Le propriétaire du Saint-Sulpice explique les raisons de la fermeture du bar

Refusant d’augmenter les prix pour sa clientèle étudiante, qui a fait les belles années du bar Le Saint-Sulpice, le propriétaire Maurice Bourassa s’est résigné à fermer boutique. Mais déjà, l’homme d’affaires a de nouveaux plans pour la bâtisse et l’immense terrain adjacent qu’il possède. Et les étudiants seront encore au centre du projet.

Pour plusieurs générations d’étudiants, Le Saint-Sulpice, situé à un jet de pierre de l’UQAM et du cégep du Vieux Montréal, sur la rue Saint-Denis, à Montréal, a été un lieu de rendez-vous et de festivités, au point où il a acquis le titre d’« institution » et même de « bar mythique » au fil des ans. Mais après 43 ans de service, le propriétaire a décidé de passer à autre chose.

« Je trouve ça triste », affirme-t-il, confortablement installé chez lui, où Le Devoir l’a rencontré en fin de journée lundi. Ses grands yeux bleus, qui quelques minutes plus tôt étaient tout vifs, se brouillent un peu. « Ça a pris beaucoup de temps pour monter cette entreprise, j’aurais souhaité qu’elle continue, mais il n’y a pas eu de relève. »

L’homme évoque les bons souvenirs d’une époque révolue : les rencontres, les fêtes, l’ambiance des soirées. « Autour des années 2000, c’était très achalandé », raconte-t-il. Sourire aux lèvres, il parle des célébrations du 30e anniversaire du bar, où l’artiste Armand Vaillancourt avait dévoilé une statue qui agrémente depuis la célèbre terrasse de l’établissement.

Mais alors, pourquoi fermer ? « Actuellement, le mètre carré est trop cher pour qu’on fixe des prix abordables comme on avait l’habitude avec notre clientèle étudiante, c’est une des raisons principales, confie-t-il. J’avais comme objectif d’offrir aux étudiants des prix adaptés à leur budget. »

Mais il n’y a pas que les prix, avoue-t-il. « Les comportements ont changé, il y a moins de gens qui vont dans les bars maintenant », note-t-il dans un haussement d’épaules résigné. C’est une tendance qui, selon lui, a débuté avec l’interdiction de fumer dans les bars et sur les terrasses.

Juste avant la pandémie, à l’automne 2019, Maurice Bourassa a fait de grands travaux. Lorsque ceux-ci ont été terminés, la pandémie a frappé, forçant les bars et les restaurants à fermer pendant de longs mois. Le Saint-Sulpice n’a jamais rouvert ses portes, et le bar est aujourd’hui vide. Il sert désormais de lieu de tournage pour la télé.

« Remettre aux étudiants »

Maurice Bourassa a mis l’établissement en vente en 2019, mais personne n’a voulu reprendre le fonds de commerce. Plusieurs promoteurs ont démontré de l’intérêt pour y construire des condos, mais aucune offre ne s’est concrétisée, car la Ville refuse que des constructions s’élèvent sur plus de trois étages, explique-t-il.

L’homme d’affaires refuse également de morceler le terrain, dont la superficie dépasse les 21 000 pieds carrés et qui a des accès sur les rues Saint-Denis, Émery et Sanguinet. « J’ai souvent eu l’occasion de morceler tout ça : le terrain, juste la maison en avant, ou juste la rue Émery. Mais moi, je me dis que je n’ai pas ramassé tout ça ensemble pour rediviser et faire de petites choses. Je veux faire quelque chose d’imposant puisque le terrain le permet. »

Actuellement, le mètre carré est trop cher pour qu’on fixe des prix abordables comme on avait l’habitude avec notre clientèle étudiante, c’est une des raisons principales

 

« J’en fais mon deuil [du bar], mais je ne reste pas là à rien faire. Je pense à développer », explique-t-il avec enthousiasme. Avec une firme d’architectes, il travaille sur un projet qu’il veut présenter à la Ville de Montréal. « Je vais proposer un ensemble résidentiel qui répond aux besoins du milieu. On veut mettre des résidences pour étudiants, comme de petits studios, mais aussi des services de proximité : dépanneur, garderie, petit bistro, des choses comme ça. Je trouve que ce serait une bonne occasion de remettre aux étudiants ce qu’ils ont fait pendant toutes ces années à m’encourager. »

Sur son bureau, un écran diffuse en direct les images de la caméra de sécurité située à l’entrée du Saint-Sulpice. Il sourit en y voyant des journalistes interroger les passants sur la fermeture de l’établissement. Plus tôt dans la journée, il a lu quelques commentaires laissés sous la publication Facebook qu’il a écrite dimanche pour annoncer la fermeture. « Ça me fait plaisir que les gens aient apprécié l’endroit, qu’ils aient eu du plaisir en y venant. [Ça me fait dire que] j’ai réussi. »

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