Une aide de la Caisse à Teralys qui arrive à point

La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) va ajouter 40 millions de dollars dans le fonds d’amorçage montréalais Teralys, trois ans après lui avoir confié 50 millions. L’afflux de nouveaux capitaux tombe à point pour ce « fonds de fonds », l’entrepreneuriat québécois n’ayant jamais été aussi dynamique malgré les nuages qui s’accumulent à l’horizon dans le secteur du capital-risque.
L’économie mondiale sort d’une crise pour mieux entrer dans la suivante. La COVID-19 laisse place à une récession anticipée qui refroidit les investisseurs. Ceux-ci sont moins généreux envers les nouvelles entreprises technologiques, souvent le premier secteur d’investissement à payer le prix d’une économie au ralenti et de taux d’intérêt élevés. Ça ne devrait pas trop paraître d’ici Noël, mais 2023 et peut-être même 2024 devraient être un peu plus difficiles pour les entrepreneurs et les jeunes pousses, prévient le fondateur et associé principal de Teralys Capital, Jacques Bernier.
« Plusieurs petites entreprises se bousculent maintenant pour avoir du capital, avant que ce soit plus difficile encore, dit M. Bernier au Devoir. L’année en cours devrait bien se terminer, mais les deux prochaines s’annoncent plus complexes. »
Jacques Bernier ne s’inquiète pas pour autant. Teralys Capital a vu le jour à la fin de la crise financière de 2008-2009. Il a aussi connu la crise techno de l’an 2000. Il reconnaît certaines similitudes entre les trois époques… et, selon lui, au moins deux d’entre elles sont de bon augure.
La première : c’est sous une plus grande pression que se forment les plus beaux joyaux. « Les crises sont des moments où on voit apparaître de superbes entreprises. Il y a plus de compétition pour moins de capital. Ça laisse moins de place pour ces entreprises qui vont vendre de la nourriture pour chiens sur Internet, comme on en a vu dans les années 2000. »
La seconde : ce sont souvent ceux qui ont fraîchement perdu leur boulot durant une contraction économique qui décident de se lancer en affaires. L’adage dans les technos dit que les gens ne sont jamais sans emploi. Ils sont entrepreneurs…
Le Québec, d’IBM à Hopper
La Caisse de dépôt a un double mandat : générer du rendement et aider l’économie québécoise à croître. Son investissement dans Teralys répond à la seconde directive sans trop pénaliser la première. Un « fonds de fonds » investit dans des fonds plus modestes, mais également plus ciblés. Le risque est mieux réparti. D’ailleurs, Teralys dit pouvoir fonctionner sans argent public, même si l’aide de la Caisse rassure des investisseurs privés.
La Caisse espère ainsi détecter très tôt les grandes entreprises de demain, dit la première vice-présidente et cheffe pour le Québec de la CDPQ, Kim Thomassin. « Nous aidons des entreprises innovantes qui ne sont pas au stade où nous pouvons investir directement », dit-elle.
Des entreprises comme la montréalaise Hopper, qui est devenue ces dernières années un géant mondial du voyage et du tourisme grâce à une plateforme logicielle qui comprend un comparateur de prix, des services d’assurance et des forfaits vacances prisés des consommateurs. Hopper — qui vaudrait aujourd’hui au-delà de 5 milliards $US — a d’abord été financée, dès 2012, par le fonds Brightspark Capital, lui-même soutenu par Teralys, avant de recevoir une aide directe de la Caisse en 2016.
La décennie en cours verra-t-elle naître le prochain Hopper ? Les chances sont peut-être meilleures qu’au cours des 20 dernières années, dit Jacques Bernier. Les statistiques à ce sujet tendent à démontrer que les jeunes Québécois n’ont jamais été aussi nombreux à vouloir se lancer en affaires.
L’École de gestion de l’Université du Québec à Trois-Rivières constatait au début novembre que l’activité entrepreneuriale québécoise n’a jamais été aussi dynamique. Le Québec observe ces jours-ci un taux record d’entrepreneurs émergents, passant de 9,5 % en 2013 à 17,6 % en 2021.
C’est un changement culturel énorme entre 2002 et 2022, observe Jacques Bernier. « Avant, les parents disaient à leurs jeunes d’aller travailler chez IBM. C’est moins le cas. On a vu un changement de culture depuis 15 ans. Il y a eu beaucoup d’efforts au Québec pour promouvoir l’entrepreneuriat, on voit l’effet aujourd’hui. »
C’est de bon augure pour Teralys, qui, en plus des 90 millions de dollars reçus de la Caisse depuis 2019, aura droit à une partie de la cagnotte de 350 millions remise à quatre fonds canadiens par le gouvernement fédéral dans le cadre de son Initiative de catalyse du capital-risque. Le montant exact reste à être connu, mais il devrait permettre à Teralys d’être très actif dans ses secteurs cibles : les technologies de l’information, la transition énergétique, les sciences de la vie et la diversité.