Vers une fusion Shaw-Rogers gagnante pour les consommateurs

Vidéotron pourrait mettre la main sur Freedom Mobile, la division sans-fil de Shaw, dans le cadre de l’acquisition de cette dernière par Rogers.
Photo: Nathan Denette La Presse canadienne Vidéotron pourrait mettre la main sur Freedom Mobile, la division sans-fil de Shaw, dans le cadre de l’acquisition de cette dernière par Rogers.

Habitués ces dernières années à voir les autorités réglementaires prendre le parti de l’industrie au détriment de leur portefeuille, les consommateurs canadiens pourraient sortir gagnants cette fois-ci d’une éventuelle acquisition de Shaw par Rogers. Des experts estiment que les nouvelles conditions imposées mardi par le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, joueront à leur avantage.

M. Champagne a déclaré mardi qu’il s’opposait au rachat de Shaw par Rogers, pour la somme de 26 milliards de dollars, « dans sa forme initiale ». Le ministre a ensuite énoncé quelques critères qui le rendraient plus réceptif, notamment la vente des actifs du sans-fil de Shaw à Québecor, à condition que ce dernier s’engage à les conserver pour au moins dix ans.

Le ministre Champagne a également exigé que Québecor établisse une tarification partout au Canada qui serait identique à celle qu’il offre déjà au Québec, où les coûts dans le sans-fil sont en moyenne 20 % moins élevés qu’ailleurs au pays, selon lui.

« Je pense que c’est le meilleur scénario pour le consommateur canadien », croit Nadir Marcos Mechaiekh Simon, p.-d.g. du site de comparaison des prix PlanHub. « Les conditions sont claires pour l’approbation du transfert de spectre : Vidéotron deviendrait le quatrième joueur au Canada. Il y aurait un vrai challenger qui a fait ses preuves. »

Le gouvernement de Justin Trudeau souhaite depuis des années voir l’apparition de ce fameux « quatrième joueur » dans un marché national du sans-fil quasi monopolisé par Rogers, Bell et Telus. Seulement quelques joueurs régionaux leur tiennent tête, dont Vidéotron au Québec, mais également Freedom Mobile, jusqu’ici propriété de Shaw, dans l’ouest du pays.

En mettant un peu plus de pression pour que Freedom et Vidéotron ne fassent plus qu’un, François-Philippe Champagne dicte ainsi la voie à l’industrie pour que son gouvernement puisse atteindre cet objectif. « Au fil des ans, les gouvernements successifs ont tenté de favoriser la concurrence pour faire diminuer les prix. Et, soyons honnêtes : encore aujourd’hui, les Canadiens méritent une plus grande gamme de choix de services sans fil », a déclaré le ministre mardi.

Partage de réseau

 

Le p.-d.g. de Québecor, Pierre-Karl Péladeau, s’est rapidement engagé par communiqué mardi soir à respecter les conditions imposées par François-Philippe Champagne si sa division Vidéotron devait effectivement acquérir les actifs de Freedom Mobile. Pour étendre son service partout au Canada, Vidéotron aura aussi besoin de signer des ententes de partage de réseau avec au moins un autre fournisseur. Dans la proposition de rachat de Freedom, il est d’ailleurs mentionné que Québecor aura droit à des tarifs de gros particuliers auprès de Rogers pour accéder à son infrastructure à l’extérieur du Québec.

Cette entente entre Rogers et Québecor pourrait même être bonifiée pour inclure la vente d’une partie de cette infrastructure à l’exploitant montréalais. Selon ce que rapportait le Globe and Mail mardi, Rogers aurait sous le coude une version révisée de son offre d’achat de Shaw qui vise à apaiser les inquiétudes du gouvernement fédéral pour que la transaction soit enfin autorisée.

Rogers et Shaw doivent rencontrer jeudi le commissaire fédéral à la concurrence pour trouver un terrain d’entente qui ferait mieux passer la transaction aux yeux du public et du gouvernement. L’offre révisée sera présentée à ce moment.

Si elle s’avère, et si elle est acceptée, cette version modifiée de l’acquisition de Shaw par Rogers aura comme effet collatéral de placer Québecor en position de force dans le secteur canadien du sans-fil. Déjà, en ayant accepté les conditions imposées par le ministre Champagne, Pierre-Karl Péladeau a rendu un service qui sera certainement apprécié par les dirigeants de Rogers, estime dans un entretien avec Le Devoir l’analyste financier de Valeurs mobilières Desjardins Jérôme Dubreuil.

« C’est sûr que les dirigeants de Rogers ont dû être rassurés de voir le patron de Québecor accepter les conditions du ministre, dit M. Dubreuil. La transaction en son ensemble reposait pas mal sur ses épaules. Québecor m’apparaît comme étant en position avantageuse après cet énoncé. »

Dans sa note aux investisseurs parue mercredi, l’analyste montréalais disait par ailleurs croire que la sortie du ministre Champagne a été calculée pour accélérer la conclusion de cette transaction. « Pourquoi le ministre Champagne imposerait-il des conditions s’il se prépare à refuser la transaction ? » écrit-il, indiquant que, selon lui, et contrairement à ce qu’on peut croire à la lumière des propos tenus par le ministre mardi, M. Champagne « se prépare à approuver » l’acquisition de Shaw par Rogers si le Bureau de la concurrence en fait tout autant.

Seulement pas « dans sa forme initiale », comme a nuancé François-Philippe Champagne.

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