Le géant de la biométhanisation Nature Energy envisage d’injecter un milliard au Québec

Pour s’imposer au Québec, le géant danois de la biométhanisation Nature Energy projette de construire et d’exploiter dix usines de biogaz qui totaliseront près d’un milliard de dollars en investissement. Outre ses projets de Farnham et de Louiseville, l’entreprise a multiplié dans les derniers mois des démarches pour s’installer en Beauce, en Estrie et près de la ville de Québec, a appris Le Devoir.
L’entreprise danoise a récemment entamé des démarches auprès de la ville de Saint-Joseph-de-Beauce pour acquérir des terrains situés dans un quartier industriel de la municipalité afin d’y construire une usine de biogaz.
Celle-ci permettrait de produire à très grande échelle du biométhane à partir de matières organiques, dont du lisier porcin et bovin ainsi que des résidus forestiers. La production pourrait alimenter le réseau gazier québécois et fournir des milliers de tonnes de digestat pouvant remplacer des fertilisants chimiques utilisés en agriculture.
La direction de Nature Energy a refusé d’accorder une entrevue à ce sujet. Par courriel, l’entreprise écrit toutefois prévoir « construire et exploiter dix usines de biogaz » au Québec, et les investissements pour chacune d’elles graviteraient autour de 100 millions de dollars. Dans les prochaines années, c’est donc près d’un milliard de dollars qui pourraient être injectés dans ces installations.
« Saint-Joseph-de-Beauce est une zone d’intérêt, a confirmé l’entreprise au Devoir. Nous recherchons activement un site qui pourrait répondre à nos besoins et s’intégrer parfaitement dans l’environnement immédiat, mais nous ne sommes pas encore prêts à faire une annonce. »
Nature Energy souligne que la taille et la production de l’installation ressembleraient à celles des autres projets. À titre indicatif, le seul projet confirmé, celui de Farnham — évalué à 100 millions de dollars —, en Estrie, devrait permettre à l’entreprise de transformer annuellement 600 000 tonnes de déchets organiques pour produire 20 millions de mètres cubes de biométhane, l’équivalent de ce qui est nécessaire pour chauffer près de 15 000 résidences.
En Beauce, des agriculteurs seraient partenaires de l’initiative, comme dans les autres projets de Nature Energy. « En règle générale, dans nos autres usines, les agriculteurs possèdent environ 10 à 20 % [de la participation] », expliquait en mars, dans un courriel, Hans Henrik Dahl Andersen, responsable du développement commercial en Amérique du Nord pour Nature Energy.
Selon nos informations, l’entreprise étudie sérieusement la possibilité de s’installer dans la région de Québec. La municipalité de Pont-Rouge aurait été envisagée avant d’être écartée. En Estrie, des démarches auraient été faites auprès de la municipalité de Waterloo.
Contexte politique favorable
Très active, Nature Energy a créé au Québec au moins trois sociétés dans les six derniers mois, selon le registre des entreprises. Elles seraient destinées à autant de projets.
Créée en 2015, l’entreprise s’est rapidement taillé une place en Europe. Pour ce faire, elle s’est appuyée sur le fait que le Danemark détient l’une des plus fortes densités d’élevage au monde. On y dénombre plus de 13 millions de porcs pour 5,8 millions de citoyens ; au Québec, on élève environ 7 millions de porcs pour une population de près de 8,5 millions.
Les démarches de l’entreprise ont lieu alors que Québec s’intéresse de plus à la filière des bioénergies. Dans sa Stratégie sur l’hydrogène et les bioénergies, publiée la semaine dernière, le gouvernement concentre ses investissements dans les bioénergies : d’ici 2026, ce sont environ 950 millions de dollars qui devraient y être injectés.
Est-ce que l’entreprise espère une aide financière de Québec ? « Notre technologie est innovante et éprouvée, et nous obtenons rapidement des résultats de réduction des gaz à effet de serre. Nous pensons que nos projets répondent à tous les critères établis par la stratégie québécoise », répond Nature Energy.