Une tour de 40 étages appartenant à Guy Laliberté projetée au milieu d’un espace patrimonial

Une entreprise de Guy Laliberté projette de démolir un édifice accolé au complexe de la Maison-Alcan, un ensemble de bâtiments historiques et patrimoniaux du centre-ville de Montréal, afin d’y ériger une tour d’habitation de 40 étages dans le cadre d’un nouveau projet.

Prével, un important promoteur immobilier québécois, a entamé au cours des dernières semaines des démarches auprès du ministère de la Culture et du Patrimoine afin d’obtenir les autorisations nécessaires à la démolition d’un édifice situé au cœur d’un espace du centre-ville de Montréal réputé depuis 40 ans pour son intégration réussie du patrimoine architectural au sein d’un aménagement urbain public et privé.

Ce projet est présenté par Néonacla, le bras immobilier de Lune Rouge, fer de lance des activités de l’ancien patron du Cirque du Soleil, Guy Laliberté.L’immeuble fait partie d’un quadrilatère composé de plusieurs édifices appartenant à M. Laliberté, qui abritent des bureaux de diverses compagnies, dont Sagard Holding, Telus, Electronic Arts et Zù.

Le projet de construction prévoit l’érection d’une tour résidentielle de 40 étages, est-il spécifié au Registre des lobbyistes.

Dans une communication avec Le Devoir, l’entreprise Lune Rouge confirme l’existence du projet, tout en ne souhaitant pas faire connaître ses partenaires : « Nous travaillons donc sur ce dossier, mais sommes actuellement liés à d’autres parties par des ententes de confidentialité. » Idem pour Prével, aussi avare de commentaires : « Nous confirmons toutefois que nous analysons en effet un projet sur le site de la Maison-Alcan. »

Ce n’est pas la première fois que des projets immobiliers sont proposés sur ce site.

L’immeuble visé est situé au 2050 de la rue Stanley, au centre-ville de Montréal. Là même où se trouve un quadrilatère classé patrimonial depuis 2017. Cet ensemble patrimonial important, constitué au tout début des années 1980 par l’entreprise Alcan avec la collaboration des autorités publiques, a incarné à l’époque une sorte de revanche après des destructions en série qui ont fait perdre au secteur plusieurs traces de son lustre d’antan.

La Maison-Alcan a été inaugurée « une décennie après la démolition de la maison Van Horne », très décriée, explique Dinu Bumbaru, d’Héritage Montréal. « Il y avait, enfin, une vision globale qui intégrait le patrimoine et le développement urbain », résume-t-il. « Le grand patron d’Alcan aurait pu décider d’aller ailleurs. Son geste de s’installer là était fort. Il marquait une confiance dans la ville, en intégrant des espaces historiques et des espaces collectifs », dans une collaboration alors jamais vue à Montréal.

« Évaluer les travaux à venir »

L’endroit où les promoteurs souhaitent ériger une nouvelle tour, pour proposer à la vente ou à la location environ 250 logements, selon ce qu’indiquent divers projets antérieurs, est situé dans ce que l’on nomme le « Mille carré doré ». Il se trouve plus exactement dans ce périmètre patrimonial classé, celui du Complexe-de-La-Maison-Alcan. Bien qu’adjacent à l’espace patrimonial placé sous protection, le 2050 de la rue Stanley échappe pour sa part à la protection de l’État.

L’entreprise a d’abord voulu avoir des discussions avec des représentants du ministère de la Culture et du Patrimoine, « pour évaluer les travaux à venir pour la transformation du Complexe […] souhaitant assurer sa pérennité mais aussi son repositionnement réussi dans le marché de l’immobilier commercial montréalais », comme l’indique le Registre des lobbyistes.

On trouve dans cet ensemble des bâtiments d’un XIXe siècle montréalais très victorien et impérial, comme l’édifice Donnacona, qui a abrité le Winter Club, et une église dont les entrées donnent sur la rue Drummond. Parmi eux, l’ancienne tour de l’Armée du Salut, accessible depuis la rue Stanley, n’est pas protégée au même titre que les autres.

Convaincre l’État

Toujours selon le Registre des lobbyistes, le projet entend « convaincre le ministère de la Culture et des Communications de ne pas exercer son droit de préemption à l’égard des immeubles classés », tout en assurant aux « décideurs » que les interventions envisagées « sont minimales et respectent le caractère patrimonial des lieux ».

Depuis 2019, Lune Rouge, le navire amiral de Guy Laliberté, et son partenaire Canderel ont déjà présenté à la Ville de Montréal divers projets de construction en surhauteur sur le même site.

Il a même été question d’ériger deux tours reliées par une passerelle. À la suite du retrait de Canderel, c’est désormais le scénario d’une seule tour qui est défendu par l’entreprise de M. Laliberté.

Le complexe actuel constitue un îlot où s’intègrent divers réseaux d’espaces verts reliés aux bâtiments adjacents par des galeries. À proximité, on trouve aussi le Mount Stephen Club et le Mount Royal Club, longtemps deux institutions phares de la haute bourgeoisie montréalaise.


Une version précédente de ce texte, qui désignait le Registre des lobbyistes comme le Registre des entreprises, a été corrigée.

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