation. L’entreprise de Laval dénombre 49 millions d’immeubles en copropriété sur le continent qui pourraient bénéficier de sa technologie. Elle estime qu’il s’ajoute aussi chaque année quatre millions de nouvelles constructions qui auront besoin, un jour, d’un moyen de recharger des véhicules électriques.
RVE a les yeux rivés sur la côte ouest. La Californie compte sur le marché du véhicule électrique le plus actif du continent. L’entreprise entend faire sa place dans un marché qui ne fera que grandir au fur et à mesure qu’approcheront les échéances des différentes cibles climatiques prises par les gouvernements.
« Harmoniser tout ça sera sans doute le plus gros défi énergétique du XXIe siècle », conclut David Corbeil.