Archambault ferme son magasin de la rue Berri pour de bon

Le plus ancien magasin du Groupe Archambault, situé depuis 1930 à l’angle des rues Sainte-Catherine Est et Berri, à Montréal, fermera ses portes en juin.
La boutique de musique, de livres et de cadeaux était ouverte dans sa formule actuelle depuis 1972. Archambault, qui vendait au départ des partitions musicales et des instruments de musique, a été fondé en 1896.
Dans un communiqué de presse publié vendredi, l’entreprise montre du doigt « la détérioration croissante des perspectives commerciales dans le secteur de la place Émilie-Gamelin ».
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« Une analyse interne approfondie a révélé que l’évolution du tissu urbain dans le secteur de la place Émilie-Gamelin, conjuguée à l’évolution des habitudes des consommateurs, ne permet plus de rentabiliser l’exploitation commerciale du Archambault Berri, en dépit d’investissements importants réalisés au cours des dernières années », a expliqué Floriane Claveau, directrice des communications du Groupe Archambault, dans un communiqué.
Les chantiers de construction et la mixité urbaine dans le secteur de la ville ont eu des répercussions négatives sur l’achalandage, affirme l’entreprise.
Le secteur ressemble effectivement de plus en plus à un désert commercial, à part pour la Place Dupuis. De nombreux locaux y sont placardés. L’édicule de la station de métro Berri-UQAM est fermé pour travaux. Il y a moins d’étudiants et de travailleurs dans le centre-ville. L’itinérance y semble plus visible que jamais.
« Les clients sont moins à l’aise de se promener dans le quartier quand il y a beaucoup de personnes itinérantes autour », a reconnu Mme Claveau.
Pour le conseiller municipal du district Saint-Jacques, Robert Beaudry, la fermeture du Archambault est une surprise. Le commerce n’avait pas averti la Ville des difficultés auxquelles il faisait face, selon lui.
« C’est un commerce mythique qui fait partie de l’histoire de Montréal. On y est tous allés, j’y allais encore jusqu’à dernièrement », a déclaré celui qui est également responsable de l’urbanisme au comité exécutif.
M. Beaudry dit être conscient des défis de cohabitation dans le quartier. Beaucoup d’efforts sont mis pour revitaliser le secteur et attirer des commerces, dont de l’animation et la piétonnisation, a-t-il affirmé.
« On a démarré une grande séance de concertation dans le Village, lors de laquelle on a traité des enjeux de développement commercial, d’aménagement de rue, d’intervention sociale. On a déployé des équipes d’intervention auprès de cette population [itinérante]. Mais, je le répète, c’est une responsabilité partagée, l’itinérance. C’est un enjeu de santé publique, alors on demande la participation du gouvernement du Québec pour offrir des services adaptés à cette population de façon équilibrée sur le territoire », a souligné l’élu.
Des employés en deuil
Une trentaine de personnes perdent leur emploi en raison de cette fermeture. Plusieurs d’entre elles travaillaient dans la boutique depuis 10, 15 ou 20 ans, selon le président du Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau, section locale 574 (SEPB-574), qui les représente. Dominic Béland, lui-même un travailleur de longue date du Archambault, libéré à temps plein pour ses activités syndicales, était consterné vendredi.
M. Béland se tenait devant le magasin pour épauler « sa gang » peu de temps après qu’elle a appris la nouvelle, le matin même. « Il y a beaucoup de tristesse. Certains s’y attendaient, d’autres non », a-t-il relaté. « Ce ne sont pas juste des jobs qu’on perd. On perd des moments de création de fraternité et d’amitiés », a-t-il ajouté.
Le président du syndicat, qui regroupe environ 2000 employés de divers commerces, estime que « c’est un gros pan de la culture québécoise qui s’en va ».
Plusieurs clients arpentaient vendredi les nombreuses allées remplies de livres, de jeux et d’instruments de musique des immenses locaux de l’emblématique magasin. Marc Normandin est ressorti avec quelques DVD, dont celui de Terminator. « Avant, je venais souvent, mais là, il y a de moins en moins de choix », a lancé celui qui dit aimer les vieux films, aujourd’hui difficiles à trouver en magasin. « Au Archambault des Galeries d’Anjou, il y a presque juste des cossins, comme des jouets et des cadeaux », a-t-il déploré.
« Jadis, on venait très souvent pour acheter des CD, a pour sa part raconté Maurice Lachance. Le monde a changé, les gens n’achètent plus de CD. »
Il y a actuellement 15 succursales Archambault dans l’ensemble du Québec. La chaîne est détenue par le Groupe Renaud-Bray. Floriane Claveau assure que l’entreprise va bien et que d’autres fermetures ne sont pas prévues.
Notons que l’enseigne lumineuse du magasin, considérée comme patrimoniale, restera en place, a confirmé Québecor, qui est propriétaire du bâtiment où elle se trouve.