Trois entreprises au fort impact social nées à McGill
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Philanthropie
Plusieurs entreprises ont vu le jour au coeur de l’Université McGill grâce à la philanthropie. Portrait de trois d’entre elles.
HisTurn, ou comment mieux orienter les couples infertiles
Une jeune pousse propose une avenue novatrice pour mieux détecter l’infertilité masculine grâce à l’examen génétique du sperme.
Ce qu’on utilise aujourd’hui pour diagnostiquer l’infertilité chez un homme n’a pas changé depuis 50 ans et est « extrêmement basique », explique Sarah Kimmins, cofondatrice de l’entreprise en démarrage et professeure agrégée en biologie de la reproduction à l’Université McGill. Une méthode qui est encore employée dans les cliniques à l’heure actuelle et qui consiste en un spermogramme. Cette méthode évalue notamment le nombre de spermatozoïdes, leur morphologie et leur mobilité.

Ce procédé permet de détecter certains cas d’infertilité, « mais dans de nombreux autres, il n’est pas suffisant pour établir un diagnostic », ajoute Mme Kimmins. Les hommes se retrouvent donc avec une infertilité dont la cause n’est pas connue. Actuellement, près d’un couple sur six est touché par un problème d’infertilité au pays, selon l’Agence de la santé publique du Canada, un nombre qui a doublé depuis les années 1980.
Sarah Kimmins et son équipe ont d’abord mené des recherches sur des souris et sur l’épigénome de leur sperme. Il s’agit d’informations héréditaires qui sont transmises à l’embryon lors de la fécondation et qui peuvent en altérer le développement, explique la professeure.
« Nous avons observé que cet épigénome était sensible à des choses comme l’obésité et la nutrition. Si vous avez une mauvaise alimentation, cela modifie l’épigénome du sperme », résume la chercheuse. Son équipe a ensuite examiné du sperme humain pour constater que l’épigénome présentait des altérations similaires.
Alléger le fardeau des femmes
Grâce à ses recherches, HisTurn aimerait aider les couples en allégeant notamment le fardeau imposé à la femme en matière d’infertilité. « Il y a très peu d’options de traitement disponibles pour les hommes. Même si un homme est stérile, c’est la femme qui finit par être traitée », explique Mme Kimmins, qui ajoute qu’il s’agit d’un processus « très difficile », qui a des conséquences tant sur le plan émotionnel que sur le plan de la santé.
L’équipe de chercheurs a bénéficié du Fonds d’innovation de McGill pour l’aider à démarrer en affaires, mais d’ici les prochaines semaines, HisTurn sera incorporée et s’affairera à trouver du financement en vue de commercialiser sa découverte.
En travaillant avec une industrie partenaire, HisTurn vise à proposer une meilleure voie de traitement clinique afin de faire économiser temps et argent aux couples infertiles. « C’est une question de quelques années, dit Sarah Kimmins. Nous voulons vraiment améliorer le traitement de l’infertilité et diminuer le fardeau imposé à la femme. »
PhysioBiometrics : un capteur pour soutenir la mobilité des aînés
L’entreprise a développé un dispositif qui aide les personnes âgées à continuer de s’entraîner sans avoir besoin d’assistance.
Beaucoup d’aînés ne marchent pas assez bien pour profiter des bienfaits de cette activité sur leur santé, explique la présidente et cofondatrice de PhysioBiometrics, Nancy Mayo. Elle ajoute que le fait de ne pas marcher suffisamment augmente les risques de chute.

