L’argent, source d’épineux débats

Illustration: Audrey Malo

Affirmation : On s’en va directement dans une récession, ça va être la catastrophe ! »

Réplique : Il est possible, en effet, qu’on soit bientôt (et peut-être même déjà) en récession. Mais elle devrait faire moins mal que les autres.

La forte hausse des taux d’intérêt par les banques centrales, l’impact de l’invasion de l’Ukraine sur le marché de l’énergie et la situation de la COVID-19 en Chine devraient faire plonger plusieurs pays en récession en 2023, prévoient les experts. Toutefois, toutes les récessions n’ont pas la même ampleur. Celle que les économistes du Mouvement Desjardins entrevoient au Canada, par exemple, serait « courte et modérée ».

Au Québec, cela s’incarnerait par une quasi-stagnation économique (-0,2 %) l’an prochain et une remontée du taux de chômage, d’une moyenne annuelle de 4,3 % à 5,1 %. Le chômage resterait donc loin des sommets atteints lors des terribles crises économiques du début des années 1980 (14,2 %) et 1990 (13,2 %), ou même des récessions de 2003 (9,1 %) et de 2009 (8,6 %).

 


 

Affirmation : C’est la faute des épiceries si les prix des aliments sont si élevés. Ce sont des escrocs ! »

Réplique : Elles ont une responsabilité, mais ce ne sont pas elles qui ont causé la pandémie et envahi l’Ukraine.

C’est indéniable : alors que les prix des aliments ont atteint des sommets et que de nombreuses familles peinent à boucler leur budget, les profits des épiceries, eux, ont presque doublé par rapport à la période prépandémique. Les magasins d’alimentation ont augmenté leurs marges bénéficiaires, qui sont passées en moyenne de 2,2 % à 3,5 %, selon Statistique Canada.

Ces marges sont toutefois encore basses par rapport à la moyenne des industries. Plusieurs grands détaillants, comme Loblaw, avancent aussi que c’est la vente de produits non alimentaires qui gonflent leurs marges.

Il ne faut pas oublier que les coûts ont augmenté à toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement, bouleversée par la pandémie et la guerre en Ukraine. Agriculteurs, transformateurs et grossistes doivent ajuster leurs prix à ceux des engrais, des grains, du carburant, du transport par bateau et des salaires, entre autres choses.


 

Affirmation : La hausse des taux d’intérêt n’est pas si terrible. Dans les années 1980, c’était beaucoup plus élevé ! »

Réplique : Oui, mais les prix des maisons étaient bien moins hauts qu’aujourd’hui.

Il est vrai qu’au début des années 1980, les taux d’intérêt ont oscillé autour de 20 %. En ce moment, les taux sont quatre fois moins élevés, avoisinant 5 %. Mais cela ne signifie pas qu’une hypothèque coûte quatre fois moins cher aujourd’hui, loin de là !

Les prix des propriétés ont énormément augmenté depuis 40 ans… et les revenus des ménages n’ont pas crû autant.

Résultat, lorsqu’on compare : en 1982, les paiements hypothécaires mensuels pour une maison montréalaise moyenne équivalaient à 40 % du revenu médian des ménages. Aujourd’hui, c’est 49 %, rapportaient récemment dans une brève analyse les économistes Alexandra Ducharme et Kyle Dahms, de la Banque Nationale.

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Ce texte est publié via notre section Perspectives.

 


 

Affirmation : Les jeunes d’aujourd’hui ne veulent plus travailler fort »

Réplique : Les philosophes grecs de l’Antiquité disaient la même chose...

La fameuse perception selon laquelle les jeunes sont paresseux est en vogue depuis la nuit des temps. Mais elle passe difficilement l’épreuve des faits.

Avec la pénurie de main-d’oeuvre, les jeunes d’aujourd’hui peuvent être plus exigeants envers leur employeur pour avoir de meilleures conditions de travail. Mais si on regarde les chiffres de Statistique Canada, on constate que le taux d’emploi chez les jeunes de 15 à 24 ans a augmenté depuis 2000 au Québec, passant de 52,6 % à 61,9 % en 2021. Chez les 25 à 44 ans, la proportion de personnes occupant un emploi était de 78,6 % en 2000 et de 84,5 % en 2021.

Le nombre d’heures travaillées a diminué chez les 15 à 24 ans, mais est resté plutôt stable chez les 25 à 44 ans. Soulignons au passage que de plus en plus d’études démontrent que travailler moins d’heures par semaine a des effets bénéfiques sur la productivité.

 


 

Affirmation : Les gouvernements se sont endettés jusqu’au cou avec les aides pandémiques ! Ils ont complètement perdu le contrôle des finances publiques. »

Réplique : C’est vrai que la pandémie a coûté cher, mais les gouvernements pouvaient difficilement faire autrement. Et on est loin d’être revenus aux déficits d’antan.

Les gouvernements n’ont pas hésité à déployer des mesures massives pour venir en aide aux Canadiens aux prises avec une économie mise sur pause pour freiner la COVID-19. Ces mesures (alliées au ralentissement économique) ont fait exploser leurs déficits, mais ont ensuite permis une reprise vigoureuse.

Les déficits et la dette de l’ensemble des administrations publiques au Canada devraient ainsi avoir été, cette année, les plus faibles parmi les pays du G7 en proportion de la taille des économies. À elle seule, leur dette nette s’élève à un peu plus de 30 % du produit intérieur brut, contre 48 % en Allemagne, 75 % au Royaume-Uni et 95 % aux États-Unis.

On est loin des sommets d’endettement du milieu des années 1990, lorsque cette proportion était près de 68 % au Canada.

 


 

Affirmation : Tu devrais investir dans le bitcoin maintenant que sa valeur est très basse »

Réplique : À vos risques et périls !

Les cryptomonnaies sont des actifs extrêmement volatils. C’est l’équivalent de miser son argent au casino. Certains chanceux ont encaissé de gros gains financiers en investissant durant la pandémie dans le bitcoin, l’ethereum et le dogecoin — la fameuse cryptomonnaie chouchou d’Elon Musk. Mais c’est loin d’être le cas de tous les investisseurs.

Par exemple, depuis un an, le bitcoin a perdu 70 % de sa valeur. Cela veut dire que, si vous aviez investi 1000 $ dans cette cryptomonnaie il y a un an, votre portefeuille vaudrait aujourd’hui 300 .

Bref, nul ne peut prédire ce qu’il se passera avec ce type d’actifs dans les prochaines années. Mais si vous êtes un investisseur un tantinet prudent, mieux vaut vous tourner vers des options plus traditionnelles.



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