Ces éoliennes qui pousseront dans le «jardin des Québécois»

Le parc éolien Pierre-De Saurel, dans la région rurale de Yamaska.
Photo: Olivier Zuida Le Devoir Le parc éolien Pierre-De Saurel, dans la région rurale de Yamaska.

Alors qu’Hydro-Québec augmentera considérablement la puissance provenant de la filière éolienne pour répondre à la hausse de la demande d’électricité, les promoteurs de parcs éoliens devront dans les prochaines années rassurer le milieu agricole pour s’installer dans le jardin des Québécois.

« Lorsqu’une éolienne est installée sur une terre agricole, c’est environ un hectare qui disparaît. Évidemment, ça dépend de chaque projet et de chaque éolienne, mais c’est l’estimation générale qu’on fait », dit Daniel Habel, président de l’Union des producteurs agricoles (UPA) pour le Centre-du-Québec.

Affirmant être « bien conscient que ces projets ont une connotation verte » et que le Québec devra augmenter sa capacité de production dans les prochaines années, il ajoute : « On ne se fera pas de cachette. Le développement de ces projets-là, dans l’éolien, ça se fait en rivalité avec l’agriculture. »

Tout d’abord, il y a les effets temporaires lors de la construction, auxquels s’ajoute, sur le long terme, la mise en place de voies de passage vers les éoliennes et d’un espace de sécurité au pied des tours. Chaque éolienne prise séparément, l’impact peut paraître négligeable, dit M. Habel, qui précise que lorsqu’elles sont « mises ensemble, alignées, la superficie grugée devient importante ».

Dans le Centre-du-Québec, le défi de la cohabitation s’impose, alors que Boralex veut construire un parc éolien d’une puissance qui oscillerait entre 200 MW et 400 MW. Ce dernier pourrait comprendre jusqu’à 67 éoliennes.

Trois tours servant à mesurer la force des vents seront installées dans les prochaines semaines. « Ça va nous permettre de raffiner notre connaissance du vent sur le terrain », explique Jordan Longchamps, responsable des affaires publiques et communications chez Boralex. L’entreprise de Kingsey Falls veut participer à un des prochains appels d’offres d’Hydro-Québec.

Conscient du défi de cohabitation avec le milieu agricole, il ajoute : « La puissance du projet n’est pas encore arrêtée, parce que ça va dépendre de l’évolution du projet et de ce qui va ressortir des discussions avec la communauté. On a eu une séance d’information cette semaine. »

Boralex affirme entrer en contact avec l’UPA dès le départ. « C’est elle qui connaît le milieu agricole et les agriculteurs. Et aussi, on parle avec chaque agriculteur et chaque propriétaire terrien qui est dans la zone de projet », indique Jordan Longchamps.

Pourquoi ne pas privilégier une région montagneuse au fort potentiel éolien ? « La première chose qu’on regarde, c’est le potentiel du vent. La deuxième chose, c’est la façon dont on peut s’intégrer au réseau d’Hydro-Québec. C’est un des avantages du projet d’Arthabaska [dans le Centre-du-Québec], qu’il y ait une ligne qui passe là. »

Appels d’offres

Les défis de cohabitation ne feront que croître au fil des ans, car Hydro-Québec doit augmenter substantiellement sa capacité de production d’électricité verte. Deux appels d’offres — 300 MW d’énergie éolienne et 480 MW d’énergies renouvelables — sont en cours. Dans les prochains jours, deux autres appels d’offres seront lancés pour l’acquisition de nouveaux approvisionnements : 1000 MW d’éolien et 1300 MW provenant de sources renouvelables.

« D’autres sont à prévoir au cours des prochaines années pour satisfaire l’ensemble des besoins prévus du Québec » au cours de la décennie, avance Hydro-Québec dans son Plan d’approvisionnement publié en novembre. La société d’État compte d’ailleurs élaborer d’ici 2026, avec des partenaires, un ensemble de projets éoliens totalisant 3000 MW supplémentaires.

67
C’est le nombre d’éoliennes que pourrait comprendre le parc du projet de Boralex dans le Centre-du-Québec

« Il y a un signal général [de la part d’Hydro-Québec] selon lequel il pourrait y avoir d’autres appels d’offres, sans qu’il y ait d’échéancier précis ni la quantité de mégawatts demandée. En tant qu’entreprise qui fait du développement, chez Boralex, on regarde ce qu’il est possible de réaliser un peu partout au Québec », dit M. Longchamps.

C’est dans ce contexte, selon Daniel Habel, que le gouvernement du Québec doit prendre « une certaine part de responsabilité » pour assurer une bonne cohabitation des différentes industries : « Est-ce qu’on vient installer ça en plein milieu du garde-manger des Québécois en même temps qu’on soutient le message voulant que l’autonomie alimentaire soit d’une extrême importance ? »

« Parce que peu importe le projet, s’il est en zone agricole, ça finit par avoir un impact sur le territoire. Nous, on a la responsabilité, confiée par le législateur, de protéger le jardin des Québécois », dit M. Habel.

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