Viridis plaide pour des projets de biométhanisation arrimés aux fermes québécoises

Même si le gouvernement du Québec ne limite pas actuellement la taille des usines de biométhanisation projetées dans la province, Viridis veut se limiter à des biométhaniseurs pouvant traiter 60 000 tonnes de matières organiques.
Photo: Brigitte Masse Archives Ville de Saint-Hyacinthe Même si le gouvernement du Québec ne limite pas actuellement la taille des usines de biométhanisation projetées dans la province, Viridis veut se limiter à des biométhaniseurs pouvant traiter 60 000 tonnes de matières organiques.

Au moment où Québec veut stimuler la biométhanisation, l’entreprise Viridis Environnement estime qu’il faudrait miser sur le développement d’une industrie qui reflète la taille des fermes québécoises plutôt que de se laisser charmer par le chant des sirènes de méga-usines déjà projetées dans la province.

« Vous savez, la biométhanisation, c’est la même chose que faire de la bière. C’est une réaction bien simple de fermentation, quand on y pense », dit Simon Naylor, vice-président de l’entreprise québécoise. Le plus important gestionnaire de matières résiduelles fertilisantes (MRF) de la province s’est lancé dans la biométhanisation l’an dernier en créant KERIDIS, une entreprise issue d’un partenariat avec la firme d’ingénierie française Keon.

« Si on veut produire plus d’énergie et de digestat [résidus servant de fertilisant], on a qu’à traiter plus de matière en augmentant la grosseur de la cuve, résume-t-il. Donc oui, on pourrait bâtir de grandes usines pour traiter plus de lisier ou de fumier, mais on pense que small is beautiful, comme le dit l’expression anglaise. »

Même si le gouvernement du Québec ne limite pas actuellement la taille des usines de biométhanisation projetées dans la province, Viridis veut se limiter à des biométhaniseurs pouvant traiter 60 000 tonnes de matières organiques.

« Dans les faits, ce sont déjà de gros biométhaniseurs pour le type d’agriculture qu’on pratique ici », observe l’agronome. Une porcherie « génère entre 3000 et 7000 tonnes de lisiers », poursuit-il, laissant entendre qu’entre 10 et 20 fermes seront nécessaires.

Il est impératif que la production d’énergie à partir de résidus provenant de l’agriculture s’harmonise avec la production agricole québécoise, selon lui : « Des mégaprojets de biométhanisation, pourquoi pas ? Mais là où il y a des mégafermes, ce qui n’est pas le cas au Québec. »

Contraste d’échelles

M. Naylor ne s’en cache pas : il réagit à l’arrivée au Québec de Nature Energy, ce géant danois de la biométhanisation qui exploite une douzaine d’usines en Europe et qui lorgne en direction du Québec.

Le Devoir rapportait début juin que l’entreprise envisageait d’injecter plus d’un milliard de dollars pour bâtir jusqu’à dix usines de biométhanisation. Chacune d’elles pourrait traiter annuellement près de 600 000 tonnes de matières organiques, comme du lisier et du fumier.

La taille de telles installations est démesurée proportionnellement au type d’agriculture québécoise, juge Simon Naylor. Par exemple, les fermes porcines ont généralement entre 3000 et 5000 bêtes. « Si vous allez aux États-Unis, on peut retrouver jusqu’à 250 000 porcs dans une ferme. Ici, une ferme laitière, c’est généralement entre 60 et 200 vaches. Aux États-Unis, ça peut être 10 000 vaches. »

Et qu’en est-il au Danemark, pays d’où vient Nature Energy ? La production porcine est à la fois plus élevée et elle se concentre sur un plus petit territoire : le pays scandinave produit plus de 13 millions de bêtes, soit près du double de la production de la province.

Évidemment, poursuit-il, la taille des projets peut sembler attrayante : « Mais si le Québec choisit le modèle des méga-usines, ça risque de se transformer en problème au fil du temps. » Tout d’abord, sur le plan du transport, récolter autant de lisier nécessitera « de virailler dans plusieurs régions » pour récolter la matière première. « Ce sont des camions qui carburent au diesel et qui émettent du CO2. »

« De plus, il ne faut pas se le cacher, ce sont des usines qui ont des problèmes d’acceptabilité sociale [à cause des odeurs]. La société québécoise veut faire de l’énergie verte, oui, mais quand c’est dans sa propre cour… Les gens veulent une usine qui est à la hauteur de ce que leur quartier peut absorber », dit-il.

En Bretagne, le géant danois Nature Energy, qui planche sur un projet baptisé XXL devant traiter 600 000 tonnes, fait face à une opposition de citoyens qui s’inquiètent de l’impact sur la qualité de vie des municipalités environnantes.

Renaud Lapierre, p.-d.g. de Viridis Environnement, soutient qu’alors que la filière de la biométhanisation s’apprête à prendre son envol, il est crucial que les projets ne soient pas considérés seulement dans une perspective de production d’énergie : « Les projets doivent s’harmoniser aux considérations environnementales et à l’économie régionale. »

Si les aspects environnementaux ne sont pas pris en considération, dit-il, les initiatives peuvent devenir contre-productives : « Si on veut aller chercher uniquement de l’énergie, on peut — pourquoi pas, quand on y pense — aller cultiver des terres agricoles et utiliser la production pour les mettre dans son biométhaniseur pour faire de l’énergie. Ça s’est fait en Allemagne. » L’heure est aux choix, estime-t-il.

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