L’ex-patron de FTX inculpé pour fraude

M. Bankman-Fried est accusé d’avoir utilisé l’argent déposé par les clients souhaitant spéculer sur les cryptomonnaies pour financer l’activité de sa société.
Photo: Saul Loeb Associated Press M. Bankman-Fried est accusé d’avoir utilisé l’argent déposé par les clients souhaitant spéculer sur les cryptomonnaies pour financer l’activité de sa société.

Sam Bankman-Fried, ex-étoile montante des cryptomonnaies avec sa plateforme FTX et sa société Alameda, a été inculpé mardi par la justice américaine pour avoir escroqué ses clients et ses investisseurs.

Arrêté lundi soir à la demande des États-Unis aux Bahamas, où il réside, le trentenaire a été présenté à une magistrate de l’archipel, qui a décidé de le maintenir en détention.

Vêtu d’un costume bleu et sans menottes, il a fait savoir lors de l’audience, dans un tribunal de Nassau, qu’il pourrait s’opposer à son extradition vers les États-Unis, ont rapporté les médias locaux.

Il est poursuivi pour huit chefs d’accusation, dont fraude par voie électronique, blanchiment d’argent et violation des lois électorales, selon l’acte dévoilé par le procureur fédéral de New York.

Également poursuivi par les régulateurs des marchés financiers, il comparaissait mardi devant un juge des Bahamas, selon des médias locaux.

M. Bankman-Fried est accusé d’avoir, dès les débuts de FTX en 2019, utilisé l’argent déposé par les clients souhaitant spéculer sur les cryptomonnaies pour financer l’activité — et les paris risqués — de sa société de courtage et d’investissement Alameda.

Il lui est aussi reproché d’avoir menti aux investisseurs prêtant de l’argent à Alameda sur la santé financière réelle de l’entreprise.

Il a enfin utilisé de l’argent « volé » à ses clients pour verser des dizaines de millions de dollars à des responsables politiques, démocrates comme républicains, et ainsi tenter « d’acheter de l’influence » à Washington, a accusé le procureur fédéral de New York, Damian Williams, lors d’une conférence de presse.

Il a « construit un château de cartes fondé sur la tromperie », a affirmé dans un communiqué le président de l’autorité chargée de réguler Wall Street, la Securities and Exchange Commission (SEC), Gary Gensler.

Le gendarme boursier reproche à l’accusé d’avoir menti aux investisseurs, auprès desquels il a levé plus de 1,8 milliard $US pour FTX, sur les liens entre les deux compagnies et d’avoir utilisé l’argent de ses clients pour faire « des investissements risqués, des achats immobiliers somptueux et des dons politiques importants ».

S’il est condamné pour fraude, il pourrait passer le reste de sa vie en prison, étant donné le montant

 

L’agence américaine responsable des produits dérivés (CFTC) a aussi déposé une plainte accusant l’entrepreneur de fraude et de fausses déclarations.

Les États-Unis « vont probablement demander son extradition », a expliqué le procureur général des Bahamas, Ryan Pinder, dans un communiqué relayé sur Twitter. Les Bahamas mènent leur propre enquête criminelle sur l’effondrement de FTX.

« M. Bankman-Fried examine les accusations avec son équipe juridique et étudie toutes ses options juridiques », a indiqué son avocat aux États-Unis, Mark Cohen, dans un communiqué.

« Défaillance totale »

La plateforme était pourtant valorisée à 32 milliards $US en début d’année.

« SBF », comme il se fait surnommer, avait recruté de nombreuses célébrités pour en faire la promotion et rencontrait régulièrement les régulateurs à Washington.

Mais début novembre, des doutes ont commencé à apparaître sur les liens entre FTX et Alameda, et de nombreux clients ont cherché à récupérer leur argent. N’étant soudainement plus en mesure de reverser à ses clients l’argent qu’ils y avaient déposé, le groupe a annoncé son dépôt de bilan le 11 novembre.

L’écroulement de FTX a fait trébucher plusieurs entreprises du secteur des cryptomonnaies et poussé de nombreux responsables à appeler à une réglementation accrue.

Aux États-Unis, « s’il est condamné pour fraude, il pourrait passer le reste de sa vie en prison, étant donné le montant », estime Jacob Frenkel, du cabinet Dickinson Wright.

« Il n’y aurait pas d’acte d’accusation si les procureurs n’étaient pas absolument convaincus qu’ils vont obtenir une condamnation », a ajouté ce spécialiste des enquêtes fédérales, qui a travaillé pour la SEC.

Sam Bankman-Fried était censé s’exprimer mardi devant une commission parlementaire de la Chambre des représentants, tout comme John Ray, le nouveau patron de FTX.

Les ex-dirigeants de la plateforme en faillite ont fait preuve d’une « défaillance complète » à tous les niveaux de contrôle, a affirmé ce dernier au Congrès en déplorant notamment « l’absence totale » de comptabilité ou de conseil d’administration indépendant pour une entreprise qui brassait des milliards de dollars.

À première vue, « l’effondrement du groupe FTX semble résulter de la concentration absolue du contrôle entre les mains d’un très petit groupe d’individus grossièrement inexpérimentés et pas très calés », a estimé le responsable.

Malgré la gravité des accusations pesant sur lui, l’ancienne star des cryptos, avec une fortune un temps estimé à 25 milliards $US, avait pourtant choisi de multiplier les entrevues et les prises de parole sur Twitter ces dernières semaines.

Diplômé du Massachusetts Institute of Technology, fils de professeurs de droit à l’Université Stanford, il était parvenu à légitimer les cryptomonnaies auprès du grand public et de la classe politique.

Mais son air contrit et son ton hésitant lors de ses récentes interventions offrent un contraste saisissant avec l’image rassurante qu’il s’était forgée ces dernières années.

« C’était une stratégie très risquée », remarque Jacob Frenkel. Finalement, c’est « comme s’il avait admis qu’il s’est comporté de façon criminelle ».

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