Celle qui a longtemps travaillé comme physiothérapeute en clinique se souvient de ses années de pratique, durant lesquelles elle épaulait les personnes âgées en rééducation. « On donne beaucoup d’instructions verbales aux gens sur la façon de bien marcher. Mais une fois que le professionnel de la santé arrête de fournir cette rétroaction, le patient ne peut plus poursuivre l’activité et il revient à son rythme habituel. Cela peut être dangereux, fatigant, et ce n’est généralement pas très agréable », souligne Mme Mayo.
Il y a une dizaine d’années, elle a donc cherché un moyen de pouvoir continuer à aider les personnes âgées dans leur mobilité même en son absence. C’est ainsi qu’est né le capteur Heel2Toe, qui se fixe à la chaussure du patient et qui émet un signal sonore chaque fois qu’un pas est bien exécuté.
Une entreprise viable
La chercheuse et professeure à l’École de physiothérapie et d’ergothérapie de l’Université McGill ne possédait aucune expérience en entrepreneuriat. « À l’université, tout le travail qu’on fait ne se rend pas vraiment au grand public. Nous rédigeons des articles scientifiques, mais cela ne profite à personne si j’écris un papier sur un sujet. Cela [le travail exécuté] doit exister en tant que produit, un produit fabriqué et rendu disponible aux gens », souligne la chercheuse-entrepreneuse.
C’est alors qu’elle a pris connaissance de plusieurs initiatives visant à soutenir les entreprises en démarrage. Depuis, grâce à son capteur, PhysioBiometrics a cumulé les honneurs, remportant la coupe Dobson consacrée aux sciences médicales en 2020 et une bourse de 100 000 $ du Fonds d’innovation de McGill deux ans plus tard.
Aujourd’hui, PhysioBiometrics est une entreprise viable comptant plusieurs clients, dont l’organisme Parkinson Québec. « Il nous a embauchés pour fournir 100 capteurs », précise Nancy Mayo.
L’entreprise veut également implanter un projet de mobilité dans les résidences pour personnes âgées. En plus du capteur, le programme WalkBest de PhysioBiometrics comprend une série d’ateliers afin d’épauler les aînés dans leurs activités de marche. « Il y a un guide de travail, une application qui est en développement. Nous avons des plateformes d’exercices, un circuit d’entraînement », énumère la chercheuse.
Le dispositif aide également d’autres scientifiques dans leurs collectes de données sur la marche auprès des personnes souffrant de problèmes de santé.
CarbiCrete : du béton négatif en dioxyde de carbone
C’est ce qu’a réussi à produire cette entreprise, en remplaçant le ciment par des sous-produits industriels.
Le béton est traditionnellement composé de ciment, d’agrégats et d’eau. Dans celui fabriqué par CarbiCrete, le ciment a été substitué par des scories d’acier. « C’est un sous-produit de l’industrie sidérurgique qui n’a pas une grande valeur », explique Chris Stern, président-directeur général et cofondateur de CarbiCrete. Il ajoute que les aciéries doivent généralement payer pour s’en débarrasser.

On mélange ensuite les scories d’acier avec du sable et de l’eau pour en faire des blocs. Le béton est alors durci dans une chambre d’absorption spéciale, où on y injecte du CO₂, pour atteindre sa pleine résistance 24 heures plus tard.
L’absence de ciment rend donc nulles les émissions de CO₂ qui y sont associées. « On met le CO₂ dans le mélange après. C’est pour ça que c’est négatif en carbone », ajoute M. Stern.
Sur son site Web, l’entreprise affirme que ses blocs de construction possèdent une durabilité équivalente ou supérieure à ceux qui ont une base en ciment. Leur résistance à la compression serait jusqu’à 30 % supérieure et ils réagiraient mieux au cycle gel-dégel.
Utiliser de tels blocs en construction permettrait-il au Québec d’alléger son bilan en matière de carbone ? Tout à fait, croit M. Stern. « Parce que le processus absorbe plus de CO₂ qu’il n’en génère », explique-t-il. En 2020, le secteur de la construction et de la rénovation avait à lui seul engendré 37 % des émissions anthropiques mondiales de CO₂ liées à l’énergie, dont 10 % causées par la fabrication des matériaux de construction. Quant à la production du ciment, elle est responsable de 7 % des émissions mondiales de CO₂, selon l’Association mondiale du ciment et du béton (GCCA).
Une ambition mondiale
C’est le partenaire d’affaires de M. Stern, Mehrdad Mahoutian, qui a inventé le procédé pour faire du béton négatif en CO₂, après avoir entamé un doctorat en 2012 à l’Université McGill. L’établissement a d’ailleurs permis à CarbiCrete d’utiliser ses laboratoires pour faire de la recherche.
Quatre ans plus tard, les deux hommes ont uni leurs forces pour fonder CarbiCrete. Aujourd’hui, leur entreprise emploie 40 personnes dans un local de 10 000 pieds carrés situé dans l’arrondissement de Lachine, à Montréal. Mais sa croissance ne s’arrête pas là. D’ici la fin de l’année, le siège social et les installations en matière de recherche et de développement de l’entreprise verront leur taille augmenter à 16 000 pieds carrés.
CarbiCrete a également établi un partenariat avec l’entreprise drummondvilloise Patio Drummond afin de mettre sur pied un projet pilote. « On a commencé la deuxième phase. À la fin, on pourra faire plus de 20 000 blocs par jour », prévoit M. Stern.
Aujourd’hui, l’entreprise développe ses activités ailleurs au Canada, mais aussi en Europe. Outre-Atlantique, CarbiCrete travaille avec des sociétés en France et au Royaume-Uni afin de convertir leurs usines à leur procédé de béton négatif en CO₂. « Nous avons des ambitions mondiales de mettre notre technologie sur le marché. »
Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.