Moderna aurait pu choisir Montréal pour sa nouvelle usine

Moderna est passé à deux doigts de s’installer sur un terrain détenu par le géant immobilier Broccolini dans l’arrondissement de Saint-Laurent, avant d’annoncer jeudi, le jour même où les démarches administratives aboutissaient à Montréal, qu’elle s’installera plutôt à Laval, a appris Le Devoir.
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, ne s’était pas égarée dans ses propos lorsqu’elle avait déclaré, à la fin du mois d’avril, que le géant pharmaceutique établirait son usine « à Montréal » — et non pas dans la région métropolitaine.
Plusieurs sources proches du dossier confirment au Devoir que l’unique option qui était alors étudiée par Moderna était est un immense terrain appartenant à Broccolini sur le site du Technoparc, dans l’arrondissement de Saint-Laurent. « Pour nous, la région de Montréal, c’était le Technoparc », illustre au Devoir le responsable du développement économique à la Ville de Montréal, Luc Rabouin.
Ce terrain vacant à vocation industrielle est situé près d’une future station du Réseau express métropolitain, d’un hôtel du secteur et de l’autoroute 40. « Tout ça faisait en sorte que le site répondait aux objectifs de Moderna », indique en entrevue le président du groupe immobilier Broccolini, Roger Plamondon.
Des inquiétudes avaient alors été soulevées par Montréal International, l’arrondissement et Moderna, comme quoi ce projet d’usine pourrait nécessiter des modifications au plan d’urbanisme de la Ville de Montréal, impliquant un délai pouvant s’élever à six mois, indiquent nos sources.
Or, cette option n’était pas envisageable pour le géant pharmaceutique, qui voulait commencer la construction de cette usine le 1er septembre. Le chantier aurait été mené par Broccolini après que ce dernier aurait vendu son terrain à Moderna, a-t-on appris.
S’il y a une raison qui fait que Moderna n’est pas à Montréal, c’est parce que l’arron-dissement, tout seul, sans jamais nous con-sulter ou nous aviser, a mis des exigences pour le projet de Moderna dans le Technoparc
La Ville a alors fait des pieds et des mains afin que le service de l’urbanisme étudie ce dossier de manière accélérée. Résultat : 48 heures plus tard, le projet était jugé conforme au plan d’urbanisme et pouvait passer aux étapes suivantes. « Il n’y avait plus d’enjeu », se rappelle M. Rabouin.
« Tout le monde était très content qu’on ait débloqué ça et que le projet avançait très très bien pour le Technoparc », souligne-t-il.
Course contre la montre
Le dossier a ensuite été transféré à l’arrondissement, qui s’occupe des demandes de permis et des dossiers reliés au zonage. Celui-ci s’est d’ailleurs affairé dans les dernières semaines à faire adopter rapidement le projet de Moderna par ses élus.
Un avis de motion avait d’abord été approuvé le 28 juin par les élus locaux. Le projet a ensuite été soumis en juillet au Comité consultatif d’urbanisme de l’arrondissement, qui a soumis ses recommandations aux élus locaux, avant que ces derniers approuvent à l’unanimité en deuxième lecture le projet d’usine de Moderna, le 3 août.
« On a assuré au client non seulement qu’on est intéressé, mais que, deuxièmement, on va faire des efforts pour que les questions de réglementation et d’architecture ne soient pas un enjeu » pour l’installation de Moderna, affirme le maire de Saint-Laurent, Alan DeSousa, qui a travaillé « tout l’été » en ce sens.
La dernière étape d’adoption réglementaire, après quoi un permis de construction aurait pu être délivré dans ce dossier, était d’ailleurs prévue ce jeudi, en soirée. Cette séance extraordinaire du conseil d’arrondissement a toutefois été annulée lorsque ses membres ont appris, dans les médias, que Moderna avait finalement choisi Laval pour construire son usine de fabrication de vaccins. « Côté réglementaire, on était prêt aussi tôt qu’hier pour s’assurer que tous les aspects réglementaires aient été tous atteints », relève M. DeSousa.
Mais il était trop tard, se désole Luc Rabouin, qui blâme l’arrondissement de Saint-Laurent d’avoir tardé, selon lui, à approuver le projet de Moderna tel quel après avoir d’abord tenté d’y imposer des modifications.
Or, le géant pharmaceutique a l’habitude de faire construire un modèle générique d’usine partout où il s’installe et n’était pas ouvert à ces modifications, selon nos informations. « S’il y a une raison qui fait que Moderna n’est pas à Montréal, c’est parce que l’arrondissement, tout seul, sans jamais nous consulter ou nous aviser, a mis des exigences pour le projet de Moderna dans le Technoparc », lance M. Rabouin, visiblement irrité.
Des propos que rejette Alan DeSousa. « À toutes fins de pratiques, tant dans l’acceptation du projet que dans les changements réglementaires, les élus du conseil [d’arrondissement] se sont prononcés par des votes unanimes et dans un délai record » d’un mois et demi, réplique le maire de Saint-Laurent.
Roger Plamondon, de Broccolini, assure pour sa part que le prix de vente du terrain à Moderna dans le secteur du Technoparc — qui fait l’objet d’ententes confidentielles — ne représentait « pas un enjeu » pour la multinationale. « Ce qui était nécessaire, c’était l’obtention des permis et des autorisations nécessaires au projet », ajoute le promoteur. Ce dernier estime ainsi qu’une réflexion s’impose pour améliorer la communication entre la Ville et ses arrondissements pour éviter que d’autres grands projets glissent des mains de la métropole.
Le promoteur Broccolini entend d’ailleurs prendre part à l’appel de propositions dans l’espoir de devenir responsable de la construction de l’usine de Moderna à Laval, a appris Le Devoir. Le géant pharmaceutique n’a pas répondu à nos questions, vendredi.