Des profits pharaoniques pour les pétrolières

Avec la montée des cours du brut à plus de 100 $US dans le sillage de l’invasion de l’Ukraine par la Russie — et les juteuses marges dégagées par les raffineries —, ExxonMobil a gagné sur la période 17,9 milliards de dollars, et Chevron, 11,6 milliards.
Photo: (Mark Mulligan Houston Chronicle via Associated Press Avec la montée des cours du brut à plus de 100 $US dans le sillage de l’invasion de l’Ukraine par la Russie — et les juteuses marges dégagées par les raffineries —, ExxonMobil a gagné sur la période 17,9 milliards de dollars, et Chevron, 11,6 milliards.

Les géants américains des hydrocarbures ExxonMobil et Chevron, dans le collimateur du gouvernement Biden, qui leur reproche de ne pas faire suffisamment d’efforts pour limiter la flambée des prix à la pompe, ont dégagé des profits records au deuxième trimestre.

Avec la montée des cours du brut à plus de 100 $US dans le sillage de l’invasion de l’Ukraine par la Russie — et les juteuses marges dégagées par les raffineries —, ExxonMobil a gagné sur la période 17,9 milliards de dollars, et Chevron, 11,6 milliards.

Ces géants américains ne sont pas les seuls à tirer avantage de la situation : en Europe, Shell a dégagé un bénéfice net de 18 milliards, TotalEnergies, de 5,7 milliards, et Eni, de 3,8 milliards. L’espagnol Repsol a vu de son côté ses bénéfices croître de 165 % depuis janvier.

La pétrolière Impérial, filiale canadienne d’Exxon, a affiché vendredi un profit en très forte hausse pour son plus récent trimestre, appuyé par une hausse des prix de l’énergie et une croissance de la production. La société de Calgary a réalisé un profit net de 2,41 milliards de dollars canadiens (ou 3,63 $ par action), plus de six fois supérieur à celui du deuxième trimestre de 2021, qui s’était élevé à 366 millions (ou 50 cents par action). Les revenus totaux et autres revenus pour le trimestre clos le 30 juin ont atteint 17,31 milliards de dollars, par rapport à 8,1 milliards pour le même trimestre un an plus tôt.

Prix catapultés

 

Le baril d’or noir coté à New York s’est échangé sur la période entre 95 $US et 120 $US environ. En hausse depuis plus d’un an en raison du rebond de la demande des entreprises et des consommateurs, son prix a bondi au printemps à des niveaux plus vus depuis 2008, avec les sanctions imposées à la Russie après l’invasion de l’Ukraine.

Cette envolée participe largement à l’inflation, qui est au plus haut depuis plusieurs décennies aux États-Unis et en Europe. Le gouvernement américain reproche régulièrement aux entreprises du secteur de s’enrichir sur le dos des automobilistes sans prendre la peine de tenter de résoudre le problème, le président Joe Biden avançant même début juin sur le ton de la plaisanterie qu’ExxonMobil allait « gagner plus d’argent que Dieu » au deuxième trimestre.

Du côté de la production, ExxonMobil souligne avoir pompé environ 130 000 barils d’équivalent pétrole par jour de plus sur le trimestre dans le bassin permien, à cheval entre le Texas et le Nouveau-Mexique, tandis que celle de Chevron a augmenté de 3 % dans le pays.

Et ExxonMobil assure que sa capacité de raffinage sera supérieure d’environ 250 000 barils par jour au premier trimestre de 2023, « ce qui représente le plus grand ajout de capacité de l’industrie aux États-Unis depuis 2012 », a souligné son p.-d.g., Darren Woods, dans un communiqué.

Du côté des raffineries, la situation est plus contrastée. Les volumes transformés par ExxonMobil aux États-Unis ont légèrement progressé, mais ceux traités par Chevron ont reculé de 8 % en raison d’opérations de maintenance.

Actionnaires gâtés

 

De façon générale, le chiffre d’affaires d’ExxonMobil a augmenté de 71 % pour atteindre près de 115,7 milliards, et celui de Chevron, de 83 %, à 69 milliards. Les deux compagnies ont profité de la forte hausse des prix des produits raffinés, qui ont fait bondir leurs marges, de la hausse de la production de brut et d’un contrôle de leurs dépenses.

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C’est le profit net, en milliards de dollars canadiens, réalisé par la pétrolière Impérial, filiale canadienne d’Exxon, pour son plus récent trimestre. Il est plus de six fois supérieur à celui du deuxième trimestre de 2021.

ExxonMobil et Chevron en profitent pour réduire leur niveau d’endettement et gâter leurs actionnaires : ExxonMobil leur a versé 7,6 milliards au total sur le trimestre, tandis que Chevron a augmenté, de 10 à 15 milliards, la fourchette haute de son programme de rachat d’actions pour l’année.

Taxer les surprofits ?

D’un côté, des consommateurs étranglés par les factures de gaz et d’électricité ; de l’autre, des entreprises qui jonglent avec les milliards : une partie de l’Europe s’est résolue à taxer les profits exceptionnels de certains grands groupes, en particulier dans le secteur de l’énergie.

La flambée des prix plonge parallèlement des millions de ménages dans la précarité et fait dépenser aux États des sommes considérables. L’OCDE a évalué à 169 milliards de dollars le soutien direct de ses États membres et de certains partenaires à la consommation de combustibles fossiles versé entre octobre 2021 et la fin 2022.

« Ces entreprises n’enregistrent pas des bénéfices supplémentaires parce qu’elles ont investi, mais grâce à la guerre », explique Jacob Kirkegaard, membre du groupe de réflexion bruxellois German Marshall Fund. « Les gouvernements considèrent qu’il n’est pas politiquement acceptable que ces groupes gagnent autant d’argent alors que tout le monde souffre. »

Dernière en date, l’Espagne a annoncé à la mi-juillet une taxe sur les bénéfices extraordinaires des grandes entreprises énergétiques et financières qui pourrait rapporter quelque 3,5 milliards d’euros par an sur deux ans.

Auparavant, Londres a dévoilé fin mai l’instauration d’une taxation des bénéfices de 25 % pour les géants du pétrole et du gaz, qui devrait permettre de lever cinq milliards de livres. Un taux similaire à celui de l’Italie. La Roumanie et la Grèce ont aussi imposé des mesures touchant des groupes du secteur de l’énergie.

Cette taxation exceptionnelle touchant des producteurs d’énergie a par ailleurs reçu quelques soutiens inhabituels, à l’instar de l’OCDE, soit celui de la Commission européenne et de l’Agence internationale de l’énergie, à divers degrés.

Avec La Presse canadienne

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