Le jeu vidéo international débarque à Montréal en octobre

Jean-Jacques Hermans
Photo: Annik MH de Carufel Le Devoir Jean-Jacques Hermans

Il s’en passe, des choses, en trois ans. La dernière fois qu’a eu lieu en personne à Montréal la conférence MEGAMIGS, on parlait davantage de l’impact des services infonuagiques sur le futur du jeu vidéo que du manque de diversité et d’inclusion dans l’industrie. Une pandémie et quelques scandales plus tard, ce sont ces derniers thèmes qui sont à l’ordre du jour de la 18e édition de cet événement vidéoludique de portée internationale.

L’aspect technologique n’est pas pour autant évacué de cette importante conférence annuelle, qui réunira du 19 au 22 octobre prochains à Montréal quelque 3000 professionnels du secteur du jeu vidéo venus d’un peu partout dans le monde. L’arrivée dans le jeu vidéo de géants de la diffusion en continu — Amazon, Apple, Netflix et compagnie — n’est plus une nouvelle, mais elle continuera d’alimenter les conversations, au même titre que l’émergence de la réalité virtuelle et de ses mondes persistants.

Les NFT (« non-fungible token », ou « jetons non fongibles » en français), cette technologie associée aux cryptomonnaies et qui permet en principe aux joueurs de monnayer plus aisément les biens virtuels que possèdent leurs personnages, risquent aussi d’être sujets à débat. Chez les professionnels du jeu vidéo, les NFT sont loin de faire l’unanimité, malgré la volonté de certains studios et éditeurs, comme le géant Ubisoft, d’adopter cette technologie.

Pour Ubisoft, justement, c’est probablement le genre de débat qui fera le plus son affaire lors du MEGAMIGS. En 2021, le groupe français a traversé une crise liée à des cas de harcèlement sexuel survenus dans ses bureaux québécois, et il souhaite certainement faire oublier ce chapitre.

La Guilde du jeu vidéo du Québec, qui organise le MEGAMIGS, espère aussi passer à l’étape suivante sur les questions d’inclusivité, de diversité et d’équité dans l’industrie vidéoludique. On trouve dans la programmation de l’édition 2022 plusieurs conférences sur ces thèmes, orientées avant tout vers le partage de solutions et de « bonnes pratiques ». La Guilde publiera d’ailleurs, au bénéfice de l’industrie, un guide en la matière.

« Nous avons adopté, à la Guilde, une position très engagée sur ces questions, qui est d’ailleurs partagée par l’industrie », dit en entrevue au Devoir Jean-Jacques Hermans, directeur général du regroupement. « Je pense que les studios ont évolué et qu’aujourd’hui, nous sommes rendus ailleurs [qu’il y a deux ans]. »

Haut lieu du jeu vidéo

 

Mine de rien, Montréal est le troisième lieu en importance dans le monde pour l’industrie du jeu vidéo, tant en ce qui concerne le nombre d’entreprises qu’en ce qui concerne leur taille ou le nombre d’employés qui y travaillent. Et même si elle n’échappe pas entièrement aux grandes fluctuations économiques, l’industrie vit sur un cycle de production qui lui est propre : les studios travaillent généralement de trois à cinq ans sur un produit avant de le mettre en marché à l’international.

Dans ce contexte, les deux sujets qui risquent d’alimenter le plus les conversations de coulisses durant le MEGAMIGS auront davantage à voir avec la façon dont l’aide publique est consentie aux créateurs d’ici et d’ailleurs, qu’il s’agisse d’une aide financière ou d’une aide à l’embauche.

Dans le cas de l’aide financière, la Guilde constate que bien des investisseurs ne comprennent pas très bien la façon dont le secteur fonctionne, ce qui nuit à la fluidité des capitaux dans l’industrie — et surtout chez les petits producteurs indépendants. Car quand il est question d’investissements, les prêteurs ont davantage tendance à se fier à la valeur des entreprises qu’à celle des projets dans lesquels ils sont impliqués. Une entreprise de quelques employés peut avoir un besoin ponctuel d’argent pour s’engager dans un projet qui dépasse sa propre taille.

Embauche mondialisée

 

C’est un peu la même chose qui se produit du côté de l’embauche, qui a de moins en moins de frontières. Bien des professionnels québécois du jeu vidéo se font embaucher directement par des sociétés étrangères sans avoir à quitter la province. Et comme les habiletés de ces professionnels sont aussi sollicitées à l’extérieur de l’industrie, ces sociétés ne sont parfois pas des producteurs de jeu vidéo, explique le directeur général de la Guilde du jeu vidéo du Québec.

« Le télétravail, ces deux dernières années, a créé un marché de l’emploi dans le jeu vidéo qui est international », dit Jean-Jacques Hermans. Des studios étrangers embauchent chez nous, des studios québécois embauchent à l’étranger. Le phénomène est si récent, mais si important, qu’on ne sait pas encore si l’industrie québécoise en sort gagnante ou pas, note M. Hermans. « Ce n’est pas clair si on en profite ou pas, mais c’est une tendance plus qu’anecdotique. »

La tendance profite surtout aux sociétés vidéoludiques, qui peuvent faire miroiter des salaires plus élevés. De leur côté, les plus petites entreprises doivent se rabattre sur des conditions de travail plus souples — moins d’heures travaillées, une implication plus active dans la prise de décisions, etc. — pour se démarquer.

Ce défi pour les employeurs est toutefois aussi une belle occasion pour les professionnels. « Ce sont les travailleurs qui en sortent gagnants, c’est sûr », conclut Jean-Jacques Hermans.

À voir en vidéo