Énergir rate la cible de 1% de GNR dans son réseau

N’arrivant pas à injecter assez de gaz naturel renouvelable (GNR) dans son réseau, Énergir rate le seuil réglementaire qui établit à 1 % la part de gaz consommé que doit représenter le GNR, a constaté Le Devoir. Pour sa part, Gazifère atteint cette cible de peine et de misère en achetant à fort prix les précieuses molécules.
Des documents déposés à la Régie de l’énergie détaillent les difficultés d’Énergir à s’approvisionner en gaz naturel renouvelable, issu de la décomposition de matières organiques. L’entreprise y déclare qu’en début d’année, elle « était confiante d’atteindre ou de se rapprocher de la cible réglementaire ». Celle-ci est établie à 60,21 Mm3, ce qui représente 1 % du volume total de gaz injecté dans le réseau.
Or, « au cours des derniers mois », le plus important distributeur québécois concède avoir « constaté des écarts importants entre sa projection et les volumes réellement livrés ». L’ancien Gaz Métro a donc dû revoir à la baisse la place du GNR dans son réseau.
Les neuf contrats d’approvisionnement de GNR signés par Énergir auront permis d’injecter 38,671 Mm3, ce qui ne représente que 64 % du volume réglementaire requis pour 2022. Plus simplement, le GNR ne représenterait, à l’heure actuelle, que 0,6 % de l’ensemble des molécules transportées dans le réseau.
Qui plus est, les clients ne se sont pas bousculés aux portes d’Énergir pour s’en faire livrer. Le volume de GNR livré ne représente dans les faits que 44 % du volume exigé, selon les données du distributeur. Rappelons que Le Devoir avait déjà constaté les difficultés du distributeur à trouver des preneurs pour du GNR, ce printemps.
Un échec ? « Pas du tout ! Dans les faits, bien que le pourcentage n’ait pas été atteint, un total de 1,2 % des volumes est déjà sécurisé pour l’année 2022-2023 [qui débutait en octobre] », répond une porte-parole d’Énergir par courriel. D’ici octobre 2024, l’entreprise estime que les volumes distribués totaliseront 142 Mm3, soit 2,4 % des volumes, et qu’elle atteindra 5 % des volumes l’année suivante.
On travaille à être capables de mettre en place un système qui va être fonctionnel sur le long terme et qui va nous assurer les volumes [de GNR] à des prix qui sont raisonnables
« Les volumes proviendront, d’une part, de certains projets québécois actuellement en développement ou en construction et, d’autre part, de volumes contractualisés par appel d’offres l’an dernier, actuellement en attente d’approbation de la Régie », déclare-t-on, rappelant que la filière québécoise du GNR est « nouvelle et en émergence ».
« On garde en tête que les projets de GNR ont un cycle de développement et de construction qui peut s’étendre de 2 à 5 ans, selon les projets. […] Ce n’est donc pas en claquant des doigts qu’on peut augmenter les volumes GNR dans le réseau », ajoute-t-on.
En ce qui a trait à la demande, Énergir dit observer un intérêt croissant : « Il faut tout d’abord comprendre que nous avons commencé la commercialisation du GNR en mai dernier. Préalablement, nous tenions à nous bâtir un inventaire avant de pouvoir l’offrir à nos clients. »
Les marchés à court terme pour Gazifère
Gazifère aura, pour sa part, réussi de peine et de misère à atteindre l’objectif de 1 %. La réalisation d’un important projet devant alimenter en GNR son réseau a été retardée, explique Jean-Benoit Trahan, président du distributeur dont le réseau de 1000 kilomètres dessert plus de 43 000 clients en Outaouais.
« Le producteur aurait dû commencer à livrer cette année, mais il y a eu des délais dans la mise en production à cause de problèmes dans la chaîne d’approvisionnement et de l’arrivée de certaines pièces. Il aurait dû commencer à produire vers la fin 2022, mais c’est repoussé en 2023 », dit-il.
Résultat : le distributeur — qui appartient à l’Albertaine Enbridge — a dû se tourner vers les marchés à court terme, en achetant du GNR de la Californie. Or, sur les marchés à court terme, les prix sont plus élevés ; ils ont en fait presque doublé depuis 2020. « On a eu des propositions qui allaient entre 30 dollars et 60 dollars le gigajoule », raconte-t-il. À titre comparatif, le prix du gaz naturel traditionnel gravite autour de8dollars.
« Mais si les marchés à court terme sont plus chers, ils permettent à Gazifère de ne pas signer de contrats qui seraient [sur le plan des prix] déraisonnables, simplement pour atteindre les objectifs », ajoute-t-il.
D’autant plus que Gazifère a un contrat à long terme avec un producteur qui devrait lui permettre d’assurer son approvisionnement d’ici quelques mois : « On travaille à être capables de mettre en place un système qui va être fonctionnel sur le long terme et qui va nous assurer les volumes [de GNR] à des prix qui sont raisonnables. D’ici là, ce qu’on fait, c’est qu’on utilise les marchés à court terme pour pallier la demande. »
Depuis 2019, le Règlement concernant la quantité de gaz naturels renouvelable devant être livrée par un distributeur exige des distributeurs de gaz de livrer 5 % de leurs volumes en GNR pour l’année financière commençant en octobre 2025, et 10 % pour l’année financière commençant en octobre 2030. À l’automne 2020, le gouvernement de François Legault réitérait sa volonté d’atteindre ses objectifs dans son Plan pour une économie verte.