​Vols retardés: la piètre performance du Canada

Avec quelque 8400 vols retardés en juin, Air Canada semble s’en sortir honorablement. Sauf qu’elle décroche en réalité le pire taux de vols retardés de l’industrie, puisque ce nombre représente près de 60 % de sa programmation.
Photo: Nathan Denette La Presse canadienne Avec quelque 8400 vols retardés en juin, Air Canada semble s’en sortir honorablement. Sauf qu’elle décroche en réalité le pire taux de vols retardés de l’industrie, puisque ce nombre représente près de 60 % de sa programmation.

L’ensemble de l’industrie aérienne connaît des turbulences depuis plusieurs semaines, mais le Canada est particulièrement frappé. En juin, quatre compagnies aériennes canadiennes se sont retrouvées dans le peloton de tête mondial des compagnies enregistrant les plus hauts taux de retard — avec Air Canada en première place, selon des données de FlightAware obtenues par Le Devoir.

La saison estivale a démarré en trombe dans les aéroports, alors que les grandes compagnies aériennes du monde entier font face à des défis logistiques et multiplient les retards de vols : plus de 33 000 vols retardés en juin pour Southwest Airlines, près de 27 000 pour American Airlines, un peu plus de 21 000 pour Ryanair…

Avec quelque 8400 vols retardés en juin, Air Canada semble s’en sortir honorablement. Sauf qu’elle décroche en réalité le pire taux de vols retardés de l’industrie, puisque ce nombre représente près de 60 % de sa programmation. En moyenne, les retards étaient de 62 minutes.

Les autres compagnies aériennes canadiennes ne font pas vraiment meilleure figure : la filiale à bas coût Air Canada Rouge et Jazz Aviation, compagnie basée à Halifax qui fournit un service régional pour Air Canada, se sont quant à elles respectivement hissées aux 3e et 7e rangs mondiaux des retards (avec des taux de vols retardés de 53 % et de 51 %). WestJet, compagnie aérienne canadienne à bas coûts dont le siège social se trouve à Calgary, s’est quant à elle faufilée à la 9e place (avec 49 % de ses vols retardés).

Responsables, mais tributaires

 

Mais comment se fait-il que les compagnies du Canada se retrouvent au sommet des taux de retard ? « Elles sont en partie responsables de ce qui arrive, mais elles sont aussi tributaires du manque d’investissement et des infrastructures aéroportuaires canadiennes désuètes », indique Mehran Ebrahimi, professeur à l’UQAM et directeur de l’Observatoire international de l’aéronautique et de l’aviation civile.

Les tapis roulants tombent en panne parce que les systèmes sont désuets. [...] Il ne suffit pas de mettre deux ou trois boutiques chics pour que l’aéroport soit moderne. Ça nécessite des investissements de plusieurs milliards de dollars, rien qu’à l’aéroport Montréal-Trudeau.
 

« C’est difficile de déterminer à qui revient la part de responsabilité des retards. S’il y a des retards à l’enregistrement des bagages, est-ce que c’est de la faute d’Air Canada ou de l’aéroport s’il n’y a pas suffisamment de tapis roulants fonctionnels disponibles ? » soulève l’expert.

L’aéroport Montréal-Trudeau n’a pas suffisamment été modernisé, explique-t-il notamment. « Les tapis roulants tombent en panne parce que les systèmes sont désuets. Ça prendrait des investissements pour les rénover, mais ça n’a pas été fait. Il ne suffit pas de mettre deux ou trois boutiques chics pour que l’aéroport soit moderne. Ça nécessite des investissements de plusieurs milliards de dollars, rien qu’à l’aéroport Montréal-Trudeau », souligne-t-il.

N’aurait-on pas pu prévenir la crise actuelle ? Les compagnies et les aéroports canadiens n’auraient-ils pas pu prendre les mesures nécessaires en prévision d’un volume de passagers plus important cette année ? L’été dernier, alors que le trafic aérien commençait à reprendre doucement, sans battre son plein non plus, Air Canada souffrait déjà d’un pourcentage de retards important.

Selon M. Ebrahimi, le gouvernement canadien n’a pas suffisamment investi pour soutenir l’industrie, contrairement à d’autres pays. « Il y a des différences de performance entre les compagnies aériennes qui viennent de pays où il y a eu davantage de soutien gouvernemental et celles où il y en a moins eu », dit-il.

« Ce qu’on voit en ce moment, c’est la conséquence de notre inaction », explique M. Ebrahimi. « Si seulement on avait eu un plan pour que les aéroports et les compagnies maintiennent leurs employés, les forment et modernisent leurs installations… Peut-être qu’on n’en serait pas là. »

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