Les salaires suivent l’inflation au Québec

Signe de la croissance des prix, mais aussi d’un marché de l’emploi serré, les salaires maintiennent le rythme de l’inflation au Québec.
Le salaire horaire moyen des employés québécois a augmenté de 8,1 % sur 12 mois en juillet, a révélé Statistique Canada vendredi en dévoilant les résultats de son Enquête sur la population active réalisée du 10 au 16 juillet dernier.
C’était encore une fois beaucoup plus qu’en Ontario (4,9 %) et que la moyenne canadienne (5,2 %). C’était aussi légèrement plus élevé que la dernière mesure de la croissance de l’indice des prix à la consommation (IPC), qui s’est élevée à 8 % au Québec en juin (8,1 % au Canada).
Comme l’inflation, cette hausse des salaires est allée en s’accélérant ces derniers mois au Québec. Encore de seulement à 3,1 % en janvier (contre une inflation de 5,1 %), elle était de 5,7 % en avril (contre une inflation de 6,8 %), puis 6,9 % en mai (contre une inflation de 7,5 %) et de 7,5 % en juin.
C’est l’augmentation du salaire horaire moyen des employés québécois sur 12 mois en juillet, a révélé Statistique Canada vendredi.
Cette progression rapide des salaires reflète la croissance des prix, mais aussi un marché du travail « extrêmement serré », a observé l’économiste au Mouvement Desjardins Hélène Bégin dans une brève analyse. « La forte accélération de l’inflation et les anticipations élevées pour les prochains mois s’ajoutent à la pénurie de main-d’oeuvre pour expliquer la flambée des salaires. »
Deuxième recul de l’emploi
Le marché du travail au Canada donne toutefois des signes d’essoufflement, a aussi rapporté Statistique Canada. Le mois dernier a été marqué par un petit recul de 31 000 emplois, mais il faisait suite à un autre repli en juin, pour une perte totale de 74 000 emplois par rapport au mois de mai. Tout cela reste par contre bien modeste en comparaison du gain de plus d’un million d’emplois lors des 12 mois précédents.
Le taux de chômage au Canada s’est d’ailleurs maintenu à son creux historique de 4,9 %. Au Québec, il a même légèrement diminué, passant de 4,3 % à 4,1 %, mais en raison d’un léger recul du nombre de chercheurs d’emploi (-0,2 point de pourcentage) plutôt que de la création de nouveaux emplois (-4500).
Le taux de chômage au Québec reste ainsi tout près de son plancher record de 3,9 % atteint en avril.
Au Canada, l’emploi a principalement reculé dans le secteur public (-51 000 emplois) au Québec et en Ontario, notamment en santé et assistance sociale (-22 000) et dans les services d’enseignement (-18 000). Ces pertes d’emplois ont toutefois été en partie compensées par l’augmentation du nombre de travailleurs autonomes (+34 000) et laissent tout de même le secteur public avec 215 000 emplois de plus qu’il y a 12 mois.
Dans le cas seulement du secteur de la santé et de l’assistance sociale, on se retrouve avec autant d’emplois qu’il y a un an, alors qu’on y comptait encore plus de 140 000 postes vacants en mai. Statistique Canada rapporte d’ailleurs qu’une infirmière sur cinq a travaillé des heures supplémentaires le mois dernier, du jamais vu depuis que des données comparables sont devenues disponibles en 1997.
La conjoncture favorable du marché du travail profite également aux étudiants en quête d’un emploi d’été. Leur taux de chômage en juillet (11 %) n’avait pas été aussi bas depuis 1989.
Surprise aux États-Unis
Si les analystes ont été un peu déçus par le manque de tonus du marché du travail canadien, cela a été tout le contraire aux États-Unis, où la création d’emplois a été deux fois plus forte qu’attendu au mois de juillet, avec un total de 528 000 emplois, a rapporté vendredi le département américain du Travail.
Le pays a désormais regagné tous les emplois perdus durant la pandémie (22 millions), ce que le Canada avait déjà fait depuis 10 mois. Le taux de chômage est désormais retombé à son niveau du mois de février 2020, c’est-à-dire 3,5 %. Comme l’inflation et la course aux travailleurs se font aussi féroces aux États-Unis, le salaire horaire moyen dans le secteur privé affiche désormais une augmentation de 5,2 % sur 12 mois.
Durement critiqué pour sa gestion de l’économie en cette année d’élections de mi-mandat, le président américain, Joe Biden, n’a pas manqué de souligner la bonne nouvelle. « Davantage de personnes travaillent qu’à n’importe que moment de l’histoire américaine », s’est-il félicité, y voyant « le résultat de [son] plan économique ».
Attention aux taux d’intérêt
Cette belle tenue d’emploi, la difficulté grandissante des entreprises à trouver de la main-d’oeuvre et l’accélération de la hausse des salaires sont autant de facteurs qui conforteront la Banque du Canada et la Réserve fédérale américaine dans leur sentiment que leurs économies sont non seulement capables de prendre d’autres hausses des taux d’intérêt, mais en ont besoin pour parvenir à mettre au pas l’inflation, ont observé les analystes.
Aux prises avec une inflation qui s’éloigne de plus en plus de leurs cibles à long terme de 2 %, les deux banques centrales ont entamé depuis mars un relèvement accéléré de leur taux d’intérêt afin de refroidir les ardeurs des consommateurs et des entreprises, mais non sans soulever la crainte qu’elles provoquent ainsi une récession.
Abaissés à leur plancher absolu en réponse à la pandémie de COVID-19, leurs taux directeurs sont revenus aujourd’hui autour de 2,5 %.
« Pour la Banque du Canada, la conclusion sera que, malgré le ralentissement évident de la croissance, les conditions restent très serrées et les salaires sont sur un élan », a estimé dans une brève analyse l’économiste en chef de la Banque de Montréal, Douglas Porter. « On s’attend, dans ce contexte, à une autre augmentation de son taux directeur à sa prochaine réunion en septembre, mais moins énergique que sa mégahausse de 100 points de base du mois dernier. Elle devrait plutôt être de 50 points. »
« L’économie américaine est visiblement loin d’être en récession », a pour sa part constaté son confrère du Mouvement Desjardins, Benoit P. Durocher. « Dans ces conditions, il faut s’attendre à ce que la Réserve fédérale poursuive sa lutte contre l’inflation élevée avec d’autres augmentations de ses taux d’intérêt directeurs dans les mois à venir. »