Les Québécois payent-ils trop d’impôts?

Une majorité de Québécois estime payer trop d’impôts, mais serait prête à une hausse de la TVQ si ces nouvelles recettes devaient aller à la santé, à l’éducation, à la lutte contre la pauvreté… ou à des baisses d’impôt.
Photo: Jacques Grenier Archives Le Devoir Une majorité de Québécois estime payer trop d’impôts, mais serait prête à une hausse de la TVQ si ces nouvelles recettes devaient aller à la santé, à l’éducation, à la lutte contre la pauvreté… ou à des baisses d’impôt.

Ce texte est tiré du Courrier de l’économie du 10 octobre 2022. Pour vous abonner,cliquez ici.

Une majorité de Québécois estime payer trop d’impôts. On pourrait logiquement croire que c’est parce qu’ils sont effectivement plus taxés qu’ailleurs, mais ce serait trop simple.

La Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke a publié vendredi les résultats d’un sondage rapportant que 53 % des Québécois jugent payer trop d’impôts, même en tenant compte des programmes et des services gouvernementaux qu’ils reçoivent en échange. Comme presque tous les autres (45 %) considèrent faire leur juste part, cela en laisse moins de 2 % qui pensent qu’ils pourraient en faire plus.

Il faut dire que le Québec est l’un des endroits dans le monde développé où les impôts et les taxes sont les plus élevés, avec une pression fiscale totale équivalente à presque 39 % de son produit intérieur brut (PIB), contre une moyenne de 33,5 % dans les pays de l’OCDE.

Il faut toutefois aller au-delà des moyennes, le sentiment de payer trop d’impôts étant plus fort au Québec chez ceux qui gagnent 100 000 $ et plus par année (59 %) que chez ceux qui en gagnent moins de 40 000 $ (44 %). Ou encore chez ceux qui ont un emploi (63 %) que ceux qui sont aux études (38 %) ou à la retraite (41 %). Normal, serait-on porté à conclure, puisque ces gens sont aussi ceux qui sont objectivement amenés à payer le plus d’impôts.

Il est vrai que tous ne paient pas autant d’impôts et ne reçoivent pas autant de services et de transferts des gouvernements. Lorsqu’on considère seulement la charge fiscale nette (impôt — transferts), on constate en effet comment, à ce chapitre, le Québec est presque un paradis au sein des pays l’OCDE pour les ménages à faibles revenus et ceux qui ont des enfants, mais comment cela n’est plus le cas lorsqu’on n’a pas d’enfants ou un revenu élevé.

Une autre étude de la Chaire de l’Université de Sherbrooke illustrait bien, il y a deux ans, comment les Québécois versent généralement plus d’argent à leurs gouvernements qu’ils ne reçoivent de transferts et de services publics en retour durant leur vie active. Ce déséquilibre s’inverse toutefois durant leurs études, mais plus encore après leur retraite, au point de se conclure en leur faveur s’ils vivent assez vieux.

La gestion du gouvernement fait débat

 

Mais le fait de payer objectivement plus d’impôts n’est pas le seul facteur en cause dans le sentiment de plusieurs Québécois de faire plus que leur part. En fait, il y en a un plus important encore, rapportait la Chaire dans une autre étude, en 2018 celle-là, c’est-à-dire l’impression que les gouvernements gèrent mal leur argent.

On révélait que 70 % de Québécois estiment que leurs impôts sont « plutôt mal » (48 %), voire « très mal » (22 %) « administrés et dépensés par le gouvernement », contre moins d’un tiers qui pensent que cela se fait « plutôt bien » (27 %) et même « très bien » (3 %). Cette mauvaise gestion était notamment attribuée à « la corruption des fonctionnaires et des politiciens », au problème de l’évasion fiscale ou simplement à des dépenses inutiles. Dans certains groupes, la proportion de personnes estimant payer trop d’impôts pouvait ainsi bondir de 37 % à 66 % ou de 45 % à 73 % s’ils pensaient que les fonds publics étaient bien ou mal gérés.

Il est intéressant d’observer que sur la scène internationale, il ne semble pas non plus avoir de lien direct entre le niveau du fardeau fiscal et le sentiment des contribuables d’en avoir pour leur argent. Dans l’étude de la Chaire de vendredi, on constate, par exemple, que dans des pays, comme le Danemark et la Belgique, qui comptent parmi les plus fortement taxés de l’OCDE, la proportion de la population qui estime en donner trop à l’État pour ce qu’elle reçoit est parmi les plus faibles. On voit aussi le contraire se produire avec des pays comme le Chili et le Mexique, où les taxes sont parmi les plus basses et la frustration la plus élevée.

D’ailleurs, ce n’est pas parce qu’une majorité de Québécois s’estiment surtaxés qu’ils ne seraient pas prêts à en faire encore plus pour les bonnes raisons, nous apprend la chaire de l’Université de Sherbrooke. Près des deux tiers des Québécois seraient ainsi très favorables ou assez favorables à une hausse de la TVQ si cela devait profiter à la santé. Cette proportion dépasse les 58 % pour l’éducation et les 55 % pour la lutte contre la pauvreté. On flirte avec les 58 % lorsqu’il est question d’obtenir en échange une réduction des impôts sur le revenu des particuliers, mais on tombe aux alentours de 40 % si cela doit aller à la réduction de la dette ou à la réduction des taxes sur la masse salariale des employeurs.

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