L’inflation de nouveau au plus haut depuis 40 ans aux États-Unis

Les prix à la consommation ont repris leur escalade en mai aux États-Unis, battant un nouveau record en 40 ans, et le président américain, Joe Biden, a appelé à faire plus, et plus vite, pour maîtriser cette forte inflation.
Les prix à la consommation ont bondi de 8,6 % sur un an, contre 8,3 % le mois dernier, selon l’indice des prix à la consommation (IPC) publié vendredi par le département du Travail. La hausse atteint 1 % sur un mois après +0,3 % en avril. « Nous devons faire plus et rapidement » pour ralentir l’inflation, a affirmé Joe Biden dans un communiqué, en rappelant qu’il s’agissait de sa « priorité économique ».
Ces chiffres sont mauvais pour Joe Biden à quelques mois d’une échéance électorale cruciale, qui verra le renouvellement d’une large partie des élus du Congrès. « Mon gouvernement continuera à faire tout ce qui est en son pouvoir pour faire baisser les prix pour le peuple américain », a-t-il promis, appelant également le Congrès à adopter rapidement un texte de loi pour empêcher les transporteurs maritimes de gonfler les prix. Gouvernement, Congrès, banque centrale : « nous avons tous des efforts à faire pour réduire l’inflation », a-t-il souligné.
Il s’en est également pris aux géants pétroliers américains, afin qu’ils « n’utilisent pas les difficultés créées par la guerre en Ukraine comme une raison d’aggraver les choses pour les familles avec des prises de bénéfices excessives ou des hausses de prix ». « Exxon a gagné plus d’argent que Dieu ce trimestre », a ensuite dit en plaisantant le président américain à l’issue d’un discours au port de Los Angeles, reprochant de nouveau au pétrolier de ne pas pomper plus de pétrole, ce qui pourrait faire baisser les prix, dans le simple but de faire grimper ses bénéfices.
Élections de mi-mandat
L’opposition républicaine accuse la politique économique du président démocrate d’être inflationniste : « dans l’Amérique de Joe Biden, les produits de première nécessité ont des prix d’articles de luxe », selon la présidente du Comité national républicain, Ronna McDaniel. Logement, essence, billets d’avion, alimentation, voitures neuves et d’occasion, mais aussi soins médicaux, vêtements, l’augmentation a été générale, douchant les espoirs d’un ralentissement durable de l’inflation, timidement entamé en avril.
« Les chiffres d’inflation plus élevés reflètent une confluence continue de facteurs », souligne Kathy Bostjancic, cheffe économiste pour Oxford Economics. Les difficultés d’approvisionnement, qui ont débuté avec la pandémie de COVID-19, ont fait grimper les prix partout dans le monde, un mouvement accentué aux États-Unis par une pénurie de main-d’œuvre, tandis que de généreuses aides financières du gouvernement ont stimulé la demande.
La guerre en Ukraine a exacerbé le phénomène, faisant flamber les prix de l’essence et de l’alimentation. L’inflation par rapport à mai 2021 est ainsi de 34,6% pour l’énergie (plus forte hausse depuis septembre 2005) et de 10,1% pour l’alimentaire (plus importante progression depuis mars 1981).
Pannes sèches
Alors que les Américains sont très dépendants de leur voiture, et plébiscitent souvent des modèles gourmands en carburant, les prix de l’essence battent chaque jour de nouveaux records, atteignant vendredi en moyenne 4,986 dollars le gallon, contre 3,073 dollars il y a un an (+62 %). Cela a même fait bondir d’un tiers les demandes d’assistance pour panne sèche en avril, selon les données de l’association d’automobilistes AAA, citées par le Washington Post.
En excluant l’énergie et l’alimentation, l’inflation dite sous-jacente, cependant, est stable sur un mois, à +0,6 %, et ralentit même sur un an, à +6 %.
Cette situation devrait convaincre la Banque centrale américaine (Fed) de donner un tour de vis supplémentaire à ses taux directeurs la semaine prochaine lors de la réunion de son comité monétaire. Elle les a déjà relevés à deux reprises, d’un quart de point puis d’un demi-point de pourcentage, jusqu’à la fourchette de 0,75 à 1 %.
La lutte contre l’inflation risque de peser sur l’économie américaine, faisant même craindre une récession. Le chômage, lui, pourrait repartir à la hausse. « Faut-il craindre la stagflation? », c’est-à-dire une période prolongée de croissance faible et d’inflation élevée, s’interroge Gregory Daco, économiste en chef d’EY-Parthenon : « non, pas en 2022, mais les risques seront bien plus grands en 2023 ».
Wall Street abattue, le moral s’écroule
L’inflation galopante aux États-Unis en mai a fait chuter fortement la Bourse de New York vendredi, où les indices ont inscrit leur pire semaine depuis janvier. Selon des chiffres définitifs à la clôture, l’indice des valeurs vedettes Dow Jones a lâché 2,7 % à 31 392,79 points. Le Nasdaq, à forte teneur technologique, a plongé de 3,5 % à 11 340,02 points. Le S&P 500, plus représentatif du marché américain, a perdu 2,9% à 3900,86 points.
Non seulement les actions ont chuté, mais le dollar a fortement grimpé et les taux obligataires se sont tendus. Les taux sur les bons du Trésor à 2 ans bondissaient à leur plus haut niveau depuis fin 2007, à 3,06 %. De même, les rendements sur les bons à 10 ans se rapprochaient de leur sommet de 2018 à 3,15 %.
« Une inflation forte, une Fed qui va relever les taux davantage et une augmentation des risques de ralentissement de l’économie, voilà ce qu’il se passe », a résumé Karl Haeling de LBBW. Le comité monétaire de la Banque centrale américaine se réunira la semaine prochaine, et les marchés s’attendent déjà à un tour de vis de 50 points de base sur les taux d’intérêt directeurs, après une hausse similaire le mois dernier. Mais au vu de la flambée des prix, de plus en plus d’analystes se demandent si la Banque centrale ne va pas serrer la vis plus fortement en enclenchant une hausse des taux directeurs de 75 points, une démarche extrêmement rare dans l’histoire récente de la Fed.
Les inquiétudes suscitées par cette tenace hausse des prix ont assurément pesé sur la confiance des consommateurs, qui s’est écroulée en juin. L’indice du moral des ménages de l’Université du Michigan a touché son plus bas niveau jamais enregistré, perdant 14 % par rapport à mai, pour s’établir à 50,2 points, un recul qui a surpris les analystes.