Le gendarme des marchés fait pâle figure

Des experts juridiques affirment que l’acquittement, jeudi, de trois anciens dirigeants du producteur de cannabis CannTrust devrait inciter la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario à procéder à une « profonde introspection ».
Tijana Martin La Presse canadienne Des experts juridiques affirment que l’acquittement, jeudi, de trois anciens dirigeants du producteur de cannabis CannTrust devrait inciter la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario à procéder à une « profonde introspection ».

Des experts juridiques affirment que l’acquittement, jeudi, de trois anciens dirigeants du producteur de cannabis CannTrust devrait inciter la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) à procéder à une « profonde introspection ».

L’acquittement de l’ancien chef de la direction Peter Aceto, du président, Eric Paul, et du vice-président Mark Litwin est intervenu un jour après que le régulateur a révélé ne plus avoir de perspective raisonnable de condamnation des trois hommes pour des accusations liées à la culture présumée de cannabis sans licence dans une installation de la région de Niagara.

Les trois hommes, qui ont plaidé non coupables en octobre, étaient accusés de fraude et d’avoir autorisé l’accomplissement d’une infraction. MM. Litwin et Paul ont également été accusés de délit d’initié, et MM. Litwin et Aceto, d’avoir fabriqué un faux prospectus et un faux prospectus provisoire.

Doug Sarro, avocat et professeur auxiliaire à l’Université de Toronto, a rappelé que l’affaire très médiatisée impliquant les anciens dirigeants de CannTrust Holdings était censée faire changer la perception de la CVMO selon laquelle elle serait « faible » en ce qui a trait à l’application des règlements. « La CVMO a eu, pendant un certain temps, la réputation d’être faible en matière d’application [des règlements], et ce résultat n’aidera pas », a-t-il affirmé.

Le régulateur, qui n’a pas répondu à une demande de commentaires, a également perdu une affaire de délit d’initié en 2007 contre le géologue en chef de Bre-X Minerals John Felderhof. En 2010, il a réglé une poursuite civile déposée en 1986 au nom des actionnaires de la société immobilière Mascan, après 24 ans de litige.

M. Sarro pense que l’acquittement des ex-dirigeants de CannTrust a renforcé la réputation de la CVMO en matière de défaites judiciaires et devrait l’inciter à se pencher de plus près sur la façon dont elle traite les affaires. « Il s’agissait d’une poursuite très médiatisée, qui était censée vraiment changer cette perception, et il est clair qu’avec ce résultat, la CVMO va devoir faire une introspection », a-t-il affirmé.

La CVMO a refusé de faire des commentaires vendredi, mais a renvoyé La Presse canadienne à une déclaration de jeudi dans laquelle elle affirmait « examiner les implications de la décision [du tribunal] et évaluer ses options ». Plutôt que d’acquitter les accusés, la CVMO avait demandé au tribunal de retirer le dossier, ce qui lui aurait permis de poursuivre à nouveau les accusations contre les hommes. Le juge Victor Giourgas a rejeté la demande de retrait, déclarant aux avocats de la CVMO : « La loi semble être contre vous. »

L’acquittement laisse à la CVMO peu d’options pour aller de l’avant dans cette affaire, mais M. Sarro a souligné que le régulateur pourrait engager une procédure administrative devant le Tribunal des marchés financiers de l’Ontario. Une peine d’emprisonnement ne serait alors pas possible, mais les accusés pourraient se voir interdire d’être d’administrateurs de sociétés ouvertes.

Comme M. Sarro, la professeure de droit Jennifer Quaid, de l’Université d’Ottawa, estime que la prochaine étape pour la CVMO sera très probablement une « séance de profonde introspection » visant la détermination des causes de son faible taux de réussite, en particulier par rapport à celui de la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme des marchés aux États-Unis, qui dispose de plus de ressources.

Le résultat de l’affaire impliquant les anciens dirigeants de CannTrust n’est « pas très flatteur pour la CVMO », a-t-elle affirmé. « Cela n’aidera pas sa réputation, c’est sûr, et je suis à peu près certaine que l’interprétation publique de ce qui s’est passé ne lui sera pas favorable. »

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