Silence assourdissant dans les boutiques de ski
Après l’achalandage record et les pénuries des deux dernières années, c’est le calme plat dans les magasins de sports d’hiver de la grande région de Montréal.
Le plafond du Ski Shop Rive-Sud est « le paradis des skis ». « Quand ils meurent, c’est là qu’ils montent », lance le cogérant Jonathan Dubreuil en désignant les cieux intérieurs de l’endroit, tapissés d’équipement sportif désuet.
Les allées de la boutique spécialisée d’environ 700 mètres carrés sont garnies d’un grand nombre de skis et de planches à neige de tailles et de modèles variés. Des manteaux et des tuques de toutes les couleurs s’entassent sur les rayons. Mais les clients, eux, se font désirer pour l’instant.
« Cette section, c’est le ski de fond. Dans les deux dernières années, à ce temps-ci, c’était vide. On avait de la difficulté à recevoir des stocks. On la remplissait un peu, et ça se vidait tout de suite. Là, ça s’est rempli et ça commence un peu à se vendre », explique M. Dubreuil, un grand adepte de planche à neige.
Le Ski Shop Rive-Sud note une baisse de 15 % à 20 % des ventes par rapport aux deux dernières saisons. Plusieurs autres boutiques ont aussi confirmé au Devoir des réductions notables.
Il faut dire que les deux dernières années ont été exceptionnelles pour le ski. Alors que les commandes des fournisseurs tardaient à arriver, la clientèle voulait plus que jamais s’équiper pour le plein air. « À ce temps-ci de l’année, il y avait une file d’attente d’une heure dehors et d’une heure dans la boutique, raconte M. Dubreuil en regardant sa boutique désertée. Ce n’était agréable pour personne. Cette année, c’est plus gérable. Les clients ont une meilleure expérience en boutique. »
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À La Cordée, les ventes plus faibles de matériel hivernal sont compensées par celles d’autres catégories de produits, comme les vélos et l’équipement d’escalade, dont la saison s’étire. Son président, Cédric Morisset, se réjouit d’avoir plus de choix en stock. « L’an passé, quelqu’un qui voulait des skis de fond devait prendre ceux qu’il y avait sur le mur. Maintenant, nos conseillers peuvent lui dire ce qui est le mieux pour ses besoins », a-t-il souligné.
La présidente de la boutique Ski Town de Brossard, Brigitte Trottier, note d’ailleurs que même si l’achalandage est moins élevé que l’an dernier, il demeure tout de même beaucoup plus grand qu’avant la pandémie.
Chaleur et inflation
Le recul s’expliquerait en partie par la météo clémente et ensoleillée de cet automne. « Les gens profitent du beau temps, ils vont marcher en montagne, et nous, on passe en dernier. Ils vont arriver chez nous dans trois semaines, en même temps que la neige — à la dernière minute, comme pour le changement de pneus », prévoit Mme Trottier.
Par ailleurs, certains amateurs de plein air ont déjà fait le plein de matériel dans les deux dernières années. La hausse du coût de la vie peut aussi freiner des clients potentiels, croit le gérant du magasin Oberson de Laval, Jean-Julien Perreault. « Les gens dépensent moins facilement qu’au début de la pandémie. Ils regardent plus les prix. »
La plupart des problèmes d’approvisionnement sont réglés, selon les responsables de nombreuses boutiques qui ont renfloué leurs stocks en se basant sur leurs ventes de l’an dernier. Ils craignent maintenant de se retrouver avec des surplus ; des rabais pourraient donc être de retour à plusieurs endroits.
« Au Black Friday, il y aura de gros rabais qu’il n’y avait pas l’an dernier », affirme Mme Trottier. Cette dernière note par ailleurs que les prix des skis et des bottes, qui doivent suivre les suggestions des fabricants, ont augmenté de 10 % à 15 % cette année ; elle s’attend à de nouvelles hausses l’an prochain.
Les stations de ski, de leur côté, constatent un léger retard dans les abonnements saisonniers. « Difficile de dire si c’est un retour à la normale prépandémique ou si ce sont les températures élevées qui nous parlent », indique toutefois Josée Cusson, directrice des communications et du marketing à l’Association des stations de ski du Québec.
Tout comme les propriétaires de boutiques d’articles de sport, les responsables des stations de ski se disent par contre reconnaissants d’avoir pu profiter d’un engouement persistant pour les activités de plein air lors de la pandémie.