Surtaxés, mais prêts à en faire plus

Une majorité de Québécois estime payer déjà trop d’impôts, mais serait prête malgré tout à une hausse de la TVQ si ces nouvelles recettes devaient aller à la santé, à l’éducation, à la lutte contre la pauvreté… ou à des baisses d’impôt pour les particuliers.
La proportion de Québécois qui estiment payer trop d’impôts, même à la lumière des programmes et des services gouvernementaux qu’ils reçoivent en échange, s’élevait à 53 % cet hiver, rapporte une étude de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke dévoilée vendredi et s’appuyant sur un sondage commandé à la firme Léger. Presque tous les autres (45 %) disaient payer assez, moins de 2 % jugeant, au contraire, qu’ils devraient en payer plus.
Ce résultat « permet de comprendre encore mieux pourquoi les partis politiques, en campagne électorale, s’affairent à promettre aux électeurs des baisses d’impôts. Il est vrai que les Québécois ont un des poids des impôts sur les revenus les plus élevés de l’OCDE et un poids global de la fiscalité supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE », constatent les auteurs de l’étude.
C’est la septième fois que la Chaire sonde les Québécois sur le sujet depuis 2005. Et à 53 %, la proportion qui estime payer trop d’impôts est presque la plus basse en 17 ans, alors que la tendance générale se situe plutôt autour de 60 %.
Ce n’est peut-être pas un hasard si ce résultat plus bas que la moyenne a été obtenu à la fin du mois de mars, au moment où le gouvernement du Québec venait d’annoncer l’attribution de 500 $ à 6,4 millions d’adultes québécois pour compenser la forte hausse du coût de la vie, notent les chercheurs. La seule fois où le sentiment de payer trop d’impôts avait été plus faible encore, à 44 %, avait été constaté durant les jours les plus sombres de la pandémie de COVID-19, en 2020, alors que les gouvernements déployaient des moyens extraordinaires pour freiner la progression du virus et pour aider financièrement les ménages et les entreprises à passer au travers de cette épreuve.
C’est la proportion des Québécois qui estiment payer trop d’impôts.
On constate aussi d’ailleurs que le sentiment de payer trop d’impôts est plus faible chez les 18-34 ans (50 %) ou les 65 ans et plus (40 %) que chez les 35-64 ans (60 %) ; chez les personnes gagnant moins de 40 000 $ par année (44 %) que chez ceux gagnant 100 000 $ et plus (59 %) ; ou encore chez ceux qui sont aux études (38 %) ou à la maison (41 %) que chez ceux qui occupent un emploi (63 %). C’est probablement parce que tous ne payent pas autant d’impôts et qu’on tend généralement à recevoir plus des gouvernements qu’on leur en donne au début et à la fin de sa vie, alors que c’est le contraire entre les deux, ont expliqué en entrevue au Devoir les auteurs de l’étude.
Ce qui ne veut pas dire que plus on paye d’impôts et plus on s’en plaint, au contraire. En effet, selon une autre enquête, réalisée par l’OCDE celle-là, le Québec est l’une des économies les plus taxées avec une pression fiscale totale équivalant à presque 39 % de son produit intérieur brut (PIB), contre une moyenne de 33,5 % dans les pays développés. Pourtant, la proportion de Québécois qui estiment ne pas obtenir leur juste part des services publics en regard des impôts, taxes et contributions payés est inférieure à 40 %, contre une moyenne de presque 45 % dans l’OCDE.
Ce phénomène peut être plus fort encore dans d’autres pays, comme le Danemark et la Belgique, qui comptent parmi les pays les plus fortement taxés de l’OCDE, mais où le sentiment de ne pas en recevoir son dû est aussi le plus faible, ou des cas contraires, comme le Chili et le Mexique, où les taxes sont parmi les plus basses et la frustration la plus élevée.
Le paradoxe québécois
D’ailleurs, ce n’est pas parce qu’une majorité de Québécois estiment payer trop d’impôts qu’ils ne seraient pas prêts à en payer encore plus, ont constaté les chercheurs de la Chaire dans leur étude intitulée La relation paradoxale des Québécois face au fardeau fiscal. Une majorité se dit également favorable à une hausse de la TVQ si cela permet d’accroître les dépenses de l’État dans certaines missions qui lui tiennent à coeur.
Près des deux tiers des Québécois seraient ainsi très favorables ou assez favorables à une taxe à la consommation plus élevée si cela devait profiter à la santé. Cette proportion dépasse les 58 % pour l’éducation et les 55 % pour la lutte contre la pauvreté. On flirte avec les 58 % lorsqu’il est question d’obtenir en échange une réduction des impôts sur le revenu des particuliers, mais on tombe aux alentours de 40 % si cela doit aller à la réduction de la dette ou à la réduction des taxes sur la masse salariale des employeurs.
Réalisé en ligne auprès de 1044 répondants, le sondage de la firme Léger s’est tenu entre le 25 et le 27 mars.